SMIC : à combien s’élève le salaire minimum en Suède ?

Pas de SMIC, mais des salaires planchers par secteur : découvrez le système suédois qui garantit mieux sans loi.

Afficher le résumé Masquer le résumé

La Suède ne fixe pas de salaire minimum légal au niveau national. À la différence de la France, où le SMIC s’élève à 1 801,80 € brut par mois en novembre 2025, les rémunérations minimales suédoises sont définies par les conventions collectives négociées entre syndicats et organisations patronales. Ce système repose sur un modèle de régulation autonome, sans intervention directe de l’État dans la fixation des salaires.

A LIRE AUSSI
Les montants du SMIC dans le monde entier

Un modèle fondé sur la négociation collective

Le système suédois s’appuie sur une tradition de dialogue social bipartite, issue des accords de Saltsjöbaden de 1938. Ces accords ont posé les bases d’une coopération structurée entre les partenaires sociaux, laissant à l’État un rôle limité. Le taux de syndicalisation reste élevé à l’échelle internationale, avec 69 % de travailleurs syndiqués en 2022. Mais les disparités s’accentuent : en 2024, seulement 54 % des ouvriers sont syndiqués, contre 73 % chez les cols blancs.

Près de 90 % des salariés sont couverts par une convention collective. Le secteur public atteint une couverture de 100 %, contre environ 80 % dans le privé. Sur les quelque 620 conventions sectorielles en vigueur, environ 300 intègrent des dispositions précises sur les salaires minima.

Des salaires minima définis par secteur

En l’absence de SMIC unique, les salaires minima varient selon les secteurs, l’âge, la qualification et l’ancienneté. Voici quelques exemples représentatifs pour la période 2023-2025 :

  • Hôtellerie-Restauration, moins de 18 ans : 16 598 SEK (~1 443 €)
  • Hôtellerie-Restauration, 19 ans : 18 016 SEK (~1 567 €)
  • Industrie manufacturière, entrée de gamme : 19 766 SEK (~1 719 €)
  • Commerce de détail, 18 ans : 20 959 SEK (~1 823 €)
  • Commerce de détail, 19 ans : 21 279 SEK (~1 850 €)
  • Agents de sécurité, salaire de base : 22 392 SEK (~1 947 €)
  • Hôtellerie-Restauration, travail qualifié (20 ans et plus) : 22 752 SEK (~1 978 €)
  • Nettoyage, adulte : 22 762 SEK (~1 979 €)
  • Transport routier, conducteur poids lourd : 26 208 SEK (~2 279 €)

Ces seuils constituent les planchers fixés par les conventions collectives. En pratique, les salaires réels sont souvent plus élevés. Le salaire médian national s’établit à 37 100 SEK (~3 226 €) depuis le 17 juin 2025, un écart significatif avec les niveaux minimums.

Un système coordonné par le secteur industriel

Depuis 1997, les négociations salariales en Suède s’organisent autour de la « norme industrielle ». Les syndicats du secteur manufacturier — IF Metall, Unionen, Sveriges Ingenjörer — concluent les premiers accords avec le patronat. Ces accords servent ensuite de référence aux autres branches.

En avril 2025, les partenaires sociaux industriels ont validé une hausse salariale de 6,4 % sur deux ans : 3,4 % en 2025, puis 3 % en 2026. Ce mécanisme vise à garantir la cohérence des augmentations tout en protégeant la compétitivité des industries exportatrices.

Des règles spécifiques pour les travailleurs étrangers

Pour les travailleurs issus de pays hors Union européenne, la Suède applique un seuil salarial distinct lié à l’obtention du permis de travail. Depuis le 17 juin 2025, ce seuil a été relevé à 80 % du salaire médian, soit 29 680 SEK par mois (~2 580 €). Cette mesure remplace un seuil antérieur moins exigeant. Elle vise à limiter le dumping social et à protéger les conditions de travail des salariés étrangers.

L’affaire Laval : une remise en cause européenne

Le système suédois a été confronté à un test juridique majeur avec l’affaire Laval en 2007. Une entreprise lettone, Laval un Partneri, avait décroché un contrat près de Stockholm tout en payant ses salariés environ 13 600 SEK par mois (~1 500 €), bien en dessous des 145 SEK/heure exigés par le syndicat du bâtiment (Byggnads). Face au refus de négociation, le syndicat avait organisé un blocus du chantier.

La Cour de justice de l’Union européenne a jugé cette action contraire à la libre prestation de services, estimant que le système suédois ne fournissait pas d’indications salariales suffisamment « précises et accessibles ». L’Organisation internationale du travail a critiqué cet arrêt, y voyant une atteinte à la liberté syndicale.

Directive européenne sur les salaires minimums : adaptation minimaliste

En réponse à ce type de tensions, la directive 2022/2041 sur les salaires minimums adéquats a été adoptée en octobre 2022. Elle impose aux États membres de renforcer la protection des travailleurs à bas revenus, sans pour autant exiger l’instauration d’un SMIC légal.

La Suède et le Danemark ont contesté cette directive devant la CJUE, arguant d’une ingérence dans les compétences nationales. Le 11 novembre 2025, la Cour a validé l’essentiel du texte, tout en annulant les critères d’évaluation automatique des salaires minimums. Les seuils indicatifs de 50 % du salaire moyen ou 60 % du salaire médian demeurent comme outils d’analyse.

La Suède a transposé la directive de manière minimale : depuis le 15 novembre 2024, l’Office national de médiation (Medlingsinstitutet) collecte et transmet les données statistiques requises, sans modifier le cadre législatif existant. Le gouvernement estime que son modèle satisfait déjà aux exigences de la directive.

Comparaison européenne : la Suède parmi les exceptions

La Suède fait partie des cinq pays de l’Union européenne à ne pas disposer de SMIC légal, aux côtés du Danemark, de la Finlande, de l’Autriche et de l’Italie. Dans ces États, les salaires sont exclusivement fixés par négociation collective.
Les salaires conventionnels suédois (entre 1 400 et 2 300 € selon les secteurs) se situent dans une fourchette comparable au SMIC français. Toutefois, le salaire médian suédois (3 226 €) est significativement supérieur à son équivalent français, traduisant une structure salariale plus homogène.

Un modèle efficace mais inégal selon les secteurs

Le système suédois présente plusieurs atouts : une grande flexibilité sectorielle, une forte capacité d’adaptation et une dispersion salariale limitée. Moins de 1 % des salariés perçoivent un salaire inférieur à 60 % du salaire médian, un résultat bien meilleur que dans les pays à SMIC légal.

Les fragilités subsistent néanmoins dans les secteurs à faible syndicalisation et à couverture conventionnelle incomplète. C’est le cas notamment de la restauration (avec 70 % de couverture et 31 % de taux de syndicalisation), de l’agriculture, des plateformes numériques et de certains services. Les travailleurs saisonniers, en particulier dans la cueillette de baies, restent exposés à des pratiques salariales abusives.

Une alternative nordique à la régulation étatique

La Suède démontre qu’il est possible de garantir des salaires minima sans législation nationale, à condition de reposer sur des partenaires sociaux représentatifs et engagés. Ce modèle exige toutefois des conditions institutionnelles robustes et un niveau de syndicalisation que peu d’États européens sont aujourd’hui en mesure de reproduire.



L'Essentiel de l'Éco est un média indépendant. Soutenez-nous en nous ajoutant à vos favoris Google Actualités :

Publiez un commentaire

Publier un commentaire