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Le 17 décembre, les 980 000 candidats attendus sur Parcoursup découvriront les premières offres de formations. Mais dans les lycées, l’inquiétude a commencé bien plus tôt. Dès novembre, les élèves de terminale sont confrontés à une pression croissante. Le contrôle continu, censé atténuer le stress du baccalauréat depuis la réforme de 2019, est devenu une source permanente d’évaluation. Chaque note compte pour le dossier. Chaque trimestre est décisif.
« On a l’impression de passer le bac tous les jours, témoigne Garance, lycéenne à Paris. Le sentiment d’incertitude s’installe avant même le lancement officiel de la procédure.
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Parcoursup : cet outil qui estime vos chances d’admission
Des chiffres rassurants… en apparence
Selon les données du ministère de l’Enseignement supérieur, la session 2025 a été un succès technique. Sur les 980 000 candidats, 94 % des néo-bacheliers ont reçu au moins une proposition d’admission, et 81 % en ont accepté une. En moyenne, les candidats admis ont obtenu 4,9 propositions.
Parcoursup propose désormais 25 000 formations. Les nouveautés de l’année comprennent des fiches améliorées, une meilleure transparence sur les critères de sélection, et un simulateur de chances d’admission. En 2025, 75 % des formations publiaient des données sur l’insertion professionnelle. Mais ces évolutions n’ont pas suffi à dissiper la méfiance des usagers. À peine 34 % des lycéens estiment que la plateforme est juste et équitable, et seulement 53 % la jugent transparente.
Une anxiété de masse documentée
Derrière les taux d’admission, le ressenti des élèves dessine une tout autre réalité. Selon une étude du ministère de l’Éducation nationale, 68 % des lycéens ressentent un stress significatif pendant la phase de candidatures. En 2023, 59 % déclaraient être « plutôt » ou « très stressés » par les examens, contre 56 % en 2018.
Cette pression ne s’arrête pas aux élèves. 72 % des parents disent partager cette anxiété. Les incertitudes liées au calendrier, aux critères de sélection, ou aux délais de réponse alimentent une tension constante. Le processus devient une épreuve familiale collective, dont les effets psychologiques sont de plus en plus visibles.
À la Maison des adolescents de Nantes, le médecin psychiatre Benoît Maillet constate que ce stress éducatif s’ajoute à d’autres troubles, sans en être la cause unique. En 2023, plus de 2 000 jeunes ont été accueillis dans cette structure, dont une centaine pour des motifs directement liés à la scolarité.
Des inégalités sociales renforcées par la procédure
Le stress généré par Parcoursup n’est pas distribué de manière équitable. Les élèves issus de milieux défavorisés ou peu informés sont plus souvent confrontés à un sentiment d’impuissance. Une étude de janvier 2024 du cabinet VivaVoice montre que ces lycéens projettent moins d’ambitions, évitent les formations sélectives et envisagent difficilement un déménagement pour leurs études.
Face à la complexité de la plateforme, les familles les mieux dotées économiquement investissent dans des services d’accompagnement privés. Des « coachs Parcoursup » facturent jusqu’à 90 euros la séance. Malgré les mises en garde du ministère, ce marché parallèle prospère. Il aggrave les écarts entre élèves selon leur environnement socio-économique.
« Ce n’est pas une dépense superflue. C’est un investissement », justifie une consultante en orientation. Ce recours privé souligne l’absence de réponse publique suffisante : avec un conseiller d’orientation pour environ 1 080 élèves dans le secondaire, le manque d’encadrement devient structurel.
Opacité et critiques
Depuis sa création en 2018, Parcoursup est critiqué pour son manque de lisibilité. Le rapport du Sénat publié en juin 2023 évoque « une anxiété croissante et un sentiment d’opacité » parmi les usagers. Le Comité éthique et scientifique de la plateforme alerte également sur « le manque de transparence des critères de préclassement » et « l’absence d’information sur les pondérations ».
Les algorithmes utilisés par les établissements pour trier les candidatures restent largement opaques. Certains établissements refusent encore de publier leurs modalités de sélection, malgré les recommandations de la Cour des comptes dès 2020.
Cette absence de transparence alimente la défiance. « C’est une loterie », déplorait Lucas, 18 ans, en terminale STMG, après avoir essuyé des refus sur tous ses vœux au premier tour. Il faisait partie des 34 % de candidats sans réponse immédiate début juin 2025.
Un système d’admission à l’échelle mondiale
La situation française n’est pas unique. Une étude du Parlement européen met en lumière la diversité des modèles d’accès à l’enseignement supérieur en Europe. En Suède, par exemple, un tiers des admissions repose sur des tests standardisés, un tiers sur les résultats scolaires, et un tiers sur des critères choisis par les établissements. Au Royaume-Uni, chaque université applique ses propres critères d’admission. En Allemagne, c’est l’Abitur qui ouvre l’accès à l’université, parfois encadré par un numerus clausus.
Aucun modèle ne fait l’unanimité. La centralisation française permet une certaine égalité formelle, mais crée aussi un sentiment de dépossession. Ailleurs, une plus grande autonomie des établissements peut conduire à une sélection encore plus marquée. En réalité, la sélection ne disparaît jamais : elle se déplace.
Des propositions de réforme, sans moyens à la hauteur
En juillet 2025, La France Insoumise a déposé une proposition de loi visant à supprimer Parcoursup et à garantir l’accès libre à l’enseignement supérieur. Le texte prévoit une liberté d’inscription pour tous les bacheliers, et une régulation par les rectorats en cas de dépassement de capacité.
Mais cette réforme, jugée irréaliste dans les délais, met en lumière le vrai nœud du problème : le sous-financement chronique de l’université. Sans création massive de places, de personnels et d’infrastructures, aucune réforme technique ne pourra répondre à la demande croissante d’accès à l’enseignement supérieur.


