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La taxe foncière va de nouveau augmenter, mais dans des proportions bien moindres que les années précédentes. La revalorisation nationale automatique, fixée à +1,7 %, semble annoncer une pause dans l’escalade fiscale. Pourtant, les données révèlent une réalité plus contrastée : disparités territoriales extrêmes, hausses spectaculaires dans certaines communes et réformes à venir qui laissent entrevoir une remontée durable des prélèvements locaux dès 2026.
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Une hausse nationale de +1,7 % en trompe-l’œil
La revalorisation de +1,7 % des bases locatives cadastrales, calculée sur l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) de novembre 2024, s’appliquera automatiquement à tous les propriétaires, y compris dans les communes qui n’ont pas modifié leurs taux d’imposition. Cette hausse, modérée en apparence, fait suite à des progressions bien plus marquées : +3,4 % en 2022, +7,1 % en 2023 et +3,9 % en 2024.
Mais sur dix ans, la dynamique est largement inflationniste. Entre 2014 et 2024, la taxe foncière a augmenté en moyenne de +37,3 % dans les 200 plus grandes villes françaises, contre +19,9 % pour l’inflation et seulement +8,7 % pour les loyers du parc privé. La charge fiscale sur les propriétaires progresse donc beaucoup plus vite que leurs revenus locatifs ou leur pouvoir d’achat.
L’Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI) dénonce une situation « devenue intenable », dans laquelle les charges augmentent structurellement alors que les recettes stagnent. Elle appelle à une réforme de fond du système de fiscalité locale.
Les villes les plus impactées
Si la tendance nationale est à la stabilité, certaines communes affichent des hausses spectaculaires. Gandrange (Moselle) détient le record national avec une augmentation de +137 %, motivée par une situation financière critique. La commune doit faire face à une dette de 5,33 millions d’euros, à laquelle s’ajoutent des pénalités bancaires de 800 000 euros, la perte des recettes fiscales d’ArcelorMittal (–241 000 euros par an) et une baisse des dotations de l’État (–500 000 euros par an).
D’autres communes rurales enregistrent également des hausses marquées : +64,7 % à Poilcourt-Sydney (Ardennes), +42 % à Alzon (Gard), +40 % à Lourde (Haute-Garonne), ou encore +35,8 % à Villard-Reymond (Isère). Ces territoires, souvent à faible densité et aux budgets contraints, doivent faire face à des charges fixes importantes et à une base fiscale limitée.
Dans les villes moyennes, les hausses atteignent également des niveaux significatifs. Ploërmel (Morbihan) et Pont-du-Château (Puy-de-Dôme) augmentent leur taux de +8 %, Hendaye (Pyrénées-Atlantiques) de +7,5 %, Les Mureaux (Yvelines) de +7,2 %, et Les Herbiers (Vendée) de +6,8 %. Ces hausses visent à financer des projets locaux (rénovations scolaires, équipements publics) dans un contexte de baisse des ressources d’État.
Du côté des villes de plus de 50 000 habitants, seules trois d’entre elles relèvent leur taux en 2025 : La Roche-sur-Yon (+7 %), Arras (+3,3 %) et Créteil (+1 %). Toutes les autres — dont Paris, Lyon, Marseille, Lille, Nantes, Toulouse ou Bordeaux — conservent un taux inchangé, après parfois des hausses substantielles les années précédentes.
Une modération fiscale liée au calendrier électoral
La relative stabilité de 2025 s’explique en partie par la proximité des élections municipales prévues pour mars 2026. Selon l’UNPI, de nombreux élus locaux choisissent de ne pas activer le levier fiscal en période préélectorale. Ce phénomène, déjà observé en 2019, se confirme : seulement 12,6 % des communes ont relevé leur taux de taxe foncière cette année, contre 17 % en 2024.
Parmi les 200 plus grandes villes françaises, seules 3 ont augmenté leur taux en 2025, contre 23 en 2024 et 35 en 2023. En parallèle, 11 d’entre elles ont décidé de le baisser. La majorité (86,3 % des communes) a reconduit ses taux à l’identique, un niveau inédit depuis plusieurs années.
Ce gel apparent masque toutefois des inégalités importantes. Les hausses sont majoritairement concentrées dans les communes de moins de 3 500 habitants, souvent confrontées à des contraintes financières structurelles.
Une géographie fiscale marquée par l’endettement et les disparités
L’Observatoire de la fiscalité de l’UNPI établit une corrélation directe entre le niveau d’endettement des communes et la hausse des taux de taxe foncière. Les collectivités dont le délai de désendettement dépasse 10 ans ont vu leur taux augmenter de +40,2 % entre 2014 et 2024, contre +35,2 % dans les communes faiblement endettées.
Cette tendance s’ajoute aux disparités géographiques déjà marquées. En 2024, le taux moyen de taxe foncière atteignait 40,67 %, mais certaines villes le dépassent largement : Grenoble (67,92 %), Angers (56,42 %), Amiens (56,05 %), Toulouse (48,55 %), ou Marseille (47,13 % selon les sources). À l’inverse, plusieurs communes des Hauts-de-Seine bénéficient de taux particulièrement bas : Neuilly-sur-Seine (15,04 %), Boulogne-Billancourt (15,78 %), ou Puteaux (16,70 %).
À ces taux s’ajoutent souvent des taxes annexes : taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM), taxe GEMAPI (Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations), ou taxes spéciales d’équipement. À Grenoble, l’ensemble de ces prélèvements représente jusqu’à 76,22 % de la valeur locative.
Ce qui attend les propriétaires en 2026
Pour 2026, les prévisions établies en novembre 2025 annoncent une revalorisation des bases comprise entre +0,9 % et +1,1 %. Cette modération, à confirmer en décembre, marquerait une rupture avec les années d’inflation élevée. En moyenne, la facture augmenterait d’environ 10 euros pour un logement type.
Mais une autre mesure aura un impact plus lourd : la fiabilisation des bases cadastrales. Cette opération, lancée par Bercy, vise à réintégrer dans le calcul des éléments de confort (eau, gaz, électricité, salle de bain) jusque-là omis ou sous-déclarés. Environ 7,4 millions de logements sont concernés. Selon les projections, la revalorisation moyenne atteindra 63 euros par logement, pour un gain total de 466 millions d’euros pour les collectivités.
L’impact sera très variable selon les départements : en Haute-Corse, 60 % des logements seront réévalués, contre moins de 10 % en Indre-et-Loire. Les propriétaires pourront contester cette revalorisation s’ils estiment que leur logement ne correspond pas aux critères.
La réforme de 2028, source d’incertitude majeure
Une réforme structurelle de la fiscalité locale est également prévue pour 2028. Elle prévoit une révision complète des valeurs locatives, basées cette fois sur les loyers du marché constatés en 2025. Les effets attendus seront très inégaux : les logements anciens sous-évalués, notamment en centre-ville, pourraient voir leur base fiscale augmenter de +15 à +20 %, tandis que les logements construits dans les années 60 ou 70 pourraient bénéficier d’un ajustement à la baisse (–16 % selon certaines simulations).
Un mécanisme de neutralisation ou de lissage est envisagé, mais les modalités n’ont pas encore été fixées. L’incertitude demeure sur l’ampleur et le calendrier effectif de la réforme.


