Dette record : l’IA précipite les géants dans le rouge

Pour soutenir l’essor de l’intelligence artificielle, les grandes entreprises technologiques s’endettent massivement, parfois à des conditions extrêmes.

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Les géants de la tech s’endettent à un rythme inédit pour bâtir les infrastructures de l’intelligence artificielle. Meta, OpenAI, Oracle ou xAI mobilisent des dizaines, voire des centaines de milliards de dollars pour financer des projets titanesques, à coups de montages financiers complexes. Des financements souvent logés hors bilan, qui masquent la réalité de leur exposition. Le capital-risque, moteur initial de la révolution IA, laisse place à une logique industrielle d’endettement lourd, avec des taux élevés et une rentabilité encore floue.

Trois méga-projets pour une fuite en avant

Trois opérations cristallisent ce changement d’échelle. D’abord Meta, qui a levé 30 milliards de dollars pour le projet Hyperion, un data center géant en Louisiane. La structure est logée dans un véhicule spécifique détenu à 80 % par Blue Owl Capital. Meta conserve les manettes opérationnelles mais évite d’alourdir officiellement sa dette. Pimco, BlackRock et d’autres y ont souscrit à un rendement de 6,58 %. Un chiffre qui dit tout de la perception du risque.

Deuxième exemple : l’accord OpenAI-Oracle de 300 milliards sur cinq ans. L’objectif ? Construire l’infrastructure de Stargate. Pour y parvenir, OpenAI devra multiplier son chiffre d’affaires par six d’ici 2029. Oracle a mobilisé une trentaine de banques autour d’un montage structuré par JP Morgan et Mitsubishi UFJ. Le contrat repose sur une mécanique de location circulaire.

Troisième cas : le projet Colossus 2 de xAI, la start-up d’Elon Musk, à Memphis. Objectif : lever 20 milliards, dont 12,5 en dette. Le taux évoqué frôle les 10,5 %. Apollo et Diameter Capital pilotent la levée. Les investisseurs privés misent gros, et cher, sur l’IA.

Un écosystème fermé, fragile par nature

Ces investissements massifs s’appuient sur une interdépendance croissante entre acteurs du secteur. Nvidia fournit les puces à OpenAI et xAI, qui s’appuient sur les infrastructures d’Oracle ou CoreWeave. Nvidia est actionnaire de CoreWeave, dont la valorisation dépend elle-même du développement du cloud IA. SoftBank a vendu ses parts dans Nvidia pour miser sur OpenAI, en visant une introduction en Bourse valorisée 1 000 milliards de dollars.
Tout est imbriqué. Tout fonctionne… tant que la demande suit.
Depuis début novembre, Wall Street s’agite. Nvidia a chuté de 10 % en une semaine. Oracle a perdu 34 % depuis ses sommets de septembre. Meta recule de 21 %, Microsoft de 8 %. Seuls Google et Amazon tiennent grâce à leurs bons résultats.

Le 10 novembre, Michael Burry a fermé Scion Asset Management, liquidant ses paris baissiers sur Palantir et Nvidia. Dans une lettre aux investisseurs, il pointe une déconnexion entre valorisations et perception réelle du risque. Il alerte sur les coûts futurs d’amortissement liés aux data centers géants.
En parallèle, les signaux d’alerte se multiplient : le coût de l’assurance contre le défaut de CoreWeave a doublé, tandis que ses dirigeants ont vendu pour 4,5 milliards de dollars d’actions en trois mois. Le titre a plongé de 59 % depuis l’été.

Une économie sans client final

Selon le MIT, seules 5 % des entreprises utilisant l’IA augmentent leur chiffre d’affaires, et 10 % parviennent à mesurer un retour sur investissement. Bain & Company estime qu’il faudrait générer 2 000 milliards de revenus annuels d’ici 2030 pour couvrir les coûts d’infrastructure. Il en manque encore 800.
L’économie de l’IA repose sur une croissance anticipée mais encore incertaine. Les projets se multiplient, les investissements explosent, mais les clients solides et solvables restent rares.
Le projet Stargate illustre cette fuite en avant. Lancé en janvier 2025, il prévoit 500 milliards de dollars d’investissements sur quatre ans, pour atteindre 10 gigawatts de puissance. Cinq nouveaux sites ont été annoncés en septembre. Plus de 400 milliards sont déjà engagés. Nvidia pourrait investir jusqu’à 100 milliards, à condition que ses puces soient utilisées. Un premier versement de 10 milliards a été validé en septembre.



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