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Le gouvernement, par la voix de Sebastien Lecornu, présente sa future allocation sociale unique comme une simplification bienvenue. En réalité, la réforme cache un basculement budgétaire majeur. Derrière la promesse d’un système plus lisible, 3,5 millions de bénéficiaires risquent de voir leurs aides diminuer. Les chiffres sont clairs : il y aura des perdants. Reste à savoir qui.
RSA, APL, prime : quels profils vont perdre le plus ?
Le 14 novembre 2025, à Albi, le Premier ministre Sébastien Lecornu annonce une refonte des aides sociales : RSA, APL, prime d’activité seront désormais calculés sur une base commune, un revenu social de référence (RSR). Objectif officiel : simplifier, automatiser, mieux atteindre les non-recourants. Objectif officieux : rationaliser la dépense sociale.
Ce n’est pas une nouveauté. C’est une méthode. Harmoniser, en langage budgétaire, signifie supprimer les écarts, donc les « cas particuliers ». Résultat : certains profils verront leurs aides augmenter, d’autres non. La logique n’est plus individualisée, elle devient standardisée. Et les 3,5 millions de perdants attendus en sont le coût d’entrée.
Le premier groupe concerné, ce sont les allocataires du RSA sans emploi. Environ 1,8 million de foyers, dont une moitié durablement éloignés de l’emploi. Pour eux, l’ASU représente une menace nette : disparition de compléments spécifiques, alignement sur une base de calcul moins favorable, sans possibilité d’augmenter leurs ressources via le travail.
Ce sont les oubliés du discours sur l’« incitation à l’activité ». La réforme ne leur ouvre aucune porte. Elle en referme plusieurs. Pour eux, l’harmonisation prend le goût d’une punition.
Deuxième catégorie exposée : les salariés précaires, bénéficiaires de la prime d’activité. Ils sont 4,6 millions, souvent proches du seuil de pauvreté. La réforme risque d’en faire des victimes collatérales. Pourquoi ? Parce que l’unification des bases de calcul pourrait artificiellement gonfler leurs revenus « de référence », faisant baisser les APL, sans que la prime d’activité soit compensée.
Trappe à pauvreté
L’effet de seuil est brutal. Un euro de plus dans le RSR peut entraîner 50 euros de moins en APL. Résultat : pour certains, l’effort de travail pourrait être sanctionné, et non récompensé. On appelle cela une trappe à pauvreté. La réforme risque de la refermer un peu plus fort.
Dans un système d’aides enchevêtrées, le danger vient aussi de l’interaction. Un quart des allocataires du RSA perçoivent également la prime d’activité. Ces profils « mixtes » sont à haut risque : une variation modeste de leurs revenus peut enclencher une série de baisses cumulées.
En changeant l’assiette, on change la mécanique. Sans filet de sécurité bien pensé, la réforme pourrait créer un effet domino défavorable. À vouloir rationaliser, on fabrique parfois de l’instabilité.
Autre profil vulnérable : les parents isolés. Ils représentent 12 % des bénéficiaires du RSA, souvent avec une majoration pour isolement. Si cette spécificité n’est pas reconduite dans les nouveaux paramètres, ces familles perdront immédiatement en pouvoir d’achat. Sans deuxième revenu, sans patrimoine, sans marge.
Pour elles, la solidarité n’est pas une abstraction. C’est une condition de survie. Les priver d’une aide spécifique, c’est les pousser au bord du système. Là encore, la réforme joue les équilibristes sans harnais.
Gel des plafonds en 2026 : un effet d’érosion invisible
À ces effets structurels s’ajoute une décision conjoncturelle : le gel des plafonds d’éligibilité à partir de 2026. En pleine inflation. Autrement dit, les seuils ne bougeront plus, mais les prix continueront de grimper. Même à revenu constant, des foyers perdront leurs droits.
C’est une double peine : perte d’aides et hausse du coût de la vie. Un transfert invisible, mais efficace, du budget social vers le budget général. Le tout pour répondre à une exigence d’économies de 43,8 milliards d’euros. Le contexte n’est pas anodin.
Les garanties sociales promises restent floues
Face à ces risques, les mécanismes de protection restent théoriques. Les rapporteures parlementaires réclament des compensations temporaires, un filet de sécurité transitoire. Mais rien n’est encore gravé dans le marbre. Le gouvernement parle d’expérimentations, de « clauses de revoyure », de « garanties progressives ».
Les associations, elles, s’inquiètent d’une harmonisation « vers le bas ». Le Collectif Alerte alerte – c’est son rôle – sur la perte de spécificités protectrices. Il demande des planchers, des gardes-fous, des ajustements automatiques. Pour l’instant, les réponses restent au conditionnel.


