Le Slip Français relance le textile made in France

Un tee-shirt Made in France à 7,90 € : Le Slip Français veut démontrer qu’un modèle local peut rivaliser avec la fast fashion sans renoncer à la qualité.

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Le Slip Français mise sur une nouvelle étape industrielle avec un tee-shirt à bas coût entièrement fabriqué en France. L’entreprise veut prouver que la relocalisation textile peut fonctionner à grande échelle, dans un marché dominé par la fast fashion et fragilisé depuis plus de dix ans.

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Un projet pour relancer la production locale

Le 18 novembre 2025, Le Slip Français a présenté à Aubervilliers son tee-shirt « Fier(t) » vendu 7,90 euros en BtoB, intégralement produit en France grâce à une automatisation accrue. La démonstration, organisée dans l’usine Bonne Nouvelle en présence du ministre délégué à l’Industrie Sébastien Martin et de l’ex-ministre Agnès Pannier-Runacher, vise à illustrer le potentiel d’une relocalisation textile à grande échelle.

Le secteur évolue dans un contexte de longue contraction. À peine 3 % des vêtements vendus en France sont fabriqués localement. Le pays comptait environ 361 000 emplois textiles en 1990, contre moins de 70 000 aujourd’hui. Les entreprises font face à la pression de la fast fashion, à la baisse durable des ventes depuis la crise sanitaire et à une concurrence internationale très agressive, malgré des initiatives de relocalisation engagées par plusieurs PME.

Automatisation et volumes pour abaisser les coûts

Pour soutenir sa stratégie, Le Slip Français a resserré son modèle autour de ses références principales, tout en automatisant des étapes clés de la production, notamment l’assemblage et la pose des manches. L’usine Bonne Nouvelle, ouverte en février 2025, produit 15 000 slips par semaine et jusqu’à 3 000 tee-shirts par jour. Les salariés y sont rémunérés 25 % au-dessus du SMIC, dans le respect des normes européennes.

L’organisation associe travail manuel et automatisation ciblée afin de maintenir la fabrication française tout en divisant les coûts de revient. Les slips sont proposés entre 15 et 20 euros, et le tee-shirt « Fier(t) » à 7,90 euros en BtoB. Le modèle repose sur des lots limités mais des volumes progressifs, soutenus par la grande distribution, désormais majoritaire dans les ventes avec le commerce en ligne.

En 2024, près de 317 000 pièces ont été produites. L’entreprise a enregistré 200 000 nouveaux clients et une croissance de 10 %, pour un chiffre d’affaires dépassant 20 millions d’euros. L’usine, qui emploie entre 45 et 50 personnes, pourrait générer jusqu’à 300 emplois indirects d’ici 2027.

Un encadrement réglementaire renforcé

Depuis le 6 septembre 2025, le décret n° 2025-957 impose l’affichage du coût environnemental pour tous les produits textiles, selon la méthodologie « Ecobalyse ». Ce dispositif, issu des lois AGEC et Climat et Résilience, est entré en vigueur le 1er octobre 2025 et s’applique à l’ensemble des entreprises, y compris Le Slip Français.

À l’échelle européenne, les normes REACH encadrent la sécurité chimique, tandis que des contrôles douaniers renforcés et une traçabilité obligatoire des origines s’imposent aux ventes en ligne. Une proposition de loi adoptée au Sénat le 10 juin 2025 vise en parallèle à limiter davantage l’impact environnemental de la fast fashion, via l’extension de la responsabilité du producteur et des pénalités liées à l’empreinte écologique.

Un pari industriel dans un marché instable

La stratégie d’automatisation permet de rapprocher les prix de ceux du marché international, même si les produits français restent en moyenne 30 % plus chers que ceux de la grande distribution classique. L’entreprise accélère son implantation dans les grandes surfaces et le BtoB, et prépare l’automatisation d’autres gammes. L’usine doit encore s’étendre, avec un objectif de 5 000 m² en 2027.

Malgré ces avancées, les incertitudes demeurent. La production locale reste marginale : 3 % d’environ 3,3 à 3,5 milliards de vêtements mis chaque année sur le marché. Les prix extrêmement bas des chaînes asiatiques — autour de 4 euros en moyenne — exercent une pression constante. La formation de couturiers et de techniciens, devenue difficile, constitue un autre frein. La demande reste fragile : les ventes textiles ont reculé de 1,5 % en janvier 2025, malgré un e-commerce en progression.

Sur le plan environnemental, les fabricants doivent désormais valoriser les invendus et intégrer la circularité des matières. Un tee-shirt produit en France génère environ 5,2 kg de CO₂, un niveau souvent inférieur à celui des productions asiatiques plus énergivores.

La réindustrialisation en ligne de mire

Le projet « Fier(t) » synthétise l’ambition de l’entreprise : prouver que la compétitivité prix, l’emploi local et la transparence environnementale peuvent converger dans un secteur très exposé. Avec une structure industrielle repensée, une distribution élargie et une montée en volumes, Le Slip Français cherche à consolider une filière affaiblie depuis trente ans. L’entreprise avance toutefois avec prudence, consciente de la fragilité économique d’un marché où le Made in France reste minoritaire.



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