Les sacs Birkin et Kelly, nouveaux placements de luxe

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Transformer un sac à main en produit financier, c’est le pari de Luxus. Cette start-up américaine propose aux investisseurs fortunés de miser sur les modèles les plus prisés d’Hermès, Birkin et Kelly en tête. À la croisée du luxe et de la finance, le projet intrigue autant qu’il séduit. En pleine contraction du capital-investissement traditionnel, et alors que le luxe devient un actif à part entière, Luxus propose une nouvelle voie : spéculer sur des objets de désir, à condition d’en comprendre les risques.

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Derrière Luxus, on trouve Dana Auslander, ex-banquière reconvertie en entrepreneuse. Après une première tentative sur les diamants et les pierres précieuses, elle change de cap en 2024 pour concentrer Luxus sur un seul segment : les sacs Hermès. Deux fonds sont lancés. Le premier mobilise un million de dollars autour de 36 sacs. Le second triple la mise pour atteindre trois millions. Luxus promet un rendement net de 34 %, avec un délai moyen de revente de 43 jours. Mais aucun chiffre n’a été vérifié par des sources indépendantes.

La plateforme ne s’adresse pas à tout le monde. Seuls les investisseurs accrédités – autrement dit, les plus riches – peuvent y accéder. Le fonds ne revend pas ses parts sur un marché libre, mais uniquement via un circuit fermé contrôlé par Luxus. Une structure qui restreint la liquidité et accroît le risque en cas de retournement.

Le marché secret des sacs Birkin séduit la haute finance

Le cœur du modèle repose sur la rareté orchestrée par Hermès. La maison française fabrique peu, vend sans promotion, augmente régulièrement ses prix, et entretient un mythe. Résultat : les sacs Hermès prennent de la valeur, même après achat. En janvier 2025, les prix ont encore progressé : +4,5 % en Europe, +7 % aux États-Unis. Le Kelly 25, vendu autour de 2 000 euros en 2006, dépasse désormais les 9 100 euros.

Luxus anticipe ces hausses en achetant sur le marché secondaire juste avant les revalorisations annuelles. Elle cible en priorité les couleurs les plus recherchées – noir, beige – et les éditions limitées, plus faciles à revendre à bon prix. Une stratégie d’arbitrage pure, à mi-chemin entre gestion alternative et spéculation maîtrisée.
Hermès, sans jamais soutenir directement Luxus, alimente involontairement sa dynamique. En limitant sciemment l’offre, la marque assure aux investisseurs un déséquilibre permanent entre demande et disponibilité. C’est cette rareté qui transforme le sac en actif financier.

Les chiffres confirment l’engouement. Sur le marché secondaire, les sacs Hermès se vendent 70 à 90 % de leur prix neuf, parfois plus. Les modèles Birkin les plus rares dépassent même leur valeur d’origine de 34 %, selon Rebag et The RealReal. Dans un marché où Chanel, Fendi ou Louis Vuitton perdent en moyenne 30 % à la revente, Hermès fait figure d’exception.

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Rareté, rendement, revente : les clés du modèle Luxus

Luxus bénéficie d’un cadre réglementaire précis. Elle fonctionne sous le régime Regulation A+ (Tier 2) de la SEC, ce qui l’oblige à publier certaines informations financières, contrairement aux plateformes de crowdfunding non régulées. Cela donne au modèle une crédibilité institutionnelle, tout en limitant l’accès à une clientèle triée sur le volet.

Le fonds ne se contente pas d’acheter et de revendre. Il offre aussi aux investisseurs la possibilité d’acheter certains sacs à titre privé, directement depuis l’inventaire. Un double usage : le sac devient à la fois produit spéculatif et bien de consommation. Un placement dont on peut profiter – à condition de ne pas l’abîmer.

Mais le modèle reste fragile. Luxus a changé de stratégie à plusieurs reprises depuis 2022 : pierres fractionnalisées, multi-actifs, puis sacs Hermès. Cette instabilité interroge sur la solidité de la vision à long terme. Sans historique de performance, l’investisseur prend un risque réel.

Autre faiblesse : l’illiquidité. Les parts du fonds ne peuvent pas être revendues librement. Elles sont négociables uniquement via des mécanismes internes à Luxus. Le risque de contrepartie est donc important. En cas de crise, les sorties pourraient se bloquer.

Hermès, Chine, illiquidité : les risques à surveiller

L’enjeu principal reste la dépendance à Hermès. Toute la mécanique spéculative repose sur la rareté entretenue par la maison française. Si celle-ci décide d’augmenter sa production pour satisfaire la demande institutionnelle, ou si elle modifie son positionnement stratégique, c’est toute la logique d’appréciation qui pourrait s’effondrer.

La dépendance géographique est un autre point de vigilance. Hermès réalise plus de 62 % de son chiffre d’affaires en Asie, dont une part importante en Chine. Or, l’économie chinoise ralentit. La croissance du PIB n’était que de 4,6 % au troisième trimestre 2024. Une correction brutale de la demande asiatique aurait des effets directs sur la valeur des sacs sur le marché secondaire.

Le modèle Luxus s’inscrit dans une tendance plus large : la financiarisation des objets de luxe. D’autres plateformes investissent dans l’art, le vin ou les montres. Christie’s a même lancé une division crypto immobilière. Mais la promesse initiale – rendre ces actifs accessibles au plus grand nombre via la fractionnalisation – est aujourd’hui abandonnée. Luxus préfère s’adresser aux ultra-riches, plus stables et plus rentables.

Pour ces investisseurs, les sacs Hermès cumulent les avantages : tangibles, facilement authentifiables, sans contrefaçon massive, avec une forte valeur perçue et un potentiel d’usage. Mais ils restent concentrés, illiquides et dépendants d’un seul acteur.



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