Taxes : la cigarette électronique bientôt aussi chère que le tabac ?

Taxation, interdiction, tutelle : la vape est dans le collimateur du fisc. Vapoteurs, médecins et élus dénoncent un virage à haut risque.

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La vape est dans le viseur du fisc et de l’État. L’article 23 du projet de loi de finances pour 2026 aligne la cigarette électronique sur le tabac : taxation, interdiction de la vente en ligne, encadrement administratif musclé. Une offensive frontale qui mobilise boutiques, vapoteurs, médecins et élus, et qui fracture le débat sur les politiques de santé publique.

Une taxe sur les flacons et la fin des ventes en ligne

À partir du printemps 2026, les e-liquides pourraient être soumis à une accise de 0,03 euro par millilitre pour les produits nicotinés jusqu’à 15 mg/ml, et 0,05 euro au-delà. En clair : un flacon de 10 ml verrait son prix augmenter de 30 à 50 centimes. Aujourd’hui vendus entre 5 et 7 euros, ces produits seraient donc directement renchéris. Objectif affiché : 150 à 200 millions d’euros par an pour les caisses de l’État.
Le texte va plus loin. Il prévoit l’interdiction totale de la vente de produits de vapotage sur Internet. Ce canal représente pourtant entre un quart et un tiers des ventes. Autre mesure : toutes les boutiques devront obtenir un agrément administratif et seront placées sous la tutelle des douanes, comme les buralistes.

Une filière indépendante fragilisée

Avec 3 500 magasins spécialisés, un chiffre d’affaires qui oscille entre 1,2 et 1,65 milliard d’euros, et une relative autonomie vis-à-vis des cigarettiers (85 % du marché leur échappe), le secteur de la vape s’est structuré à l’écart de l’industrie du tabac. L’article 23 vient bouleverser cet équilibre.
La Fédération interprofessionnelle de la vape (Fivape) chiffre les pertes : 3 000 emplois supprimés rien que sur la vente en ligne, 4 000 postes directs menacés, jusqu’à 20 000 indirects. Au-delà des chiffres, c’est une décennie d’activité commerciale encadrée qui se retrouve menacée. Pour les professionnels, cette réforme nie la légitimité économique et sanitaire du vapotage.

Une contestation massive et rapide

La riposte a été immédiate. Jean Moiroud, président de la Fivape, a lancé une pétition pour exclure les produits de vapotage de l’article 23. Elle a dépassé les 200 000 signatures en moins d’un mois. Le message est clair : les vapoteurs refusent d’être assimilés aux fumeurs.

Des manifestations ont réuni environ 2 000 personnes début novembre dans plusieurs villes. Une conférence en ligne, organisée le 14 novembre, a rassemblé des professionnels de santé, des juristes et des chefs d’entreprise du secteur, tous mobilisés pour alerter les députés.

Un revirement dans le monde médical

Le discours médical évolue. Longtemps divisé, le corps scientifique penche aujourd’hui en faveur d’un usage encadré de la cigarette électronique dans le sevrage tabagique. Le 23 octobre, la Société francophone de tabacologie a publié un consensus issu de la méthode Delphi. Conclusion : la balance bénéfices-risques est positive.
Les données scientifiques récentes confortent cette position. Dans Annals of Internal Medicine (2025), une étude révèle que 29 % des utilisateurs de vape arrêtent de fumer en six mois, contre moins de 10 % avec des substituts classiques. L’étude française Estxends observe une tendance similaire : 28,9 % d’arrêt dans le groupe vapoteur, contre 16,3 % chez les témoins.

Le pneumologue Bertrand Dautzenberg résume : « Pour un fumeur, la cigarette électronique, c’est utile. Pour un non-fumeur, c’est inutile. » Pour lui, la vape n’est pas une porte d’entrée vers le tabac, mais un outil de réduction des risques.

Un article affaibli mais toujours en lice

Le 22 octobre, la commission des finances a adopté un amendement, porté par Laurent Wauquiez, pour supprimer la taxe sur les e-liquides en 2026. En ligne de mire : la directive européenne 2025/580, qui fixe un plancher de taxation à partir de 2028 seulement. La France n’a donc aucune obligation immédiate de fiscaliser ces produits.
Mais l’interdiction de la vente en ligne, elle, a été maintenue. Dans la foulée, la commission a rejeté l’ensemble de la première partie du PLF, jugée incohérente. Le vote solennel du texte, prévu le 17 novembre, pourrait être repoussé. La date butoir reste fixée au 23 novembre à minuit.

Alors que plusieurs pays européens ont déjà instauré une fiscalité sur les produits de vapotage, la France faisait jusque-là le choix de la régulation sanitaire. À contre-courant du Royaume-Uni, qui mise sur le vapotage pour faire baisser le tabagisme. Londres a même distribué un million de cigarettes électroniques pour encourager l’arrêt du tabac.
Les chiffres jouent en défaveur de l’argument de « l’effet passerelle ». L’enquête ESPAD 2024 révèle que le tabagisme quotidien chez les jeunes de 16 ans a chuté de 12 % à 3,1 % entre 2019 et 2024. Le vapotage, lui, reste stable autour de 5,8 %.



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