IPTV et streaming illégal : la traque s’intensifie

IPTV clandestine et streaming : zoom sur les nouvelles sanctions et les outils de blocage automatisé.

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La répression du piratage audiovisuel prend une nouvelle tournure. En France comme ailleurs en Europe, les États haussent le ton face à un marché clandestin estimé à plusieurs milliards d’euros par an. Finie la tolérance, place à l’arsenal pénal. Fournisseurs illégaux, utilisateurs, plateformes technologiques : tout le monde est désormais dans le viseur.

Le 10 juin, le Sénat a voté un texte créant un nouveau délit : le piratage audiovisuel aggravé. Jusqu’à trois ans de prison et 300 000 euros d’amende pour ceux qui distribuent des services IPTV illégaux. Même la promotion de ces services peut être punie d’un an de prison. Surtout, le texte introduit une responsabilité pour les utilisateurs : celui qui se connecte sciemment à un service pirate pourra être poursuivi pour recel de contrefaçon. En cas de mauvaise foi démontrée, la peine grimpe à cinq ans de prison et 375 000 euros d’amende.

Le blocage en temps réel change la donne

Le texte s’accompagne d’un outil jusque-là inédit : un mécanisme de blocage automatisé et en temps réel des retransmissions pirates. Ce sont désormais les ayants droit – chaînes, ligues sportives – qui peuvent ordonner aux fournisseurs d’accès internet de couper l’accès à un flux pendant qu’il est diffusé. Depuis janvier, plus de 5 000 blocages ont été effectués, soit autant que sur les trois années précédentes réunies. L’Arcom assure la supervision du dispositif.

Le système permet aussi de cibler certains sites via les VPN. Entre juillet et septembre, près de 300 sites ont été bloqués à la demande de Canal+ et beIN Sports, en particulier pendant des événements comme la Formule 1 ou Roland-Garros. L’État espère ainsi refermer l’étau sur les flux illégaux, même ceux qui échappaient aux mesures classiques de censure.

Une économie parallèle à l’échelle industrielle

L’ampleur du phénomène dépasse largement les estimations officielles. Europol évoque un marché de 3 milliards d’euros par an, mais l’opération Kratos, menée à l’été 2024 pendant l’Euro et les JO, a mis au jour un réseau qui générait à lui seul 250 millions d’euros par mois. Cette opération, menée dans 15 pays, a privé 22 millions d’utilisateurs d’accès aux contenus, saisi 2 500 serveurs, fermé 100 noms de domaine, et permis la confiscation de près de 1,7 million d’euros en cryptomonnaie. En France, la facture se monte à 290 millions d’euros pour les ayants droit sportifs, 420 millions pour les caisses publiques.

Le volet cybersécurité est tout aussi préoccupant. Les appareils utilisés – boîtiers IPTV, Fire Stick TV modifiés – sont souvent infectés par des malwares. Certains servent de relais pour des attaques DDoS ou de voleurs de données personnelles. Des plateformes pirates sont même créées par les autorités pour piéger les utilisateurs et collecter leurs informations. Aucun recours n’est possible pour les victimes : ces services étant illégaux, ils n’ouvrent droit à aucune protection.

L’Europe muscle sa réponse

Partout en Europe, les États resserrent les boulons. En Belgique, 115 000 utilisateurs d’IPTV ont été identifiés en septembre. Plus de 3 500 décodeurs saisis. Le pays estime à 650 000 le nombre total d’utilisateurs pour un préjudice de 189 millions d’euros par an. Les peines peuvent atteindre 800 000 euros d’amende et cinq ans de prison.

L’Italie a mis en place un système de blocage en temps réel, le Piracy Shield. En mai, plus de 2 000 utilisateurs ont écopé d’une amende forfaitaire de 154 euros. Les récidivistes risquent jusqu’à 5 000 euros. Les autorités italiennes envisagent même de publier le nom des contrevenants. En Grèce, un revendeur a été condamné à huit ans de prison. La législation prévoit jusqu’à 5 000 euros d’amende pour les utilisateurs.

Kratos a prouvé l’efficacité d’une coordination européenne : traçage des flux, perquisitions simultanées, plateformes-pièges, saisie de cryptoactifs. L’opération a mis en lumière l’ampleur du piratage et la nécessité d’une réponse commune.

Les géants de la tech sous pression

Les plateformes technologiques sont elles aussi dans le collimateur. Amazon est particulièrement visé : 60 % des flux piratés au Royaume-Uni passeraient par son Fire Stick. Pour répondre, le groupe a lancé un nouveau système d’exploitation fermé, Vega OS, qui empêche l’installation d’applications non officielles. Il équipe déjà certains modèles, mais les millions de Fire Stick existants restent modifiables.

Google et Microsoft ne sont pas épargnés. Leurs technologies de protection – Widevine et PlayReady – n’ont pas été mises à jour en profondeur depuis vingt ans. Résultat : les pirates peuvent capter des flux en haute qualité sans grande difficulté. Face à ce paysage fragmenté, la France pousse pour une harmonisation des règles à l’échelle européenne : retrait des contenus en moins de 30 minutes, blocage IP coordonné, adoption du modèle français dans les autres États membres.



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