SMIC : à combien s’élève le salaire minimum en Inde ?

L’Inde maintient un salaire minimum à 55 € mensuels. Pourquoi ce blocage perdure-t-il malgré les hausses de coût de la vie ? Explications.

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Le salaire minimum national indien n’a pas évolué depuis 2017. En 2025, son niveau reste très inférieur aux besoins de base, tandis que les grandes métropoles pratiquent des niveaux bien plus élevés. Ce décalage reflète une économie fragmentée et une absence de réforme politique sur un sujet pourtant crucial.

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Quel est le salaire minimum en Inde ?

En novembre 2025, le salaire minimum national (National Floor Level Minimum Wage, NFLMW) s’élève toujours à 178 INR par jour, soit 5 340 INR par mois (59,91 USD / environ 55,1 €). Ce montant, inchangé depuis août 2017, est officiellement applicable sur tout le territoire indien, mais n’intègre ni l’inflation ni les disparités régionales.

À l’opposé du spectre, Delhi applique un salaire minimum urbain parmi les plus élevés du pays, avec une grille différenciée selon les compétences. Depuis avril 2025 :

  • Travailleurs non qualifiés : 18 456 INR/mois (207 USD / ~190,5 €)
  • Semi-qualifiés : 20 371 INR/mois (229 USD / ~211 €)
  • Travailleurs diplômés : 24 356 INR/mois (273 USD / ~251 €)

Le salaire moyen national en 2025 se situe entre 28 000 et 32 000 INR/mois (314 à 359 USD / ~288 à 330 €), selon les dernières enquêtes. En comparaison, le plancher national représente moins de 20 % de ce salaire moyen, un écart inédit.

Le système indien du salaire minimum repose sur une législation à plusieurs niveaux. La base est la Minimum Wages Act de 1948, qui permet à chaque État fédéré de fixer ses propres seuils par secteur (industrie, services, agriculture). Ces montants sont révisés semestriellement ou annuellement, en intégrant l’inflation via le Variable Dearness Allowance (VDA).

En 2019, le Parlement indien a adopté le Code on Wages, censé remplacer la loi de 1948 et harmoniser les pratiques. Mais en novembre 2025, cette réforme n’a toujours pas été implémentée : les États doivent encore notifier les règles nécessaires à son application. Le cadre légal reste donc inchangé depuis plus de six ans.

Le NFLMW, lui, ne bénéficie d’aucune indexation automatique. En 2019, un comité d’experts mandaté par le gouvernement (Satpathy Committee) avait recommandé de le doubler pour atteindre 375 INR/jour (9 750 INR/mois / ~102 €). Cette proposition n’a jamais été adoptée.

Des écarts de salaire massifs selon les régions

La disparité entre Delhi et d’autres régions illustre la fragmentation du système. À Bangalore (Karnataka) et Mumbai (Maharashtra), les salaires minima pour les travailleurs non qualifiés en zone urbaine atteignent environ 16 405 INR/mois (184 USD / ~170 €). À Hyderabad (Telangana), les salaires varient de 15 000 à 24 000 INR/mois (168 à 273 USD / ~138 à 251 €) selon la qualification.

En revanche, dans l’Uttar Pradesh rural, l’un des États les plus peuplés, le SMIC agricole plafonne autour de 6 552 INR/mois (73,5 USD / ~67 €), soit à peine 18 % au-dessus du plancher national. Dans de nombreuses zones rurales, les salaires restent alignés sur le NFLMW ou à peine supérieurs.

L’écart entre les zones rurales et la capitale atteint ainsi un facteur de 3,5 à 4,5, un niveau rarement observé dans les économies émergentes.

Une majorité invisible : le secteur informel

En Inde, environ 90 % de la main-d’œuvre – soit 468 millions de personnes – travaille dans le secteur informel, qui échappe largement à la réglementation sur le salaire minimum. Cette population inclut les travailleurs agricoles, les vendeurs ambulants, les employés domestiques et les petits artisans.

Les revenus réels y sont très variables :

  • Travailleurs agricoles journaliers : entre 150 et 300 INR/jour (1,70 à 3,40 €)
  • Vendeurs ambulants : entre 200 et 500 INR/jour (2,30 à 5,60 €)
  • Services domestiques : 5 000 à 12 000 INR/mois (~56 à 134 €)

En pratique, une majorité de ces travailleurs gagne moins que le salaire minimum légal, même celui fixé au niveau fédéral.

Un salaire vital non garanti dans la majorité du pays

Selon les estimations 2024 du Global Living Wage Coalition, un salaire vital – permettant de couvrir les besoins élémentaires en logement, alimentation, santé, transport et éducation – est évalué à minimum 22 000 INR/mois (~247 USD / ~227 €) dans les grandes métropoles.

En 2025, seule Delhi atteint ou dépasse ce seuil. Ailleurs :

  • Bangalore : 16 405 INR/mois (~74 % du salaire vital)
  • Hyderabad : 15 000 à 16 000 INR/mois (~68 à 73 %)
  • Zones semi-urbaines : 9 000 à 12 000 INR/mois (~40 à 55 %)
  • Zones rurales : 5 340 INR ou légèrement plus (~25 %)

Dans la majorité du pays, le salaire minimum reste insuffisant pour assurer une vie décente, même dans un contexte de coût de la vie relativement bas.

Une position faible dans les comparaisons internationales

Converti en dollars, le SMIC indien est l’un des plus bas du monde :

  • Inde (NFLMW) : 59,91 USD/mois
  • Chine : 300 à 400 USD/mois
  • États-Unis : 1 500 USD/mois (7,25 USD/heure)

Cependant, en parité de pouvoir d’achat (PPA), les revenus indiens offrent un pouvoir d’achat 3 à 4 fois supérieur à leur équivalent en dollars. Par exemple, 20 000 INR/mois permettent, en zone urbaine, un niveau de consommation comparable à 600 à 700 USD/mois dans une économie développée.

Blocages politiques et réformes attendues

Depuis l’adoption du Code on Wages en 2019, aucune mise en œuvre concrète n’a eu lieu. Les États n’ont pas émis les règlements d’application nécessaires. L’objectif de créer un socle salarial cohérent reste donc théorique.

Parallèlement, les syndicats et plusieurs économistes alertent sur une « crise de revenus » dans le secteur informel, provoquée par la stagnation du NFLMW depuis huit ans, malgré une inflation soutenue.

En 2026, les pressions politiques pourraient s’intensifier : plusieurs États organiseront des élections, et le sujet du salaire minimum est susceptible d’y jouer un rôle important. Des révisions sont attendues notamment au Maharashtra, au Karnataka et au Telangana.

Une économie duale, entre modernité urbaine et stagnation rurale

La situation du salaire minimum en Inde en 2025 révèle un paradoxe structurel. D’un côté, les métropoles adaptent rapidement leurs grilles salariales à l’inflation et à la croissance économique, garantissant des niveaux proches du salaire vital. De l’autre, la majorité du pays – notamment les zones rurales – reste enfermée dans un cadre légal obsolète, sans protection réelle ni perspective de revalorisation.

Tant que le plancher national restera figé à 5 340 INR/mois (~55 €), l’Inde continuera d’incarner un système à deux vitesses : compétitif dans les centres urbains mondialisés, structurellement inéquitable dans les territoires où vivent encore plus de 60 % de la population.



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