Cryptomonnaies : trois foyers de risque

Depuis octobre, le Bitcoin perd pied. À l’origine : liquidations massives, corrélations croissantes, politique monétaire floue et exclusion potentielle des indices.

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Le Bitcoin a chuté de plus de 35 % depuis son sommet du 6 octobre. Cette correction brutale intervient dans un contexte de tensions économiques, de resserrement réglementaire et de doutes croissants sur la stabilité des actifs risqués. Alors, simple respiration du marché ou crise plus profonde ? Notre analyse.

Chute du Bitcoin : une correction violente et rapide

Le 6 octobre 2025, le Bitcoin atteignait un sommet historique à 126 293 dollars. Moins de deux mois plus tard, il plongeait sous les 81 050 dollars, enregistrant une perte de plus de 35 %. Jeudi 20 novembre, la cryptomonnaie cotait autour de 84 442 dollars, après avoir touché un plancher intrajournalier à 80 553 dollars — son plus bas niveau depuis avril.
Cette chute a effacé l’intégralité des gains de l’année 2025. Elle s’inscrit dans un mouvement de défiance généralisée envers les actifs à risque, alimenté par les incertitudes macroéconomiques et les signaux négatifs venus des marchés boursiers et réglementaires.

La mécanique interne de la chute s’est révélée auto-amplificatrice. À mesure que le prix du Bitcoin baissait, les plateformes de trading ont liquidé en masse les positions à effet de levier. Le 10 octobre, 19,13 milliards de dollars de positions ont été forcées à la vente en 24 heures. Un mois plus tard, les 20 et 21 novembre, ce sont encore 2,24 milliards de dollars qui ont été liquidés, traduisant un marché fragilisé par la sur-exposition au levier.
La volatilité structurelle du Bitcoin, bien que modérée en 2025 (2,5 % sur 30 jours), n’a pas empêché des mouvements de prix extrêmes. Cette contradiction apparente souligne une nouvelle réalité : l’actif est devenu plus institutionnalisé, donc plus stable en apparence, mais reste vulnérable à des chocs brutaux.

En parallèle, la corrélation entre Bitcoin et Ethereum a atteint 0,85 en 2025, illustrant une interdépendance croissante entre les principaux actifs du marché. Cette synchronisation limite les possibilités de diversification et accroît le risque systémique en cas de choc.

L’impact des incertitudes monétaires sur les actifs risqués

Le contexte macroéconomique mondial pèse lourdement sur la performance du Bitcoin. Le tournant a eu lieu le 10 octobre, lorsque les déclarations du président Donald Trump ont ravivé la crainte d’un retour des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine. Malgré un accord partiel conclu fin octobre, le rebond espéré n’a pas eu lieu sur le marché crypto.
La raison principale réside dans la politique monétaire américaine. La probabilité d’une baisse des taux directeurs de la Réserve fédérale en décembre est tombée à 30 %. Les perspectives pour 2026 sont tout aussi faibles. L’incertitude créée par le blocage gouvernemental — qui a empêché la publication d’indicateurs économiques clés — a accentué l’opacité pour les investisseurs.

Le lien entre Bitcoin et les décisions de la Fed s’est renforcé : le coefficient de corrélation avec les indicateurs d’inflation atteint 0,8. Cette dépendance accrue démontre que le marché crypto évolue désormais en ligne avec les grandes tendances macroéconomiques, perdant une partie de son indépendance historique.

Vers une exclusion du Bitcoin des indices MSCI ?

Autre facteur de pression : la menace d’une exclusion des entreprises crypto-dépendantes des indices boursiers majeurs. Le 10 octobre, JPMorgan a annoncé que MSCI envisageait de retirer de ses indices les sociétés dont plus de 50 % des actifs sont liés aux cryptomonnaies.
Cette révision pourrait avoir des effets massifs. La seule exclusion de MicroStrategy pourrait entraîner 2,8 milliards de dollars de sorties passives, selon JPMorgan, avec un potentiel de 8,8 milliards de dollars si d’autres fournisseurs d’indices suivent le mouvement.

Le risque est double : perte de visibilité pour ces entreprises, et retrait de liquidités institutionnelles. Déjà, l’ETF IBIT de BlackRock a enregistré 500 millions de dollars de sorties nettes le 18 novembre. Une décision définitive de MSCI est attendue le 15 janvier 2026, pour une mise en œuvre en février. Cette échéance constitue désormais un point de tension majeur pour le secteur.

La bulle de l’IA alimente les craintes systémiques

La crise du Bitcoin s’inscrit dans un climat plus large d’euphorie technologique. Les valorisations d’entreprises liées à l’intelligence artificielle ont explosé, à l’image d’Alphabet, dont l’action a quadruplé en 18 mois, atteignant une capitalisation de 3 000 milliards de dollars.
Ce mouvement rappelle à certains analystes la bulle internet des années 2000. Toutefois, des acteurs comme Nvidia affichent encore des fondamentaux solides, avec un bénéfice net en hausse de 65 % et une domination sur le marché des puces d’IA.
Malgré tout, l’ensemble du secteur devient énergivore et interconnecté, exposant les marchés à des effets de contagion. Une correction brutale du secteur IA pourrait accentuer la chute des actifs comme le Bitcoin, déjà fragilisés.

En dépit des turbulences, plusieurs signaux montrent que le Bitcoin continue de s’implanter dans les stratégies institutionnelles. La Banque centrale tchèque a ajouté du Bitcoin à son bilan. Taïwan étudie la création d’une réserve stratégique en cryptomonnaie. L’Université Harvard a investi 320 millions de dollars dans des ETF Bitcoin spécialisés.
Sur le plan réglementaire, l’arrivée de Paul Atkins à la tête de la SEC a marqué un infléchissement. Le nombre d’actions coercitives a chuté de 30 % par rapport à l’ère Gary Gensler, indiquant une approche plus pragmatique. Mais ces évolutions ne suffisent pas à compenser la pression exercée par le resserrement des liquidités et l’incertitude sur les politiques monétaires à venir.

Le marché crypto fait face à une convergence de vulnérabilités

  1. Des positions à effet de levier massivement liquidées, provoquant une spirale de ventes forcées.
  2. Une incertitude prolongée sur la politique monétaire de la Réserve fédérale.
  3. Une potentielle exclusion des entreprises crypto des indices MSCI, risquant d’assécher la liquidité institutionnelle.

Ces trois dynamiques se renforcent mutuellement, créant une instabilité prolongée. À court terme, la décision du MSCI en janvier pourrait servir de catalyseur à une nouvelle phase de baisse ou, au contraire, de stabilisation si le scénario d’exclusion ne se confirme pas.
La question posée dépasse désormais le Bitcoin lui-même : le marché crypto peut-il encaisser une correction de 35 à 40 % sans basculer dans une crise systémique élargie ?



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