Mariage à 5 milliards entre TotalEnergies et le milliardaire Daniel Kretinsky

Daniel Kretinsky devient actionnaire stratégique de TotalEnergies. Un deal industriel à forte valeur énergétique et géopolitique.

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Le virage électrique de TotalEnergies s’accélère. Le groupe français vient de signer un accord majeur avec le conglomérat tchèque EPH, contrôlé par le milliardaire Daniel Kretinsky. À la clé : l’acquisition de 50 % d’un portefeuille d’actifs énergétiques européens, valorisé à 10,6 milliards d’euros. Une opération structurée en échange d’actions – 95,4 millions de titres TotalEnergies – qui fait de Kretinsky un actionnaire de référence du groupe, avec 4,1 % du capital. Montant total de la transaction : 5,1 milliards d’euros.

Le marché a bien accueilli cette opération : le titre TotalEnergies gagnait du terrain après l’annonce, clôturant à 56 euros le 17 novembre à Paris, contre un prix d’échange fondé sur une moyenne de 53,94 euros. L’opération, qui devrait être finalisée mi-2026, s’inscrit dans la stratégie « Integrated Power » du groupe : devenir un acteur global de l’électricité, capable d’assurer production, stockage, distribution et commercialisation.

Daniel Kretinsky s’ancre au cœur de l’industrie énergétique européenne

Pour Daniel Kretinsky, cette prise de participation dans TotalEnergies n’est pas un simple placement. C’est une extension logique de son influence dans les infrastructures critiques du continent. À 50 ans, l’homme d’affaires tchèque s’est bâti un empire aux ramifications multiples : énergie, distribution, médias. EPH, son principal véhicule, est présent dans 11 pays, avec un EBITDA dépassant 9 milliards d’euros en 2022.

Il est déjà bien implanté en France – via Fnac Darty, Casino ou encore GazelEnergie – mais cette alliance avec TotalEnergies change d’échelle. Elle lui donne un siège à la table des grandes décisions énergétiques européennes, dans un secteur devenu aussi stratégique que sensible. « Nous sommes très intéressés à devenir un actionnaire de référence de TotalEnergies sur le long terme », a-t-il affirmé, dessinant les contours d’une présence active et durable.

Une réponse industrielle à la pression des data centers

La valeur industrielle de la plateforme acquise est loin d’être anecdotique. Elle totalise plus de 14 GW de capacités électriques brutes, dont une majorité en exploitation. Le mix est résolument flexible : centrales à gaz, biomasse, batteries. Une combinaison pensée pour répondre à une demande en hausse et de plus en plus instable, notamment du fait de la montée en puissance des énergies renouvelables… et des data centers.

Ces derniers, devenus des infrastructures critiques, sont en train de bouleverser le modèle énergétique européen. Leur consommation pourrait bondir de 28 % d’ici 2030, selon RTE. À puissance équivalente à celle de petites villes, ils imposent des contraintes de disponibilité totale et immédiate. Une aubaine pour les fournisseurs d’électricité pilotable.

La directive européenne 2023/1791 impose désormais des normes strictes aux data centers, tandis que l’Allemagne exige que l’électricité qu’ils consomment soit intégralement renouvelable d’ici 2027. C’est dans ce cadre que GazelEnergie discute d’un projet de reconversion d’un site thermique à Saint-Avold en centre de données, démontrant la convergence entre énergie pilotable et numérique critique.

TotalEnergies vise l’équilibre entre renouvelable et disponibilité

TotalEnergies n’en est pas à son coup d’essai. Fin octobre 2025, le groupe disposait déjà de 32 GW de capacités renouvelables, avec un objectif de 100 à 120 GW en 2030. Mais l’électricité verte, seule, ne suffit pas. L’enjeu désormais : coupler énergies renouvelables et production pilotable, pour proposer du « Clean Firm Power » – une électricité décarbonée, mais toujours disponible.

L’acquisition des actifs d’EPH répond exactement à ce besoin. Elle permet à TotalEnergies d’accéder instantanément à 14 GW de capacités flexibles, réparties dans plusieurs pays européens. Une nouvelle joint-venture, détenue à parité avec EPH, sera chargée de les exploiter. Chaque partenaire commercialisera sa propre part de production, sans transfert d’actifs.

Ce montage permet à TotalEnergies d’éviter les coûts et délais d’intégration, tout en accélérant sa montée en puissance. L’impact financier sera immédiat : la division Integrated Power devrait générer un free cash-flow positif dès 2027, soit un an plus tôt que prévu. Le retour sur capital employé passera à 12 % dans les cinq ans.

Une stratégie géopolitique face à la fin du gaz russe

Derrière cette opération se cache aussi un calcul géopolitique. L’Union européenne a acté une sortie progressive du gaz russe : les contrats long terme seront interdits dès 2028, les court terme dès 2026. Premier fournisseur de gaz en Europe, TotalEnergies doit repositionner son modèle. Cette acquisition lui permet de transformer son GNL américain en électricité flexible sur le sol européen, en s’appuyant sur ses nouvelles capacités thermiques.

Elle ouvre aussi la porte à un portefeuille de trading électrique paneuropéen, capable de capter les écarts de prix entre pays. Une source de valeur croissante dans un marché de plus en plus fragmenté et tendu.



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