Auvergne : Happy Plantes, la tisane au goût de résistance

Menacée de faillite, Happy Plantes renaît grâce à une reprise audacieuse et artisanale. Une trajectoire inspirante au cœur de l’Auvergne.

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En Auvergne, une petite entreprise d’infusions biologiques a failli disparaître. Happy Plantes, née en 2015 à Volvic, a frôlé la faillite en 2022, étranglée par la chute brutale du marché bio. Un cas presque banal. Ce qui l’est moins : sa reprise in extremis par une salariée. Deux ans plus tard, la structure tient debout, relocalisée, artisanale et recentrée. Une relance atypique dans un secteur en recomposition.

Une fondation militante, une trajectoire heurtée

À l’origine, Amaya Calvo Valderrama. Ingénieure agronome, formée à l’herboristerie, passée par l’agriculture biologique au Népal et à Cuba. En 2014, elle s’installe en Auvergne, découvre la SICARAPPAM – première coopérative française de cueilleurs de plantes sauvages bio – et fonde Happy Plantes. L’idée est simple : des infusions 100 % bio, locales, sans arômes, sans additifs, travaillées à la main. Une approche artisanale, ancrée dans le territoire.

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La marque décolle vite. En 2019, elle compte 150 distributeurs, un chiffre d’affaires de 120 000 euros et une croissance annuelle de 50 %. Des chefs étoilés s’y intéressent, comme Serge Vieira ou les frères Marcon. Mais la dynamique s’effondre dès 2022. Le marché bio décroche, grippé par l’inflation, les doutes sur les labels, et la concurrence des circuits courts non certifiés. Les coûts augmentent, les marges fondent. Happy Plantes est au bord de la cessation de paiement.

Une transmission express, hors des radars classiques

Fin 2022, Camille Monnier, alors directrice adjointe, propose de reprendre la structure avec Delphine, responsable d’atelier. En deux semaines, la transmission est actée. Camille devient présidente au 1er janvier 2023. Pas de salaire pendant deux ans. Elle apprend la gestion sur le terrain, restructure, réduit les coûts fixes. La boutique de Volvic est fermée, l’équipe resserrée, mais maintenue.

C’est une reprise en mode commando. Peu de fonds, beaucoup d’heures. Mais l’entreprise repart. La production reste manuelle, les plantes sont coupées et conditionnées à la main dans l’atelier de Châtel-Guyon. Tout est fait en interne, sans sous-traitance, avec des plantes françaises issues de cueillettes ou de cultures partenaires. L’approvisionnement reste local, via la SICARAPPAM et des producteurs du Massif central.

Cap sur le sur-mesure et le BtoB

Le repositionnement est clair : fini la dispersion. L’activité se concentre sur la vente en ligne et le façonnage pour professionnels. Chefs, spas, hôtels, établissements de santé : chacun peut créer sa propre infusion, à condition de patienter trois mois, le temps de la formulation, des tests et du conditionnement. Une nouvelle marque est lancée, Infusions d’Ici, pour démocratiser cette approche artisanale, sans rogner sur la qualité.

Les infusions, vendues entre 6 et 8 euros les sachets de 25 à 30 grammes, peuvent être infusées plusieurs fois, ce qui améliore le rapport qualité-prix. La gamme reste courte, les recettes simples. L’entreprise reste une micro-structure – un à deux salariés – mais solidement ancrée dans son écosystème local. En 2025, elle change de statut juridique et passe en SARL. Camille Monnier devient officiellement gérante.

Un modèle qui résiste, une dirigeante reconnue

Le marché des infusions, lui, redémarre. En 2025, +3,4 % en volume, +7,9 % en valeur. Les boissons bio alternatives au café progressent, tout comme la demande pour des produits traçables, locaux et équitables. Happy Plantes coche toutes les cases. La loi EGAlim, qui pousse le bio en restauration collective, ajoute un relais de croissance.
La reconnaissance arrive aussi. En juin 2025, Camille Monnier est nommée parmi les 101 femmes entrepreneures de l’année par Bpifrance et l’État. Reçue à Matignon, elle gagne en visibilité et entend désormais partager son expérience avec d’autres femmes confrontées à la reprise d’entreprise.

L’histoire aurait pu mal finir. Elle devient aujourd’hui un cas d’école. En résistant à l’uniformisation industrielle, en misant sur l’artisanat et le territoire, Happy Plantes démontre qu’un autre modèle est possible. Pas extensible, pas standardisé, mais viable. Et tenace.



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