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Dans le grand jeu mondial des technologies critiques, l’informatique quantique est devenue un enjeu de souveraineté. Derrière les promesses scientifiques, c’est une bataille industrielle et géopolitique qui se joue. En France, une petite entreprise installée à Grenoble, Silent Waves, avance ses pions dans l’ombre. Trois ans d’existence, une technologie pointue, un ancrage européen assumé : la startup incarne une ambition stratégique claire. Produire, en Europe, des composants essentiels aux calculateurs quantiques.
Une technologie critique
Le quantique n’est plus un simple terrain de jeu pour chercheurs. C’est un levier de puissance. Et comme souvent, ce sont les pièces discrètes qui font toute la différence. Silent Waves développe des amplificateurs quantiques, des composants indispensables pour lire les qubits — ces unités de calcul au cœur des ordinateurs quantiques. Leur performance conditionne celle de tout le système. Leur absence ou leur faiblesse rend l’ensemble inutilisable.
Une naissance dans la recherche publique
L’entreprise n’est pas née dans un garage mais dans un laboratoire du CNRS. Les travaux de doctorat de Luca Planat, menés à l’Institut Néel entre 2016 et 2020, ont donné le jour à Silent Waves début 2022. Il s’est associé à son frère, Baptiste Planat, économiste de formation, et à son ancien directeur de thèse, Nicolas Roch, aujourd’hui directeur scientifique de la société. Une alliance solide entre recherche et gestion, avec une exécution rapide des étapes critiques.
Grenoble, où se situe l’entreprise, est l’un des trois pôles majeurs du quantique en France, avec Paris et Saclay. Un environnement dense, peuplé de laboratoires, startups et industriels. Silent Waves y est installée juste à côté de Quobly, autre acteur de la filière.
L’Europe comme terrain de jeu
Silent Waves ne joue pas solo. L’entreprise est au cœur de plusieurs projets européens, avec une logique simple : bâtir une chaîne de valeur autonome pour les composants critiques du quantique. Dans le projet TruePA, elle travaille avec des partenaires scientifiques de cinq pays pour améliorer les amplificateurs quantiques, en s’attaquant notamment aux limitations de bande passante. Une dynamique de co-développement à haute valeur ajoutée.
Autre programme, SUPREME, inscrit dans l’initiative Chips Joint Undertaking de l’Union européenne. Objectif : créer une filière de production de circuits quantiques supraconducteurs en Europe. Silent Waves y participe comme PME partenaire aux côtés de géants comme Fraunhofer (Allemagne) et VTT (Finlande).
Des financements publics bien ciblés
L’entreprise a aussi su séduire les institutions. Lauréate du concours i-Lab de Bpifrance, elle a reçu une subvention qui a facilité ses premiers développements. Puis elle a été sélectionnée par le Conseil européen de l’innovation pour le programme EIC Transition, avec un projet nommé SQELETON. L’objectif : intégrer dans un seul composant compact les fonctions d’amplification et d’isolation, pour permettre le passage à l’échelle du nombre de qubits — le principal verrou technologique actuel. Une reconnaissance qui crédibilise sa position dans l’écosystème européen.
Réindustrialiser l’amont de la filière
Le discours de Silent Waves est clair : l’Europe ne peut pas dépendre d’acteurs étrangers pour ses composants stratégiques. L’entreprise investit donc dans des capacités de production sur le sol européen, avec des salles blanches pour la nanofabrication de circuits supraconducteurs.
Aujourd’hui, un amplificateur quantique coûte environ 20 000 euros. Pour s’imposer à moyen terme comme fournisseur industriel, il faut produire en série, réduire les coûts, tout en garantissant la qualité. C’est ce que vise l’entreprise. Rien n’interdit de vendre à l’étranger, à condition de garder le contrôle. En 2024, Silent Waves a signé un partenariat avec l’américain Quantum Microwave Components pour distribuer ses produits outre-Atlantique. Mais la conception, la fabrication et la propriété intellectuelle restent en Europe.
Un choix stratégique assumé : participer à la compétition mondiale sans brader sa technologie. Ni sa souveraineté.


