Ces start-up qui créent des usines en France

Usines vertes, technologies critiques, emplois locaux : découvrez comment les start-up transforment l’industrie française à grande vitesse.

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La France connaît une accélération inédite dans l’ouverture de sites industriels. Au premier semestre, 32 usines ont été inaugurées par des start-up, soit plus du double par rapport à la même période l’année précédente. Sur les neuf premiers mois, ce chiffre grimpe à 38, représentant 40 % de l’ensemble des nouvelles installations industrielles. À ce rythme, l’année pourrait dépasser les 60 ouvertures, établissant un record depuis la dernière décennie.

Cette dynamique tranche avec celle des grands groupes, qui continuent à fermer plus de sites qu’ils n’en créent. Si le nombre total d’inaugurations toutes tailles d’entreprise confondues (PME, ETI, start-up) reste relativement stable — 115 en 2024, contre 118 en 2023 —, la part des jeunes pousses croît rapidement, faisant émerger un nouveau visage de l’industrie française.

Une réindustrialisation verte tirée par les greentech

Ce renouveau industriel repose majoritairement sur des projets à forte ambition environnementale. Près de 75 % des nouvelles usines de start-up appartiennent à la greentech, selon les données de Bpifrance. Elles investissent des secteurs stratégiques tels que le recyclage des batteries, la production d’hydrogène vert, le ciment bas carbone ou encore les panneaux photovoltaïques.

Verkor, symbole de cette mutation, construit à Dunkerque une gigafactory de batteries d’une capacité future de 16 GWh par an. Renault s’est déjà engagé à en réserver 12 GWh. L’investissement global atteint 5,2 milliards d’euros, avec 2 000 emplois directs à la clé.

Dans la même logique, HoloSolis développe en Moselle une méga-usine de cellules photovoltaïques sur 50 hectares. Si le projet accuse près de deux ans de retard, la construction doit démarrer en 2027, avec une mise en production attendue fin 2027 ou début 2028.

De son côté, NeoCem a inauguré en février 2025 sa première unité de production de ciment bas carbone, capable de remplacer le clinker traditionnel. L’entreprise annonce déjà quatre nouvelles usines d’ici 2030.

Diversification des secteurs industriels et percée des technologies critiques

Au-delà de la greentech, d’autres secteurs bénéficient de cette dynamique. L’hydrogène vert progresse, avec des projets comme celui de Lhyfe, qui ouvre à Cheylas (Isère) une unité capable de produire 4 tonnes par jour grâce à une électrolyse de 10 MW.

Mais tous les projets ne résistent pas aux tensions du marché. McPhy, qui avait inauguré à Belfort la première gigafactory française d’électrolyseurs, a été placé en liquidation judiciaire en juin 2025, faute de commandes suffisantes.

La microélectronique et les technologies avancées restent des axes forts de souveraineté industrielle. STMicroelectronics poursuit l’extension de son usine à Crolles, tandis que Soitec développe un nouveau site à Bernin pour produire des substrats SmartSiC. Eviden, filiale d’Atos, modernise quant à elle son usine d’Angers pour y accueillir une ligne de production dédiée à l’informatique quantique.

Un soutien public massif au service de l’industrialisation

Cette réindustrialisation est soutenue par une mobilisation publique inédite. Le plan France 2030 consacre 2,3 milliards d’euros aux start-up et PME industrielles. Le dispositif “Première Usine” dispose à lui seul d’une enveloppe de 550 millions d’euros sur cinq ans. Le Fonds Société de Projets Industriels (SPI) a été renouvelé à hauteur d’un milliard d’euros, tandis que le Fonds National de Venture Industriel (FNVI) mobilise 350 millions d’euros pour soutenir l’émergence de fonds spécialisés.

Les chiffres traduisent l’ampleur du phénomène : 212 levées de fonds ont été réalisées par les start-up industrielles en 2024, pour un montant total de 2,8 milliards d’euros. Plus de 360 millions ont été levés par les seules start-up ayant inauguré une usine au premier semestre 2025.

Les régions s’engagent également. L’Île-de-France, qui concentre 522 start-up industrielles (30 % du total national), a lancé un fonds de réindustrialisation de 65 millions d’euros et un fonds de décarbonation doté de 150 millions.

Des obstacles persistants pour passer à l’échelle industrielle

Malgré ces soutiens, de nombreux obstacles freinent le passage à l’échelle. Le financement de l’industrialisation demeure le principal verrou, avec des investissements unitaires souvent supérieurs à 10 millions d’euros. La pénurie de profils qualifiés aggrave la situation : les jeunes entreprises peinent à recruter ingénieurs, techniciens ou chefs de projet, faute de pouvoir rivaliser avec les salaires des grands groupes.

Les difficultés d’accès au foncier industriel et les lourdeurs administratives s’ajoutent aux contraintes. Des projets emblématiques ont été suspendus, à l’image de celui d’Eramet pour le recyclage de batteries à Dunkerque, abandonné faute de débouchés pour les matériaux recyclés.

La liquidation de Carmat, pionnier français du cœur artificiel, souligne la fragilité de certains modèles économiques. Placée en redressement judiciaire en juillet 2025, l’entreprise pourrait disparaître faute de repreneur, malgré une technologie reconnue et soutenue par l’État.

Un impact territorial et environnemental mesurable

Le mouvement est porteur de transformations concrètes pour les territoires. En 2024, les start-up industrielles ont généré plus de 65 000 emplois et affiché un chiffre d’affaires cumulé de 4,8 milliards d’euros. Chaque nouvelle usine crée en moyenne 53 emplois directs. Le programme “Territoires d’industrie”, relancé jusqu’en 2027, a permis depuis 2017 la création de 90 000 emplois et un solde positif de 300 usines.

Certaines régions sont devenues des pôles industriels : les Hauts-de-France concentrent plusieurs gigafactories de batteries, la Moselle accueille HoloSolis, le Loir-et-Cher la future usine d’Elogen, et le Territoire de Belfort avait attiré McPhy avant sa liquidation.

Sur le plan environnemental, les résultats sont déjà tangibles. NeoCem permet d’éviter 150 000 tonnes de CO₂ par an, Dametis en a économisé 9 600 en 2024 grâce à son logiciel d’efficacité énergétique, et le procédé d’Haffner Energy est carbone négatif.

Si la tendance actuelle se poursuit, 2025 pourrait marquer un tournant pour l’industrie française. Avec plus de 60 usines de start-up attendues, la France se positionnerait en tête de la réindustrialisation verte en Europe. Le plan France 2030 ambitionne la création de 430 000 emplois industriels, auxquels pourraient s’ajouter 450 000 emplois via les dispositifs territoriaux, selon PwC.



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