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- Un système sans SMIC mais avec des salaires planchers par secteur
- Un modèle construit sur la négociation collective
- Des salaires nettement supérieurs au SMIC français
- L’absence de minimum dans certains secteurs : quelles conséquences ?
- Pourquoi la Norvège refuse-t-elle un SMIC national ?
- Directive européenne : la Norvège vigilante mais non contrainte
- Un modèle exigeant mais efficace
En Norvège, il n’existe pas de salaire minimum légal national. Pourtant, certains travailleurs y perçoivent des rémunérations brutes horaires dépassant les 270 couronnes norvégiennes (environ 23 euros), soit près du double du SMIC français. Ce système atypique repose sur une architecture salariale fondée sur la négociation collective, et non sur une fixation par l’État. Décryptage d’un modèle nordique qui garantit des revenus décents sans salaire minimum unique.
Un système sans SMIC mais avec des salaires planchers par secteur
La Norvège ne dispose d’aucun SMIC généralisé à l’ensemble des travailleurs. En revanche, neuf secteurs d’activité sont couverts par des salaires minimums légaux fixés par extension des conventions collectives. Ces taux planchers s’imposent à tous les employeurs du secteur, qu’ils aient ou non signé un accord avec les syndicats.
Au 15 juin 2025, les salaires horaires minimums varient selon le secteur, la qualification, l’âge ou l’expérience. Un électricien qualifié perçoit par exemple 270,45 couronnes norvégiennes (environ 23,0 euros) de l’heure. Dans le BTP, un ouvrier qualifié gagne 264,32 NOK (22,5 euros), contre 239,61 NOK (20,4 euros) pour un travailleur non qualifié débutant.
Voici quelques exemples représentatifs des minima horaires :
- Électricité (travailleurs qualifiés) : 270,45 NOK (23,0 euros)
- Construction (ouvriers qualifiés) : 264,32 NOK (22,5 euros)
- Nettoyage (18 ans et plus) : 236,54 NOK (20,1 euros)
- Hôtellerie-restauration (20 ans ou +4 mois d’expérience) : 204,79 NOK (17,4 euros)
- Agriculture (saisonniers 0–12 semaines, 18 ans et plus) : 162,90 NOK (13,8 euros)
Ces taux ont été revalorisés entre 4 % et 6 % à l’été 2025. L’Inspection du travail norvégienne (Arbeidstilsynet) est chargée de contrôler leur application.
Un modèle construit sur la négociation collective
Ce système repose sur un principe fondamental : les salaires sont négociés entre partenaires sociaux, et non imposés par l’État. En Norvège, près de 50 % des salariés sont syndiqués, contre environ 10 % en France. Cette forte représentation confère aux syndicats une influence décisive dans la définition des standards salariaux.
La Confédération norvégienne des syndicats (LO), qui regroupe environ 950 000 membres, pilote en grande partie les négociations salariales. Celles-ci suivent une méthode bien établie, dite du « frontfagsmodellen » : les secteurs exposés à la concurrence internationale, comme l’industrie manufacturière, négocient les premiers et fixent un cadre pour les autres branches. Ce mécanisme limite les tensions salariales tout en assurant une certaine cohérence économique.
Par ailleurs, une loi de 1994 permet l’extension des conventions collectives à l’ensemble d’un secteur lorsque certaines conditions sont remplies. C’est ce mécanisme qui permet l’imposition des planchers salariaux légaux dans les branches les plus structurées.
Des salaires nettement supérieurs au SMIC français
En novembre 2025, le SMIC français s’élève à 11,88 euros brut de l’heure, soit 1 801,80 euros brut mensuels pour 35 heures hebdomadaires. Un ouvrier qualifié du bâtiment en Norvège, avec un minimum légal de 264,32 NOK (22,5 euros) de l’heure, atteint 3 656 euros brut par mois (sur une base de 162,5 heures mensuelles). Cela représente +103 % par rapport au SMIC français.
Le coût de la vie en Norvège est toutefois plus élevé. Selon les données comparatives de 2025, il est environ 32 % supérieur à celui de la France. L’alimentation coûte 40 % plus cher, les transports publics également. Mais même en ajustant ces écarts, le pouvoir d’achat réel d’un travailleur au minimum dans un secteur couvert en Norvège reste supérieur de 8,7 % à celui d’un salarié français au SMIC.
L’absence de minimum dans certains secteurs : quelles conséquences ?
Tous les salariés norvégiens ne bénéficient pas d’un salaire plancher légal. Dans les secteurs sans convention collective étendue — comme certains services aux entreprises, une partie du commerce ou les plateformes numériques — les salaires sont négociés individuellement entre employeur et employé. Il n’y a alors aucune obligation légale de respecter un seuil minimum.
Dans ces cas, la pression du marché et la culture salariale jouent un rôle régulateur. Le salaire moyen en Norvège atteignait 59 250 NOK (5 030 euros) par mois au troisième trimestre 2025. Le salaire médian annuel est estimé à environ 550 000 NOK (46 700 euros). Ces niveaux relativement élevés contribuent à tirer vers le haut les rémunérations, même sans plancher formel.
Les syndicats encouragent activement les travailleurs de ces secteurs à rejoindre les organisations représentatives afin de renforcer la couverture conventionnelle.
Pourquoi la Norvège refuse-t-elle un SMIC national ?
La Norvège ne prévoit pas d’instaurer un salaire minimum national. Les syndicats comme les employeurs s’y opposent pour plusieurs raisons. La première est économique : un seuil uniforme ne tiendrait pas compte des spécificités sectorielles, ni des différences de qualification ou d’âge. Les conventions collectives permettent d’adapter les minima selon ces critères.
Ensuite, le modèle repose sur un dialogue social institutionnalisé où l’État agit comme facilitateur, non comme arbitre. La légitimité des syndicats est suffisamment forte pour que les accords négociés aient une valeur quasi réglementaire.
Enfin, les syndicats redoutent un effet de plafonnement. Fixer un SMIC national pourrait créer un seuil mental pour les négociations, qui se traduiraient par des hausses moindres dans les branches historiquement mieux rémunérées. Ce risque de « nivellement par le bas » est jugé trop élevé.
Directive européenne : la Norvège vigilante mais non contrainte
La directive européenne sur les salaires minimums adéquats, entrée en vigueur le 15 novembre 2024, recommande aux États membres d’assurer une couverture salariale minimale équivalente à 60 % du salaire médian brut. Toutefois, elle n’impose pas la création d’un SMIC national.
Membre de l’Espace économique européen, la Norvège n’est pas liée aux obligations juridiques de l’Union mais suit de près l’évolution des normes européennes. Les syndicats norvégiens, notamment la LO, ont exprimé leur attachement au modèle fondé sur la négociation collective, qu’ils considèrent plus efficace et plus juste qu’un SMIC uniforme.
Un modèle exigeant mais efficace
En l’absence de salaire minimum national, la Norvège garantit des rémunérations décentes par un modèle de conventions collectives puissantes et étendues. Si l’on cherche à estimer un équivalent de SMIC dans le secteur du bâtiment, l’un des plus représentés, le salaire horaire minimum d’un ouvrier qualifié est de 264,32 NOK (22,5 euros), soit 42 952 NOK (3 656 euros) brut mensuels.
Ce modèle ne repose pas sur la loi mais sur la force des syndicats, la confiance entre partenaires sociaux et une culture du compromis. Il montre qu’un SMIC national n’est pas indispensable lorsque le dialogue social permet d’assurer une protection salariale élevée. Mais cette approche reste difficilement transposable dans des pays où la couverture syndicale est faible et la négociation collective plus fragmentée.


