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En France, les intermittents du spectacle travaillent sous contrats à durée déterminée d’usage, très courts et souvent discontinus. En 2023, 312 000 artistes et techniciens ont exercé dans le secteur pour 129 millions d’heures travaillées, générant 3 milliards d’euros de masse salariale. Cette organisation particulière produit des revenus morcelés, mêlant cachets et allocations chômage : selon France Travail, 95 % des allocataires perçoivent simultanément les deux sources.
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Un système fondé sur les cachets
Les annexes 8 et 10 de l’Assurance chômage encadrent les techniciens et les artistes interprètes. Les premiers représentent 35,3 % des intermittents, les seconds 64,7 %. La rémunération repose principalement sur les cachets, convertis forfaitairement en 12 heures de travail, quelle que soit la durée réelle de la prestation. Ainsi, une répétition de trois heures d’un musicien compte comme 12 heures.
Les planchers varient selon les conventions collectives : 106,03 euros brut pour une répétition d’artiste interprète, 102,31 euros pour un musicien en représentation publique, 235,62 euros pour une création originale. Ces montants ne reflètent qu’un minimum légal. En 2023, un intermittent a cumulé en moyenne 15,8 contrats, mais la dispersion reste forte : 24,6 % n’en ont signé qu’un seul, tandis que 7,6 % en comptent au moins cinquante.
Revenus éclatés et dépendance à l’indemnisation
La fragmentation se confirme dans les chiffres annuels. Rapportée aux 312 000 professionnels, la masse salariale équivaut à un revenu moyen d’environ 9 615 euros brut par an, soit 801 euros par mois. Le volume de travail moyen atteint 415 heures annuelles, loin des 1 600 heures d’un temps plein.
L’audiovisuel concentre 54,4 % de la masse salariale, le spectacle vivant 38,2 %. Les métiers techniques du son, de l’éclairage, de la vidéo et de l’image totalisent 41,3 % des heures techniques. L’indemnisation complète ce revenu partiel. Depuis juillet 2023, l’allocation journalière minimale s’élève à 38 euros pour les techniciens et 44 euros pour les artistes ; le plafond, fixé début 2024, atteint 174,80 euros. Les montants moyens se situent entre 59 et 66 euros par jour.
L’accès au régime suppose 507 heures sur 12 mois glissants, soit environ 43 cachets. Une franchise de 7 jours s’applique à l’ouverture des droits, complétée par des franchises de congés payés et de salaires. Depuis février 2023, les périodes non travaillées ne peuvent dépasser 75 % des jours travaillés, seuil abaissé à 70 % en 2025. La mensualisation sur 30 jours calendaires réduit par ailleurs le nombre de jours indemnisés de 5 à 6 jours par an.
Un secteur sous tension, entre crise et réformes
L’audiovisuel connaît une dégradation marquée. Les commandes de séries se sont contractées entre 2023 et 2024, les investissements étrangers reculent et l’activité revient à son niveau pré-pandémie. Des professionnels de l’animation, jusqu’ici régulièrement employés, font face à des périodes d’inactivité prolongées. Le studio TeamTo a été repris fin 2024 après des difficultés.
Le spectacle vivant évolue différemment : le nombre d’employeurs a progressé de 5,8 % en 2023 et la masse salariale de 3,4 %. Sur le plan social, un accord signé en janvier 2024 prévoit une revalorisation de 5 % des bas salaires (1 100 euros la semaine de 35 heures) et de 3 % au-delà, avec deux hausses supplémentaires programmées en 2024 et 2025.
Les discussions sur l’assurance chômage restent sensibles. En novembre 2024, les partenaires sociaux ont rejeté une hausse du quota horaire pour ouvrir les droits. L’accord conclu le 15 novembre ne comporte pas d’application immédiate pour les intermittents.
Effets sociaux marqués et incertitudes persistantes
Les allocations représentent environ 49 % du revenu total des techniciens et 69 % de celui des artistes. L’accès à la complémentaire santé Audiens n’est possible qu’à partir de 24 cachets, avec une prise en charge partielle au-delà de 507 heures. Les périodes de non-travail exposent à une perte de revenu et à un risque de rupture de couverture.
La précarité se renforce dans l’animation et gagne certaines spécialités du spectacle vivant, où les phases d’inactivité s’allongent.
Trois zones restent indéterminées : l’effet réel des réformes 2024-2025 sur les revenus, encore non chiffré ; l’évolution du marché audiovisuel, dépendante des financements étrangers et de la publicité ; les impacts de la nouvelle identification des conventions collectives entrée en vigueur en avril 2025.
Un revenu moyen trompeur
Le revenu annuel d’environ 9 615 euros décrit une moyenne peu représentative d’un secteur très hétérogène. Les intermittents combinent cachets — généralement entre 100 et 240 euros — et indemnisation — 38 à 174,80 euros par jour. Le système renforce la dépendance au chômage indemnisé, dans un contexte où la contraction de l’audiovisuel et les ajustements réglementaires modifient les équilibres.
Les disparités demeurent fortes : 38,4 % des intermittents vivent en Île-de-France, territoire à la fois le plus porteur et le plus concurrentiel. Les hommes représentent 60,9 % des effectifs, tandis que la part des femmes progresse parmi les plus jeunes.


