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- Un déficit aggravé par les choix de l’Assemblée nationale
- Réduire le déficit de plus de 8,8 milliards
- Suppression de mesures jugées inefficaces ou symboliques
- Une navette parlementaire sous haute tension
- Une pression européenne en toile de fond
- Une stabilisation budgétaire sans transformation du système
Face à un déficit de la Sécurité sociale projeté à 24 milliards d’euros en 2026, le Sénat, présidé par Gérard Larcher (LR), a adopté un plan de redressement budgétaire radical visant à ramener ce chiffre à 15,1 milliards. Porté par la majorité de droite et du centre, ce plan marque une rupture nette avec le texte voté à l’Assemblée nationale. Il repose sur une réduction des dépenses sociales, le rétablissement de réformes suspendues et un renforcement de la fiscalité sur le capital.
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Un déficit aggravé par les choix de l’Assemblée nationale
Le déficit de la Sécurité sociale a doublé en deux ans. Il est passé de 10,8 milliards d’euros en 2023 à 15,3 milliards en 2024, puis à 23 milliards en 2025. Les projections pour 2026 évoquent un déficit de 24 milliards, résultat notamment des amendements adoptés par l’Assemblée nationale. Durant l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2026, les députés ont suspendu la réforme des retraites de 2023 et élargi certaines prestations, accentuant la dérive des comptes sociaux.
Le gouvernement avait initialement proposé un retour à 17,4 milliards d’euros de déficit en 2026 et un équilibre en 2029. Mais la version transmise au Sénat par l’Assemblée affichait un solde plus négatif encore que celui de 2025. Ce recul a été jugé inacceptable par la chambre haute, qui s’est saisie du texte pour en revoir profondément l’orientation.
Réduire le déficit de plus de 8,8 milliards
Le plan de redressement voté par la commission des affaires sociales du Sénat repose sur trois mesures majeures, destinées à contenir les dépenses et rétablir les équilibres financiers des régimes obligatoires.
Gel partiel des prestations sociales
Le Sénat a rétabli le gel des pensions de retraite et des prestations sociales pour 2026, supprimé par l’Assemblée. Les pensions inférieures à 1 400 euros mensuels restent toutefois exclues de ce gel. Cette mesure, qui devrait générer 1,9 milliard d’euros d’économies en 2027, vise une austérité ciblée sans pénaliser les plus faibles revenus.
Rétablissement de la réforme des retraites de 2023
Le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans, suspendu par l’Assemblée nationale, a été réintégré dans le texte par le Sénat. La suspension représentait un coût estimé à 100 millions d’euros dès 2026, et jusqu’à 1,9 milliard d’euros en 2027 si l’on inclut ses effets indirects. Le Sénat considère cette réforme comme une condition essentielle de stabilité budgétaire.
Hausse de la fiscalité sur le capital
Le Sénat a maintenu la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) sur les revenus du capital, portée de 9,2 % à 10,6 % par l’Assemblée. Il a également rétabli le gel du barème de la CSG sur les revenus de remplacement (pensions, allocations chômage, invalidité), et réintroduit une contribution additionnelle de 2,25 % sur les complémentaires santé. Ces mesures visent 2,8 milliards d’euros d’économies dès 2026.
Un Ondam jugé sous-estimé et irréaliste
Au-delà de ces mesures d’ajustement, le Sénat critique le niveau de l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) fixé à 270,4 milliards d’euros pour 2026, avec une progression limitée à 1,6 %. Selon les rapporteurs, cet Ondam ne reflète pas les besoins réels du système de santé, en particulier ceux des hôpitaux publics. Cette sous-budgétisation structurelle est dénoncée comme une source de tension persistante dans les comptes sociaux.
Le Sénat reproche également au texte de ne pas proposer de réforme d’organisation du système de soins. Il a supprimé une large part du programme France Santé, jugé coûteux, contraignant et sans effets structurels sur l’efficacité du système.
