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- Deux députés sanctionnés pour usage abusif de frais de mandat
- Quel est le salaire d’un député en 2025 ?
- Un système issu de l’histoire parlementaire française
- Frais de mandat : une hausse critiquée dans un contexte d’inflation
- Un contrôle déontologique limité malgré des dérives
- Un écart croissant avec les revenus des Français
- Des tentatives de réforme bloquées au Parlement
En pleine recherche d’économies budgétaires, la question des rémunérations des députés revient au premier plan. À l’heure où la confiance dans les institutions est mise à l’épreuve, les indemnités perçues par les élus, les avantages associés et le contrôle de ces dispositifs suscitent des interrogations croissantes. Analyse complète d’un système opaque pour beaucoup, pourtant structuré par des règles anciennes.
Deux députés sanctionnés pour usage abusif de frais de mandat
Le 7 mai 2025, l’Assemblée nationale a prononcé une exclusion temporaire de quinze jours à l’encontre de deux députés : Christine Engrand (ex-Rassemblement national) et Andy Kerbrat (La France insoumise). Tous deux avaient utilisé des frais de mandat de façon abusive, bien qu’ils aient remboursé la quasi-totalité des sommes détournées. La présidente de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet, a salué une décision inédite, symbole d’une volonté de fermeté. Pourtant, le rapport du déontologue Jean-Éric Gicquel, à l’origine de la procédure, souligne les limites persistantes du contrôle exercé par l’Assemblée sur les dépenses de ses membres.
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Quel est le salaire d’un député en 2025 ?
Actuellement, un député perçoit 7 637,39 euros bruts par mois, selon les chiffres officiels. Cette somme se compose de trois éléments : une indemnité de base de 5 931,95 euros, une indemnité de résidence de 177,96 euros, et une indemnité de fonction de 1 527,48 euros. Après déductions fiscales et sociales, la rémunération nette atteint environ 5 953 euros mensuels.
En parallèle, plusieurs dotations viennent s’ajouter à cette base. L’Assemblée nationale verse chaque mois une avance de frais de mandat (AFM) de 5 950 euros, destinée à couvrir les dépenses liées à l’exercice du mandat (permanence, déplacements, hébergement, documentation). Les députés disposent aussi d’une enveloppe de 11 118 euros pour rémunérer jusqu’à cinq collaborateurs. Des avantages en nature (transport, matériel informatique, forfaits de communication) complètent le dispositif.
Au total, ce sont plus de 24 000 euros de fonds publics que gère chaque député chaque mois. Toutefois, seule une partie de cette somme constitue une rémunération personnelle ; le reste est strictement affecté à l’exercice du mandat.
Un système issu de l’histoire parlementaire française
La rémunération des députés repose sur une logique institutionnelle ancienne. En 1789, les révolutionnaires instaurent une indemnité pour garantir que tout citoyen, quel que soit son statut social, puisse exercer un mandat électif. Depuis 1938, le montant est indexé sur les traitements de la catégorie dite « hors échelle » de la haute fonction publique. L’indemnité parlementaire correspond à la moyenne entre le plus bas et le plus haut traitement de cette catégorie.
Ce principe visait à aligner la rémunération des députés sur les évolutions de la fonction publique d’État. Or, depuis les années 2000, ce lien ne compense plus entièrement l’inflation. Le pouvoir d’achat réel des députés a diminué, et leur place dans la hiérarchie des revenus français a reculé. En 1910, un député faisait partie du 1 % des Français les mieux rémunérés ; en 2020, il se situe dans les 3 %.
La fin du cumul des mandats, imposée en 2017, a également modifié le statut des parlementaires, en supprimant les sources de revenus liés à d’autres fonctions électives. Le mandat est devenu une activité à plein temps, encadrée par des obligations professionnelles et déontologiques accrues.
Frais de mandat : une hausse critiquée dans un contexte d’inflation
L’augmentation de l’AFM décidée en janvier 2024 – de 5 645 à 5 950 euros par mois – a suscité de vives critiques. La France insoumise s’est abstenue lors du vote au Bureau de l’Assemblée, jugeant cette hausse inopportune en période d’inflation. Le syndicat Unsa des collaborateurs parlementaires a dénoncé une décision déséquilibrée, rappelant que l’enveloppe destinée aux assistants n’a pas été revalorisée en parallèle, alors que certains collaborateurs sont payés au Smic.
L’Assemblée justifie cette hausse par la progression des coûts liés à l’exercice du mandat : loyers, déplacements, frais de représentation. Selon les données internes, l’AFM a augmenté de 10,7 % entre 2018 et 2024. L’institution affirme vouloir garantir aux députés les moyens de travailler sur le terrain, sans pour autant augmenter leur revenu personnel.
Un contrôle déontologique limité malgré des dérives
Le système de contrôle des frais de mandat repose sur un principe : les dépenses doivent être directement liées à l’exercice du mandat et présenter un caractère raisonnable. Un arrêté du Bureau de l’Assemblée encadre cette définition. Pourtant, une zone grise subsiste : jusqu’à 150 euros par semaine peuvent être dépensés sans justificatif, soit 7 800 euros annuels. Ce seuil est historiquement censé couvrir les achats du quotidien. Au Sénat, ce plafond atteint 13,4 % de l’AFM (environ 885 euros par mois, soit 10 620 euros annuels).
Dans son dernier rapport, le déontologue Jean-Éric Gicquel a pointé l’existence de dérives, y compris des retraits d’espèces suspects, des dépenses sur des sites de rencontres ou encore des transferts bancaires douteux. Aucun de ces cas n’a conduit à des sanctions immédiates. Le contrôle est principalement déclaratif et repose sur la bonne foi des élus. Le successeur de Gicquel, Rémi Schenberg, nommé en mai 2025, a annoncé vouloir renforcer l’efficacité du contrôle, sans modifier pour l’instant le seuil des dépenses non justifiées.
Un écart croissant avec les revenus des Français
Le niveau de rémunération des députés reste élevé par rapport à la population générale. En novembre 2025, leur revenu net représente 2,7 fois le salaire médian (2 190 euros nets) et plus de 4 fois le Smic (1 426 euros nets). Cet écart alimente un malaise social persistant. Lors des débats parlementaires de juillet 2025 sur le statut de l’élu local, la députée Marie-Agnès Poussier-Winsback (Horizons) a dénoncé des discussions « complètement hors-sol », alors que le gouvernement annonçait un objectif d’économies de 40 milliards d’euros.
La revalorisation de l’AFM sans augmentation équivalente de l’enveloppe collaborateurs alimente aussi une tension au sein des équipes parlementaires. Le syndicat Unsa dénonce un système qui aggrave la précarisation des collaborateurs, tout en creusant l’écart entre les élus et leurs équipes.
Des tentatives de réforme bloquées au Parlement
Plusieurs propositions de loi visant à indexer les traitements des parlementaires sur l’inflation ont été déposées depuis 2023. L’une d’entre elles, examinée au Sénat en février 2025, a été soutenue uniquement par les groupes socialistes, communistes et écologistes. Elle n’a pas obtenu la majorité. Le Rassemblement national, malgré ses prises de position en faveur de la revalorisation du travail, s’est abstenu.
Lors des discussions budgétaires de novembre 2025, aucun amendement relatif à la rémunération parlementaire n’a été inscrit à l’ordre du jour. Le principe constitutionnel d’alignement sur les hauts fonctionnaires n’a pas été remis en cause. Le débat reste donc ouvert : faut-il maintenir ce lien automatique ou instaurer un mécanisme d’indexation indépendant ? À ce jour, aucune majorité ne s’est dégagée pour porter une réforme en ce sens.


