SMIC : à combien s’élève le salaire minimum au Quebec ?

Le salaire minimum au Québec permet-il encore de vivre décemment ? L’écart avec le revenu viable n’a jamais été aussi grand.

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Depuis le 1er mai 2025, le salaire minimum au Québec s’élève à 16,10 $ (environ 11 €) de l’heure. Cette hausse de 0,35 $ (0,24 €), la plus faible depuis six ans, survient dans un contexte de forte inflation et de tensions croissantes entre syndicats, patronat et gouvernement. En maintenant sa politique de ratio à 50 % du salaire moyen, le Québec voit sa position se détériorer dans le classement canadien.

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Quel est le salaire minimum au Québec ?

Le taux horaire général s’établit à 16,10 $ (11 €) depuis le 1er mai 2025. Il s’applique à la majorité des travailleuses et travailleurs. D’autres catégories bénéficient de taux différenciés :

  • Travailleurs au pourboire : 12,90 $ (8,80 €)
  • Cueillette de framboises : 4,78 $/kg (3,26 €/kg)
  • Cueillette de fraises : 1,28 $/kg (0,87 €/kg)

Au total, 217 400 salariés sont concernés par cette hausse, dont 118 400 femmes. Pour un travailleur à temps plein (40 heures par semaine sur 52 semaines), cela représente un gain brut annuel d’environ 728 $ (497 €), soit environ 484 $ (330 €) après impôts.

Une hausse qui ne suit pas le coût de la vie

Avec une augmentation de 2,22 %, le salaire minimum progresse bien en deçà de l’inflation. Entre 2022 et 2025, les loyers ont bondi de 20 % et les prix alimentaires de 16 %. En comparaison, la hausse du salaire minimum sur la même période n’a pas permis de compenser ces hausses, provoquant une érosion nette du pouvoir d’achat des bas salariés.

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Le Québec maintient sa stratégie du ratio 50 %

Le gouvernement québécois a officiellement atteint en 2023 son objectif de faire correspondre le salaire minimum à 50 % du salaire moyen horaire. En 2025, le ratio est évalué à 50,52 %. Cette politique sert de balise pour les hausses annuelles.

Cette méthode est critiquée pour sa rigidité : si le salaire moyen progresse peu ou diminue, le salaire minimum peut rester stable tout en conservant un ratio techniquement « atteint ». Plusieurs experts dénoncent une méthode déconnectée du coût réel de la vie.

Le Québec perd du terrain face aux autres provinces

Autrefois parmi les provinces offrant les salaires minimums les plus élevés, le Québec a reculé au 7ᵉ rang provincial et au 10ᵉ rang national en incluant les territoires. Depuis octobre 2025, cinq provinces ont augmenté leur salaire minimum de manière significative, notamment l’Ontario (17,60 $ / 12,02 €) et la Nouvelle-Écosse (16,50 $ / 11,27 €), creusant l’écart avec le Québec.

À l’heure actuelle, le salaire minimum au Nunavut atteint 19,75 $ (13,49 €), tandis que l’Alberta reste à 15,00 $ (10,25 €), sans changement depuis 2018. Le Québec se situe désormais dans une zone médiane, loin des provinces ayant opté pour l’indexation automatique sur l’inflation.

Un écart croissant avec le revenu viable

Selon l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS), le revenu nécessaire pour couvrir les besoins de base varie fortement d’une ville à l’autre. À Montréal, il faut gagner plus de 28 $ (19,13 €) de l’heure pour couvrir les frais essentiels. Un salarié payé au minimum légal (16,10 $ / 11 €) gagne ainsi 40 % de moins que ce qui est considéré comme un revenu viable.

Dans les autres villes, les besoins minimaux sont estimés à :

  • 37 000 $ (25 270 €) à Sherbrooke
  • 42 110 $ (28 775 €) à Gatineau
  • 42 884 $ (29 307 €) à Sept-Îles

Cet écart contribue à la précarisation des travailleurs. Environ 20 % des utilisateurs de banques alimentaires au Québec occupent un emploi. En 2024, 2,9 millions de demandes d’aide alimentaire ont été enregistrées chaque mois, soit un million de plus qu’en 2021.

Des PME inquiètes, des groupes sociaux en colère

Le débat oppose de longue date les milieux patronaux et les organisations sociales. La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) affirme qu’un passage à 20 $ (13,65 €) de l’heure engendrerait 10,25 G$ (7 Mds €) de coûts supplémentaires pour les entreprises québécoises, mettant en péril 141 927 PME. Elle prévoit que les entreprises compenseraient par des hausses de prix (33 %), des suppressions d’emplois (11 %) ou une réduction des heures (18 %).

À l’inverse, les groupes comme l’IRIS estiment que ces projections surestiment l’impact réel. Pour eux, une hausse substantielle du salaire minimum pourrait stimuler la consommation locale, réduire le recours aux aides sociales, et générer des bénéfices économiques indirects à court terme.

Perspectives politiques : entre statu quo et réformes

Le gouvernement maintient pour l’instant sa stratégie de hausse modérée. Le ministre du Travail Jean Boulet affirme vouloir « respecter la capacité de payer des entreprises tout en permettant aux travailleurs de préserver leur pouvoir d’achat ».

Plusieurs scénarios sont évoqués pour la suite :

  1. Maintien du statu quo, avec des hausses annuelles de 1 à 2 %
  2. Rehaussement progressif du ratio, vers 55 ou 60 %, ce qui équivaudrait à 17,50-18,50 $ (11,95-12,63 €) de l’heure
  3. Indexation automatique sur l’inflation, déjà adoptée par le Yukon et Terre-Neuve-et-Labrador
  4. Salaire minimum régionalisé, en fonction du coût de la vie local

Un cadre légal stable, mais peu réactif

Le salaire minimum est encadré par la Loi sur les normes du travail, administrée par la CNESST. La révision annuelle est prévue par décret, chaque 1er mai, sur recommandation du ministre du Travail. Le Québec reste l’une des rares provinces à ne pas lier ce mécanisme directement à l’inflation.



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