Suppression de mesures jugées inefficaces ou symboliques
Plusieurs dispositions introduites par l’Assemblée nationale ont été supprimées par la commission sénatoriale, dans un effort de clarification et de recentrage sur les mesures budgétaires à fort impact.
Parmi ces suppressions :
- L’encadrement de la durée des arrêts de travail (un mois pour la première prescription, deux mois pour le renouvellement), jugé inefficace et rejeté par les professionnels de santé.
- L’obligation vaccinale contre la grippe pour les résidents d’Ehpad, considérée comme inutile au vu des taux de couverture existants.
- Une large partie des dispositifs réglementaires du projet France Santé, critiqués pour leur faible rentabilité budgétaire et leur lourdeur administrative.
Ces ajustements traduisent la volonté du Sénat de distinguer les véritables leviers de redressement budgétaire des mesures jugées accessoires ou contre-productives.
Une navette parlementaire sous haute tension
Le plan sénatorial entre dans une phase politique délicate. L’Assemblée nationale, profondément fragmentée, n’a pas pu achever l’examen du texte dans le délai constitutionnel de 20 jours. Le Sénat examine désormais le projet du 19 au 25 novembre, pour un vote prévu le 26. Une commission mixte paritaire devra ensuite tenter de rapprocher les positions des deux chambres.
L’équilibre politique est fragile : la majorité sénatoriale est stable, mais l’Assemblée est divisée entre un Nouveau Front populaire éclaté, une majorité présidentielle affaiblie, et un Rassemblement national influent. Les précédents, notamment l’échec de la CMP de 2024 suivi d’une motion de censure, rappellent le risque élevé d’échec de la procédure.
Le gouvernement s’est engagé à ne pas utiliser l’article 49.3 pour faire adopter le texte sans vote. Il appelle à un compromis, tout en alertant sur l’impératif de maîtriser la dette publique.
Une pression européenne en toile de fond
Au-delà du cadre national, les exigences européennes pèsent sur les choix budgétaires. Le déficit public français atteint environ 5 % du PIB en 2025, le plus élevé de la zone euro. Les règles budgétaires européennes imposent une trajectoire vers 4,7 % dès 2026. Le gouvernement insiste sur la nécessité d’agir dès maintenant, faute de quoi des efforts plus lourds devront être consentis à l’avenir.
Sur le fond, les déséquilibres actuels sont davantage liés à une insuffisance de recettes qu’à une explosion des dépenses. Les exonérations de cotisations sociales non compensées ont généré un manque à gagner de 18 milliards d’euros entre 2018 et 2023. En 2024, les exemptions ont représenté à elles seules une perte nette de 14,6 milliards. En parallèle, les dépenses de santé et de retraite restent stables ou en légère progression relative depuis 2010.
La Cour des comptes a par ailleurs souligné le caractère optimiste des hypothèses de croissance utilisées dans le PLFSS 2026. Un moindre dynamisme économique pourrait rendre les déficits encore plus lourds que prévu, renforçant l’urgence d’une réponse budgétaire crédible.
Une stabilisation budgétaire sans transformation du système
Le plan du Sénat s’inscrit dans une logique de stabilisation à court terme des finances sociales. En restaurant le gel des prestations, en réactivant la réforme des retraites et en renforçant la fiscalité du capital, il vise à contenir le déficit dans des proportions jugées acceptables.
Mais ce redressement ne s’accompagne pas de réforme structurelle du financement ou de l’organisation du système de soin. Les critiques sur l’Ondam, la suppression du programme France Santé, et l’absence de réflexion sur les recettes laissent en suspens les questions de fond. La trajectoire des comptes sociaux reste exposée aux aléas politiques et économiques.
Dans les jours à venir, la commission mixte paritaire devra tenter de rapprocher deux visions divergentes. Le Parlement français est-il encore capable de produire un compromis durable, ou la fragmentation politique continuera-t-elle de fragiliser la protection sociale ? La réponse se dessinera dans les débats à venir.


