SMIC : à combien s’élève le salaire minimum au Danemark ?

Comment un pays sans salaire minimum garantit-il 3 000 € par mois ? Le modèle danois bouscule les idées reçues sur la protection salariale.

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Le Danemark ne fixe pas de salaire minimum légal. Contrairement à la majorité des États membres de l’Union européenne, le pays repose exclusivement sur des conventions collectives pour encadrer les salaires. Pourtant, les niveaux de rémunération y restent parmi les plus élevés du continent. Décryptage d’un système atypique et performant.

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Pas de SMIC au Danemark

Le Danemark fait partie des cinq pays de l’Union européenne à ne pas avoir institué de salaire minimum légal. Ce choix historique repose sur un principe fondamental : l’État ne détermine pas les salaires. Ce sont les syndicats et les organisations patronales qui négocient, via des conventions collectives, les niveaux de rémunération applicables par secteur ou entreprise.

Cette organisation est le fruit du « Compromis de Septembre » de 1899, qui a posé les bases d’un modèle de relations sociales décentralisées et consensuelles. Aujourd’hui, environ 82 à 84 % des salariés danois sont couverts par une convention collective. Dans le secteur public, cette couverture est quasi totale, et elle atteint 73 % dans le secteur privé.

Comment fonctionne la fixation des salaires au Danemark ?

Le modèle danois repose sur une architecture à trois niveaux :

  • des accords interprofessionnels nationaux entre les principales confédérations syndicales et patronales, qui posent le cadre général ;
  • des accords sectoriels qui définissent les standards salariaux dans chaque branche d’activité ;
  • des accords d’entreprise qui permettent d’ajuster les conditions aux réalités locales.

Ce système est étroitement lié à la notion de « flexicurité » : une grande flexibilité pour les entreprises, une sécurité pour les salariés, et un accompagnement actif des transitions professionnelles. Le taux de syndicalisation, qui atteignait 68 % en 2023, reste l’un des plus élevés au monde, bien qu’en recul par rapport aux années 1980.

Quel est le salaire minimum effectif au Danemark ?

Même en l’absence de SMIC légal, la plupart des travailleurs danois bénéficient de salaires planchers négociés collectivement. Ces seuils varient selon les secteurs, les qualifications et l’ancienneté. Voici les principaux niveaux observés en 2025 :

Industrie manufacturière
Un accord conclu début 2025 entre CO-industri et Dansk Industri fixe un salaire minimum horaire à 146,90 DKK (19,61 €), en hausse de 7,89 % sur trois ans. Sur une base de 37 heures hebdomadaires, cela représente environ 22 600 DKK (3 030 €) bruts mensuels.

Secteur bancaire et financier
Les salaires minimums mensuels négociés pour 2025-2027 atteignent :

  • 28 300 DKK (3 800 €) pour les contrats standards ;
  • 57 400 DKK (7 700 €) pour les salariés indépendants ;
  • 79 200 DKK (10 620 €) pour les contrats individuels à haute responsabilité ;
  • 16 980 DKK (2 280 €) pour les salariés de moins de 18 ans.
    Ces montants progressent de 1,8 % à 1,9 % par an.

Hôtellerie et restauration
Les hausses sont plus modestes : +3,75 DKK en 2025, puis +3,50 DKK par an jusqu’en 2027. Des primes s’appliquent pour la haute saison et les jours fériés.

Bâtiment et construction
Les salaires horaires minimums varient selon les métiers :

  • Maçon : 169,60 DKK (22,72 €)
  • Charpentier : 146,15 DKK (19,58 €)
  • Électricien : 151,45 DKK (20,29 €)
  • Plombier : 149,85 DKK (20,08 €)
  • Ouvrier béton : 146,40 DKK (19,61 €)
    Le salaire horaire médian dans le secteur s’élève à 278,62 DKK (37,35 €).

Services non qualifiés
Les rémunérations pour les emplois non qualifiés dans la vente ou les services oscillent entre 120 et 135 DKK (16 à 18 €) de l’heure.

Salaire minimum moyen
En moyenne, les salaires planchers toutes branches confondues se situent entre 110 et 130 DKK (14,75 à 17,40 €) de l’heure, soit environ 22 600 DKK (3 030 €) par mois pour un temps plein.

Des exigences plus élevées pour les travailleurs étrangers

Le Danemark impose des seuils salariaux minimums pour les travailleurs étrangers souhaitant obtenir un permis de séjour et de travail. Depuis le 1er janvier 2025, le dispositif Pay Limit Scheme fixe un seuil annuel à 514 000 DKK (68 900 €), soit 42 833 DKK (5 740 €) par mois. Ce seuil vise à maintenir la cohérence du marché du travail et à prévenir le dumping social.

Le Danemark face à la directive européenne sur les salaires minimums

En octobre 2022, l’Union européenne a adopté une directive visant à garantir des salaires minimums adéquats dans tous les États membres. Le Danemark, avec la Suède, s’est opposé à ce texte, qu’il considère comme une ingérence dans son modèle social. Copenhague a saisi la Cour de justice de l’UE début 2023 pour obtenir l’annulation de la directive.

Le 11 novembre 2025, la CJUE a rejeté l’essentiel de la demande danoise, tout en annulant deux articles jugés excessifs. Le Danemark reste libre de ne pas instaurer de SMIC légal, mais devra contribuer à la mise en œuvre globale de la directive. Toutefois, sa couverture collective supérieure à 80 % le dispense de toute obligation supplémentaire.

Le système danois présente plusieurs avantages notables :

  • des salaires souvent supérieurs à ceux des pays avec SMIC légal,
  • une flexibilité adaptée aux besoins sectoriels,
  • un climat social stable, avec peu de conflits ouverts.

En revanche, il présente aussi des fragilités :

  • 16 à 18 % des travailleurs ne sont pas couverts par une convention collective,
  • les salariés précaires, les migrants et les travailleurs des plateformes sont plus exposés,
  • le système reste complexe et peu lisible pour les nouveaux entrants sur le marché du travail,
  • la dépendance à un haut niveau de syndicalisation peut poser problème si la tendance au recul se poursuit.

Négociations collectives 2025 : un modèle encore solide

En avril 2025, les négociations OK25 ont abouti à plus de 20 accords collectifs dans le secteur privé, validés par 82,5 % des salariés et 100 % des employeurs. Les hausses de salaires négociées, comprises entre 1,8 % et 1,9 % par an jusqu’en 2027, visent à protéger le pouvoir d’achat dans un contexte d’inflation maîtrisée.

Ces accords intègrent également de nouveaux enjeux : qualité de vie au travail, équilibre vie professionnelle-vie privée, droits numériques. Par ailleurs, certaines initiatives émergent pour étendre la couverture conventionnelle aux travailleurs des plateformes, comme l’accord conclu par Hilfr.dk avec le syndicat 3F dès 2018.



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