Macron face à la dette : +1 200 milliards d’euros depuis 2017

Le bilan est sans appel. En huit ans, Emmanuel Macron aura ajouté près de 1 200 milliards d’euros à la dette. Un tiers dû aux crises. Le reste, à des choix politiques non financés, des promesses fiscales sans contrepartie, une absence tenace de réforme.

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Une courbe qui grimpe sans pause. Depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, la dette publique française s’est alourdie de 1 198 milliards d’euros. Une addition vertigineuse, révélée en creux par une lettre restée confidentielle jusqu’à ces derniers jours : celle de Bruno Le Maire à Emmanuel Macron en avril 2024, appelant à une correction budgétaire d’urgence. Un signal ignoré.

Une dette qui échappe à tout contrôle

En huit ans, la dette publique est passée de 2 218 à 3 416 milliards d’euros. Une progression de 54 %, inédite hors période de guerre. Le cap des 3 000 milliards est franchi en 2023. Il ne s’agit pas d’un palier, mais d’un tremplin : la dynamique s’accélère encore en 2024 et au premier semestre 2025.

Le ratio dette/PIB raconte la même histoire. À 96,8 % du PIB en 2017, il grimpe à 98,1 % avant-Covid, bondit à 115,1 % en 2020, et ne redescend presque pas. En 2025, il atteint 115,6 %. La France est désormais dans le peloton de tête des pays les plus endettés d’Europe.

Trois chocs, un seul sens : la hausse

Les crises ont joué leur rôle. Trois séquences, trois coups de massue :

  • 2020-2021 : le Covid. L’État dépense sans compter : chômage partiel (21 milliards), aides d’urgence, prêts garantis. Le déficit explose à -9,2 % du PIB, du jamais-vu depuis 1949.
  • 2022 : la guerre en Ukraine. Le bouclier tarifaire pour contenir l’inflation énergétique coûte 80 milliards sur deux ans. La croissance tient, mais les finances dérapent.
  • 2023-2024 : les prévisions tombent à côté. Le déficit prévu pour 2024 était de 4,7 % du PIB. Il sera de 5,8 %. Une erreur de 41 milliards d’euros. Non pas sur les recettes, mais sur les dépenses.

Des choix politiques qui creusent le trou

Les crises n’expliquent pas tout. Loin de là. Selon l’OFCE, 5,1 points de PIB de dette supplémentaire sont dus à des décisions politiques structurelles, non financées.

La crise des Gilets jaunes, par exemple, coûte 20 milliards : recul sur la CSG, abandon de la taxe carbone, hausse de la prime d’activité. La suppression généralisée de la taxe d’habitation : 10 milliards. À cela s’ajoutent les baisses d’impôts de production, intégrées au plan de relance, qui réduisent les recettes sans stimuler suffisamment la croissance.

Le problème est clair : on baisse les impôts, on maintient les dépenses, et on espère que la croissance comblera le vide. Elle ne l’a pas fait.

Recettes en baisse, dépenses en hausse

Les chiffres sont sans appel. En pourcentage du PIB :

  • Dépenses publiques : de 56,5 % en 2017 à 57,2 % en 2024.
  • Recettes publiques : de 54,3 % à 51,4 %.
  • Prélèvements obligatoires : de 45,1 % à 42,8 %.

L’écart se creuse. Ce qu’on appelle “l’effet ciseau” : les dépenses restent stables, voire progressent, pendant que les recettes décrochent. Le tout dans une économie qui ne croît pas assez vite pour compenser.

L’erreur de prévision en 2024 illustre le déséquilibre : 32 milliards d’euros d’écart sur les dépenses, quelques milliards seulement sur les recettes.

La charge d’intérêts explose

Un autre clignotant est passé au rouge : les intérêts de la dette. En 2021, la France déboursait autour de 33 milliards d’euros. En 2023, c’est 62,9 milliards. Et ce n’est pas fini.

À l’horizon 2027, Bercy prévoit une facture entre 95 et 107 milliards d’euros. Soit davantage que le budget de l’Éducation nationale. Pourquoi ? Parce que les taux d’intérêt sont revenus en territoire positif : 3,4 % sur les OAT à 10 ans en novembre 2025, contre des taux négatifs il y a quatre ans.

Chaque émission de dette devient plus coûteuse. La pente est raide, et la corde, fine.

Une France isolée en Europe

Dans la zone euro, la France décroche. Fin 2024, elle devient le troisième pays le plus endetté : 113 % du PIB, derrière la Grèce et l’Italie, mais devant l’Espagne, la Belgique et surtout l’Allemagne, sous les 63 %.
Mais c’est la trajectoire qui inquiète. Là où Berlin, Madrid ou Rome prévoient un retour sous les 3 % de déficit avant 2027, Paris n’a aucune perspective de redressement avant 2029. L’Hexagone s’isole. Pas seulement par ses chiffres, mais par son absence de stratégie crédible.

Le 6 avril 2024, Bruno Le Maire écrit à Emmanuel Macron. Une lettre confidentielle, dévoilée par France 5, dans laquelle il propose une loi de finances rectificative pour économiser 15 milliards et ramener le déficit à 4,9 %. Sans succès.

Le contenu est explicite : le ministre évoque le non-respect du Pacte de stabilité européen, alerte sur le décrochage budgétaire, appelle à agir. La lettre reste sans suite. Et le déficit grimpe à 5,8 %.
À quelques semaines des législatives anticipées de juin 2024, la note est enterrée. Le Maire quitte le gouvernement en septembre. Une fin discrète, après sept ans à Bercy. Trop longue peut-être.

Un débat politique empoisonné

La révélation de cette note fait l’effet d’une bombe. Marine Le Pen parle d’« omission d’État », dénonce un mensonge budgétaire en pleine campagne européenne. À gauche, Éric Coquerel (LFI) évoque une « tragédie budgétaire », connue mais tue.
Le débat dépasse les chiffres. Il touche à la sincérité démocratique, à la transparence des comptes publics, à la responsabilité des dirigeants. La confiance s’érode.

Le projet de loi de finances pour 2026 confirme la tendance : déficit à 4,4 %, dette à 117,9 % du PIB. Rien n’indique un infléchissement. L’effet de levier de la dépense publique s’épuise. Et la charge d’intérêts siphonne une part croissante des marges budgétaires. Dans ce contexte, l’investissement public, les politiques sociales et les fonctions régaliennes risquent l’asphyxie. Une spirale connue : celle des États qui ne peuvent plus se permettre d’agir, car ils doivent d’abord rembourser.



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