« J’étais classe moyenne, aujourd’hui je suis devenue pauvre »

« Je ne demande pas la pitié. Je demande à vivre dignement. » Florence a 52 ans, travaille, et s’enfonce malgré tout dans la pauvreté. Sa lettre ouverte dit tout haut ce que vivent des milliers d’invisibles.

« C’est une bien triste misère dans laquelle notre pays plonge aujourd’hui. Tous les concitoyens français sont touchés, sans distinction de classe : la classe moyenne s’appauvrit, et la classe la plus modeste sombre encore davantage.

On parle beaucoup, dans les médias comme sur les réseaux sociaux, de la situation dramatique des jeunes et de nos aînés. Mais on oublie cette tranche d’âge silencieuse, les 40-60 ans, pour laquelle rien n’est fait, car on estime que leur chemin financier, professionnel et familial est tracé. Pourtant, ce n’est évidemment pas le cas pour tout le monde.

A LIRE AUSSI
Shein : le témoignage d’une cliente

Les épreuves de la vie nous ont parfois ralentis, anéantis, ou, pour les plus chanceux, épanouis. Mais aujourd’hui, tout le monde se plaint du même mal : ne plus avoir assez d’argent pour vivre décemment, et c’est un fait. Nous vivons dans un monde gouverné par un pouvoir punitif et autoritaire, qui laisse un goût amer et nous isole les uns des autres. Comment s’en sortir dans un pays où plus rien ne va ?

Quand je regarde en arrière, il y a cinq ans, avec un revenu identique à celui d’aujourd’hui, j’appartenais encore à la classe moyenne. Aujourd’hui, je suis devenue pauvre. Trop “riche” pour bénéficier d’aides alimentaires ou d’aides au paiement de mes factures, mais trop pauvre pour les assumer sans retard, sans agios, sans pénalités.
Chaque mois, je paie entre 5 et 10 % de plus que le montant initial de mes factures — c’est la dégringolade.

Je ne peux plus m’offrir le moindre vêtement neuf, ni le plus petit “extra”. Et comme beaucoup, je ne participe plus à l’économie du pays, alors même que c’est la classe moyenne qui faisait tourner la machine.

On nous parle d’inflation — liée à l’Ukraine, à la Russie, aux marchés financiers… soit. Mais pourquoi les salaires n’augmentent-ils pas aussi vite que les taxes et contributions ? Chaque foyer, chaque citoyen a son lot de problèmes, mais je tiens à témoigner du mien, pour dresser un constat.

J’ai 52 ans, je travaille en restauration, par passion. Je suis à temps partiel, en horaires coupés — cela me convient, mais ce rythme n’est plus celui d’un jeune de 25 ans. Pourtant, malgré cet emploi, je n’ai plus accès à une vie décente. La clientèle, qui auparavant consommait boisson, entrée, plat et dessert, se limite aujourd’hui à un plat direct + carafe d’eau, pour ceux qui peuvent encore s’offrir le restaurant.
Je suis fatiguée de compter, de calculer, de m’inventer des stratagèmes d’économie.

Nous sommes le 5 novembre, je n’ai pas encore allumé le chauffage, et je ne le ferai pas : je n’en ai pas les moyens. Je me chauffe un peu le matin et le soir grâce à un poêle à pétrole, plus économique que le gaz.
Mais comment expliquer une facture de gaz de 8 ou 9 € de consommation… et 65 € de taxes et contributions ? Où est la logique ? Une facture totale de 70 à 80 € pour 9 € de consommation, est-ce raisonnable ? Ou incohérent ?

Alors j’ai décidé de fermer mon compteur de gaz, par économie. On nous fait payer pour ouvrir, pour avoir, et sans doute pour fermer.

Depuis des mois, j’aspire à réduire tout ce que je peux :

  • L’aspirateur ? Une fois par semaine. Le reste du temps, un balai comme nos grands-mères.
  • Les douches ? Remplacées par une toilette au gant : c’est écolo et économique.
  • L’électricité ? Des lampes rechargeables, un seul lampadaire allumé quelques heures par jour.

Et bien sûr, l’alimentation :

  • Le matin : un café, un yaourt, un peu de pain beurré.
  • Le midi : un bol de soupe maison, une biscotte.
  • Le soir : jambon, pâtes, crème, fromage.
    Pas par goût, mais par nécessité.

Malgré ces efforts, les factures continuent d’augmenter. J’ai même pris l’habitude de couper le compteur électrique quand je quitte mon logement. Pourtant, même coupé, je paie encore quelques centimes par heure ! Serait-ce le compteur Linky qui consomme à ma place ?

J’ai aussi trois animaux, compagnons fidèles que je refuse d’abandonner. Ma chienne âgée, malade et dépendante, est encore auprès de moi. Mais je ne pourrais même pas lui offrir une crémation digne si elle venait à partir.

Si je subis encore des augmentations, où qu’elles soient, je ne sais pas ce que je vais devenir. Je ne pourrai peut-être plus payer mon loyer ou mes factures. Je vais bientôt entrer dans une grande précarité, alors que j’ai un emploi et un toit. Y a-t-il une logique à tout cela ? Je ne le pense pas. Je ne peux pas me restreindre davantage.

J’aimerais pouvoir à nouveau participer à la vie du pays, acheter, consommer, faire vivre nos commerçants, soutenir l’économie locale. Mais pour cela, il faut une revalorisation salariale réelle, obligatoire, avec un allègement des cotisations salariales à hauteur de cette revalorisation. Ce serait une bonne chose, une politique plus souple et plus humaine.

Je ne demande pas la pitié. Je demande simplement à pouvoir vivre dignement dans le pays que j’aime. »

Florence, citoyenne de 52 ans



L'Essentiel de l'Éco est un média indépendant. Soutenez-nous en nous ajoutant à vos favoris Google Actualités :

Publiez un commentaire

Publier un commentaire