Afficher le résumé Masquer le résumé
- Une menace terroriste persistante et multiforme
- Le profil inquiétant d’une menace endogène et rajeunie
- Des exemples récents alarmants
- L’émergence d’une menace d’ultradroite
- L’impact du conflit au Proche-Orient
- Le rôle central de l’État islamique au Khorasan
- Les réseaux sociaux, nouveaux vecteurs de radicalisation
- Un dispositif Vigipirate renforcé
- Des moyens antiterroristes considérablement renforcés
- Les commémorations du 13 novembre sous haute surveillance
La France maintient son dispositif Vigipirate au niveau « Urgence attentat » avec la posture « Été-Automne 2025 » applicable depuis le 1er juillet 2025, son plus haut degré d’alerte sur une échelle de trois niveaux. Ce niveau maximal de vigilance était déjà en vigueur depuis janvier 2025, activé initialement après l’attentat du Crocus City Hall à Moscou en mars 2024. La menace terroriste « reste extrêmement importante, constante et lourde », selon Catherine Vautrin, ministre des Armées et des Anciens combattants.
À l’approche des commémorations du 10e anniversaire des attentats du 13 novembre 2015, qui avaient fait 130 morts à Paris et Saint-Denis, les autorités françaises multiplient les signaux d’alerte. Le ministre de l’Intérieur Laurent Nuñez a adressé vendredi 7 novembre un télégramme aux directeurs de la police et de la gendarmerie ainsi qu’aux préfets, les enjoignant de renforcer les mesures de vigilance sur l’ensemble du territoire « dans un contexte de tensions intérieures et internationales » pour la semaine du 10 au 16 novembre 2025.
Une menace terroriste persistante et multiforme
Six projets d’attentats ont été déjoués en France depuis le début de l’année 2025, a annoncé le procureur national antiterroriste Olivier Christen. Ce dernier affirme que « la tendance générale est à une menace qui s’accroît » et que le nombre de dossiers ouverts par le parquet antiterroriste « atteint des niveaux parmi les plus élevés observés au cours des cinq dernières années ».
Depuis 2012, les attentats terroristes ont causé la mort de 274 personnes en France et fait de très nombreux blessés. Au total, 9 attentats ont été déjoués en 2024 et 6 projets déjoués depuis le début de l’année 2025, soit un total de 15 projets sur la période 2024-2025. La DGSI, cheffe de file de la lutte antiterroriste en France, a notamment déjoué trois attentats pendant les Jeux Olympiques de Paris 2024, démontrant l’intensité de la menace lors d’événements majeurs.
La menace djihadiste demeure « la plus importante à la fois dans son volume et dans le niveau de préparation des passages à l’acte » selon Olivier Christen. Dans la hiérarchie des menaces terroristes en France, le djihadisme lié à Daech ou Al-Qaïda est placé en tête avec plus de 90 attentats ou projets d’attentats depuis 2012.
Le profil inquiétant d’une menace endogène et rajeunie
L’évolution la plus préoccupante concerne le rajeunissement spectaculaire des profils impliqués. Depuis 2023, plus des deux tiers des mis en cause dans des projets d’attentats ont moins de 21 ans, soit environ 70% selon les données officielles du ministère de l’Intérieur. Au cours des cinq dernières années, la part des mineurs parmi les individus faisant l’objet d’un suivi actif au Fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) a triplé, passant de 1,7% en 2020 à 5,6% en 2025.
Le nombre de jeunes de moins de 25 ans suivis pour des faits de radicalisation a augmenté de 66% entre 2020 et 2024. Ils représentent désormais une personne sur cinq inscrite au FSPRT. Cette radicalisation fulgurante s’opère principalement via les réseaux sociaux, notamment TikTok et les jeux vidéo en ligne, où des fondamentalistes contactent et embrigadent des mineurs parfois très fragiles psychologiquement.
La menace est devenue « essentiellement endogène », c’est-à-dire portée par des individus qui se radicalisent seuls sur le sol français, parfois sous influence de groupes étrangers. Les autorités constatent « une autonomisation des individus » impliqués dans des projets d’action, qui ont « moins de contact direct avec les groupes » terroristes. Ces « loups solitaires » passent à l’acte de manière quasi spontanée et fulgurante, sans véritablement planifier leurs projets.
Des exemples récents alarmants
L’arrestation en octobre 2025 de trois jeunes femmes âgées de 18, 19 et 21 ans illustre cette nouvelle forme de menace. Elles sont suspectées d’avoir discuté en ligne de projets d’attaques visant des terrasses de cafés ou une salle de concert, sur le modèle des attentats du 13 novembre 2015. Il s’agit du « premier projet d’action violente avec une femme depuis plusieurs années » selon une source proche du dossier.
Ces trois femmes évoquaient des armes à feu et une ceinture explosive, et discutaient de cibles potentielles à Paris. Elles ont été mises en examen pour « association de malfaiteurs terroriste en vue de la préparation de crimes d’atteinte aux personnes » et placées en détention provisoire. Leur interpellation fait suite au fait qu’elles se sont rencontrées physiquement à Lyon, ce qui a déclenché leur arrestation.
En août 2025, deux mineurs âgés de 15 et 17 ans ont été mis en examen pour avoir projeté des attentats contre des synagogues, des sex-shops et des événements festifs au nom du groupe État islamique, ainsi que contre la Tour Eiffel. En juin 2025, un jeune homme de 17 ans a été interpellé pour avoir projeté des attentats contre des lieux de culte, notamment des synagogues.
