Les patrons les mieux payés de France

Les salaires des dirigeants explosent malgré les apparences. Découvrez les chiffres, les écarts et les PDG les mieux rémunérés du CAC 40 en 2024.

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Selon les données publiées en novembre 2025 par le cabinet Proxinvest, spécialisé dans l’analyse de la gouvernance des entreprises cotées, 35 dirigeants du SBF 120 ont perçu plus de5 millions d’euros en 2024, contre 29 l’année précédente. Le seuil symbolique du « plafond socialement acceptable » fixé à 5,7 millions d’euros par Proxinvest a été dépassé par 26 dirigeants, contre 22 en 2023.

En tête du classement figure Francesco Milleri, PDG d’EssilorLuxottica, avec une rémunération totale de 23,1 millions d’euros. Il devance Cyrille Bolloré (Bolloré SE), avec 15,7 millions d’euros, et Pascal Daloz (Dassault Systèmes), qui atteint 15,5 millions d’euros. Suivent Patrick Pouyanné (TotalEnergies, 10,6 millions d’euros) et Luca de Meo (Renault, 12,86 millions d’euros sur l’année 2024).

Ces montants comprennent les salaires fixes, les variables annuels, ainsi que les attributions d’actions de performance valorisées au moment de leur attribution.

Francesco Milleri (EssilorLuxottica)

À 65 ans, Francesco Milleri concentre à lui seul les tendances de l’année : trajectoire internationale, valorisation du profil technologique, et recours à des mécanismes incitatifs exceptionnels. Sa rémunération inclut une prime de rétention de 17,1 millions d’euros destinée à assurer sa stabilité à la tête d’EssilorLuxottica dans un secteur marqué par de fortes tensions de gouvernance après le décès du fondateur Leonardo Del Vecchio. Sans cette prime, sa rémunération aurait été de 5,9 millions d’euros.

Sur le plan opérationnel, le groupe a enregistré un chiffre d’affaires de 26,5 milliards d’euros en 2024 (+6 %) et un bénéfice net de 2,36 milliards d’euros (+3 %), porté notamment par le lancement réussi de la gamme Ray-Ban Meta.

Pascal Daloz (Dassault Systèmes)

Pascal Daloz, 56 ans, nommé PDG de Dassault Systèmes en janvier 2024, affiche une rémunération très majoritairement composée d’actions de performance (87 % du total). Le groupe, en croissance régulière (+6 % en chiffre d’affaires en 2024), conforte son positionnement stratégique dans les logiciels industriels. Cette stratégie de rémunération vise à aligner la performance du dirigeant avec celle des actionnaires, selon la logique défendue par la famille Dassault, toujours actionnaire de référence.

Cyrille Bolloré (Groupe Bolloré)

Avec 15,7 millions d’euros en 2024, Cyrille Bolloré bénéficie d’une prime de fidélité de 10 millions d’euros. Elle ne rémunère pas une performance boursière mais vise à assurer la continuité managériale. L’année 2024 a été marquée par la cession de Bolloré Logistics à CMA CGM et la scission de Vivendi en quatre entités. Si le chiffre d’affaires a chuté (3,1 milliards contre 13,7 en 2023), la trésorerie nette du groupe a bondi à plus de 5 milliards d’euros.

Luca de Meo (Kering, ex-Renault)

Après avoir dirigé Renault jusqu’en juin 2025, Luca de Meo a rejoint Kering en septembre. Il quitte Renault avec une rémunération annuelle de 12,86 millions d’euros, en hausse de 132 % par rapport à 2023. Son nouveau contrat chez Kering comprend une prime de bienvenue de 20 millions d’euros, partiellement perçue en 2025. Ce cas illustre la montée des packages de transition pour attirer les dirigeants à forte valeur stratégique.

Les rémunérations évoluent

La saison des assemblées générales 2025 confirme une évolution notable des politiques de rémunération. Le plafond des bonus annuels en numéraire passe de 1,7 à 2,5 millions d’euros. Les rémunérations fixes sont réévaluées à la hausse lors des renouvellements de mandat : +25 % pour Jean-Laurent Bonnafé (BNP Paribas), désormais à 2,3 millions d’euros. Les actions de performance restent la composante centrale des packages, représentant 42 % en moyenne.
Cette dynamique traduit une pression croissante pour retenir les dirigeants les plus recherchés dans un contexte de concurrence internationale accrue. Selon l’IFASS, 28 % des mandats d’administrateurs du SBF 120 arrivent à échéance en 2025, ce qui ouvre la voie à une vague de renégociation salariale.

Des inégalités de rémunération toujours plus marquées

Les écarts entre les dirigeants et les salariés atteignent des niveaux inédits. Le ratio moyen entre la rémunération d’un PDG du CAC 40 et celle d’un salarié est de 117. Chez Téléperformance, il atteint 695, suivi de Carrefour (408) et Dassault Systèmes (381). Le High Pay Day 2025 — moment symbolique où les dirigeants ont gagné en quelques jours ce qu’un salarié perçoit en un an — est survenu le 6 janvier à 16h49.
En parallèle, les salaires de base des salariés ont progressé en médiane de seulement 2,5 % en 2025, soit +0,3 % en pouvoir d’achat réel selon la DARES.

Les femmes absentes du sommet des rémunérations

Aucune femme ne figure parmi les 20 premières rémunérations du CAC 40 en 2024. En 2023, Ilham Kadri (Solvay) faisait exception. Seule rescapée du palmarès : Kadri reste présente via Syensqo, groupe qu’elle dirige depuis fin 2023, avec un total de 25,7 millions d’euros perçus sur deux ans. En dehors de cette exception, les écarts restent marqués : les femmes occupent 28 % des postes de direction, mais sont sous-représentées aux plus hauts niveaux. L’écart salarial femmes-hommes dans les grandes entreprises reste à 22 % en 2025.

Une régulation encore largement symbolique

Le mécanisme de Say on Pay, instauré par la loi Sapin 2, permet aux actionnaires de voter sur les rémunérations. En 2025, 96 % des rémunérations ont été approuvées, reflétant une forme de consensus tacite. Les fonds activistes anglo-saxons restent les seuls à s’opposer régulièrement. La directive européenne 2023/970, qui entrera en vigueur en France en 2026, prévoit une transparence renforcée : publication obligatoire des critères de rémunération, interdiction des clauses de secret salarial, et obligation de corriger tout écart injustifié de plus de 5 % entre les sexes. Mais ces mesures ne modifient pas la structure des rémunérations exécutives.

Vers une consolidation du pouvoir managérial

Les données 2024–2025 confirment une concentration de pouvoir et de revenus entre les mains d’une élite dirigeante restreinte. Les très hauts salaires se banalisent au-dessus de 10 millions d’euros, et les packages supérieurs à 15 millions d’euros deviennent plus fréquents. Les conseils d’administration continuent de privilégier les outils de fidélisation et de rétention à travers des primes, des bonus différés et des attributions d’actions complexes.



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