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Alors que les Français ouvrent de plus en plus tardivement leur plan d’épargne retraite (PER), le gouvernement vient d’adopter une réforme qui entend corriger un déséquilibre structurel. En allongeant de trois à cinq ans la période de report des plafonds fiscaux non utilisés, la mesure vise à mieux intégrer les épargnants aux revenus modestes ou à carrière irrégulière dans un dispositif longtemps centré sur les hauts revenus.
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Un nouveau cadre fiscal pour les versements tardifs
Adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale le 3 novembre dans le cadre du projet de loi de finances pour 2026, l’extension du report des plafonds de déduction fiscale constitue l’un des principaux ajustements du PER depuis sa création en 2019. Jusqu’à présent, un contribuable pouvait reporter les plafonds non utilisés des trois années précédentes pour bénéficier d’une déduction fiscale sur ses versements. Désormais, cette période passe à cinq ans.
Concrètement, un salarié gagnant 40 000 euros annuels et n’ayant ouvert son PER qu’en 2025 pourra mobiliser non seulement son plafond de l’année (4 000 euros, soit 10 % de ses revenus), mais aussi les plafonds de 2024, 2023, 2022 et 2021. Ce qui lui permettra de déduire jusqu’à 20 000 euros s’il réalise un versement équivalent. L’objectif est clair : offrir une possibilité de rattrapage fiscal à celles et ceux qui n’ont pas pu épargner plus tôt.
Un dispositif plus adapté aux parcours de vie réels
Selon les données de la direction générale des finances publiques, l’âge moyen des souscripteurs de PER est désormais de 49 ans. Entre 2019 et 2023, la part des nouveaux titulaires âgés de 40 ans ou plus est passée de 51 % à 60 %. Cette évolution n’est pas anecdotique : elle reflète une réalité socio-économique marquée par des débuts de carrière tardifs, des périodes de chômage, ou des charges familiales importantes qui repoussent la capacité d’épargne.
Pour ces épargnants, souvent issus des classes moyennes et inférieures, l’avantage fiscal lié au PER était jusqu’ici difficilement accessible. La réforme introduit une forme d’équité temporelle, en reconnaissant que l’entrée dans l’épargne retraite ne suit pas toujours une trajectoire linéaire. L’élargissement des délais permet d’activer des droits fiscaux accumulés mais inutilisés, et donc de bénéficier des mêmes conditions que ceux qui ont commencé à épargner plus tôt.
Une ouverture ciblée sans explosion budgétaire
Si la mesure introduit une souplesse bienvenue pour les épargnants tardifs, elle n’est pas sans incidence sur les finances publiques. Selon la Cour des comptes, les produits d’épargne retraite, incluant le PER, représentent un coût fiscal d’environ 1,8 milliard d’euros par an. En augmentant le nombre de plafonds mobilisables sur une même année, le dispositif risque de faire croître à court terme le manque à gagner pour l’État.
Cependant, cette ouverture reste mesurée. Elle ne crée pas de nouveaux droits, mais permet de mobiliser des droits existants, jusque-là non utilisés. Le rapporteur général du budget, Philippe Juvin, a défendu l’amendement comme une mesure de « bon sens », soulignant que la justice fiscale ne peut s’exercer que si elle prend en compte les parcours différenciés des contribuables. L’exécutif, en pleine phase de réduction du déficit public, a préféré cette approche ciblée à un durcissement général du PER.
Une réforme bienvenue
Malgré ses effets positifs pour les souscripteurs retardataires, la réforme n’efface pas toutes les inégalités. Pour bénéficier de la déduction, encore faut-il avoir la capacité de verser plusieurs milliers d’euros en une seule année. Un seuil que les ménages les plus modestes ne pourront pas franchir, même avec une période étendue. Le dispositif reste donc plus accessible aux classes moyennes qu’aux publics précaires.
L’extension du délai constitue un ajustement utile, mais elle ne saurait remplacer une politique plus ambitieuse de démocratisation de l’épargne retraite. D’autres pistes figurent dans le rapport parlementaire Courson-Gérard à l’origine des amendements : amélioration de la lisibilité du PER, obligation de mise en place d’un PER collectif en entreprise, ou encore encadrement par l’âge. Autant de chantiers qui pourraient, à terme, renforcer la dimension sociale du produit.