L’émergence d’une menace d’ultradroite
Au-delà de la menace djihadiste, le procureur Olivier Christen a souligné l’émergence depuis « trois à quatre ans » d’une menace terroriste d’ultradroite. « Nous avons ouvert cinq procédures sur ce champ-là en 2025 », a-t-il précisé jusqu’en novembre 2025, qualifiant cette menace de « très importante » et correspondant à « une radicalisation violente d’une expression politique ».
La menace numéro deux en France est l’ultradroite avec une quinzaine de projets depuis 2017, dont 10 actions terroristes déjouées. Le 31 mai 2025, l’assassinat d’Hichem Miraoui, un coiffeur tunisien, par son voisin Christophe Belgembe à Puget-sur-Argens dans le Var, a démontré que certains individus peuvent réussir à passer à travers les mailles du filet du renseignement.
L’impact du conflit au Proche-Orient
La dégradation sécuritaire au Proche et Moyen-Orient constitue un facteur aggravant de la menace. La posture Vigipirate « Été-Automne 2025 » intègre des mesures additionnelles activées le 14 juin 2025 en raison de cette dégradation.
Plusieurs attentats ont visé la communauté juive en France depuis le 7 octobre 2023. L’auteur de l’attentat du pont de Bir Hakeim en décembre 2023 pensait trouver des juifs à proximité du jardin mémorial des enfants du Vel d’Hiv. En août 2024, une tentative d’attaque a visé la synagogue de La Grande-Motte dans l’Hérault. Un Algérien de 33 ans en situation régulière a incendié cette synagogue, démontrant qu’il s’était « radicalisé » et nourrissait « une haine des juifs ».
Le rôle central de l’État islamique au Khorasan
L’État islamique au Khorasan (EI-K), branche de Daech basée en Afghanistan et Asie centrale, représente désormais « la menace principale » selon les autorités françaises. Cette filiale régionale, créée en 2015, est considérée comme l’une des branches les plus « actives » et « sanguinaires » de l’organisation terroriste.
L’EI-K a déjà tenté de frapper la France, notamment en novembre 2022 peu avant le marché de Noël de Strasbourg, lorsque sept individus soupçonnés de préparer une action armée avaient été arrêtés par la DGSI. Contrairement aux attaques dans l’arrière-pays afghan, un attentat en Europe procurerait à l’EI-K une grande visibilité internationale et des retombées financières nécessaires à son développement.
Les réseaux sociaux, nouveaux vecteurs de radicalisation
Les réseaux sociaux, en particulier TikTok, sont devenus un « vecteur incontournable » de la radicalisation selon le contre-terrorisme. Avec près de 20 millions d’utilisateurs en France, TikTok est aujourd’hui un terrain de jeu privilégié pour les djihadistes cherchant à embrigader des mineurs.
« On relève une multiplication des affaires mettant en cause des mineurs pour diffusion de propagande djihadiste et d’appels à la haine sur TikTok », rapporte une note du renseignement. L’algorithme de recommandation favorise le regroupement numérique de très jeunes individus dispersés sur le territoire qui peuvent ensuite former des groupes sur les messageries chiffrées pour projeter une action violente.
Les jeunes sont « attirés initialement par l’ultraviolence et s’inscrivent quasiment tous dans l’héritage idéologique de l’État islamique sans pour autant avoir forcément un socle de connaissances religieuses ». Cette radicalisation peut être fulgurante : certains adolescents changent de religion et se radicalisent en quelques semaines, portés par les « trends » sur les réseaux sociaux.
Un dispositif Vigipirate renforcé
La posture Vigipirate « Été-Automne 2025 » maintient l’accent sur quatre priorités :
- La sécurité des lieux de culte et des établissements d’enseignement
- La sécurité des rassemblements festifs, culturels et religieux
- La sécurité des bâtiments publics et institutionnels ainsi que des transports
- La sécurité du numérique
Le niveau « Urgence attentat » permet de prendre des mesures additionnelles contraignantes comme la fermeture de certaines routes et de transports publics, ou l’arrêt du ramassage scolaire. Chaque ministère assure la déclinaison de ces mesures en prenant en compte ses vulnérabilités propres.
Des moyens antiterroristes considérablement renforcés
Depuis 2017, la France a considérablement renforcé son arsenal antiterroriste. La création en juin 2017 de la Coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme (CNRLT) a marqué une évolution importante. Cette structure coordonne l’action des services de renseignement et pilote l’ensemble des services contribuant à la lutte antiterroriste.
Cinquante-quatre attentats ont été déjoués ces huit dernières années par la DGSI et l’ensemble des services de renseignement. Les moyens humains de la DGSI ont augmenté de 34% depuis 2017, tandis que les moyens budgétaires en investissements et fonctionnement ont doublé, atteignant plus de 100 millions d’euros par an.
Le Parquet national antiterroriste (PNAT), créé en juillet 2019, constitue la pierre de touche du dispositif. Il a traité 53 dossiers et rendu 1 292 décisions en 2021. Actuellement, 295 personnes sont en détention pour des actes de terrorisme, auxquelles s’ajoutent 203 personnes bénéficiant d’un aménagement de peine.
Les commémorations du 13 novembre sous haute surveillance
Les commémorations du 10e anniversaire des attentats du 13 novembre 2015 se déroulent dans ce contexte de vigilance maximale. Plusieurs événements sont prévus à Paris :
- Dès le 8 novembre, les Parisiens sont invités à déposer une bougie, une fleur ou un mot place de la République
- Le 13 novembre, Emmanuel Macron se recueillera sur chacun des lieux visés par les attentats
- Une grande cérémonie aura lieu de 18h à 20h au jardin du souvenir sur la place Saint-Gervais, retransmise sur TF1 et France Télévisions
- Le parcours mémoriel partira du Stade de France et passera devant chaque restaurant et café ciblé, avant le Bataclan


