Île d’Oléron : des éléments typiques des attentats islamistes récents

Voiture-bélier, bouteilles de gaz, cri religieux : les éléments de l’attaque à Oléron interrogent sur les motivations réelles du suspect.

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Un homme a foncé avec son véhicule sur plusieurs personnes à Saint-Pierre-d’Oléron, ce mercredi 5 novembre. L’attaque, qui a blessé au moins dix personnes, présente plusieurs caractéristiques des attentats djihadistes récents. Pourtant, à ce stade, la justice ne retient pas la qualification terroriste. L’enquête devra déterminer les motivations réelles du suspect.

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Une attaque à la voiture-bélier

Un homme de 35 ans a percuté volontairement plusieurs piétons et cyclistes à Saint-Pierre-d’Oléron, sur l’île du même nom, en Charente-Maritime. Le bilan, encore provisoire, fait état de 10 à 13 blessés, dont quatre en urgence absolue. L’individu a été interpellé peu après les faits, alors qu’il aurait tenté de mettre le feu à son véhicule, dans lequel des bouteilles de gaz ont été retrouvées. Il a été entendu en garde à vue.
Au moment de son arrestation, l’homme aurait crié « Allah Akbar », une invocation religieuse régulièrement entendue dans des attentats islamistes. Ce cri, associé à l’usage du véhicule comme arme et à la tentative d’incendie, constitue une combinaison qui évoque fortement des modes opératoires utilisés dans plusieurs attaques djihadistes en Europe.

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Le recours à la voiture-bélier s’est imposé comme une méthode d’attaque privilégiée par les groupes jihadistes à partir de 2016, notamment après l’attentat de Nice, où un camion avait été utilisé pour tuer 86 personnes. L’État islamique a largement diffusé cette stratégie dans ses messages de propagande, la présentant comme facilement accessible à tout individu isolé.

Dans le cas d’Oléron, l’usage du véhicule comme arme, la tentative d’incendie du véhicule, et le cri religieux lancent un signal d’alerte. Ces marqueurs rappellent ceux observés lors d’autres attaques revendiquées par des individus radicalisés. Le fait d’avoir tenté d’incendier le véhicule, à l’aide de bouteilles de gaz, pourrait correspondre à une volonté d’effacement des preuves ou à une tentative de suicide, même si les circonstances restent encore à préciser.

Un suspect sans antécédents de radicalisation

Malgré ces indices, les autorités ne retiennent pas, pour l’instant, la qualification d’acte terroriste. Le suspect n’est pas connu des services antiterroristes, n’est pas fiché S, et ne figure pas dans les fichiers de prévention de la radicalisation. Il est en revanche connu pour des faits de délinquance mineure, notamment des vols.

Selon les critères retenus par les services de renseignement, un individu radicalisé présente généralement plusieurs signes : rupture avec son environnement, transformation du mode de vie, consommation de contenus jihadistes, isolement social. Aucun de ces éléments n’a été établi à ce stade de l’enquête. Le procureur de La Rochelle évoque un profil qui ne correspond pas au schéma typique du terroriste idéologique.

Des premières déclarations locales ont fait état d’un acte « volontaire » et « en pleine conscience ». Mais cette affirmation ne permet pas d’écarter d’emblée une crise psychiatrique aiguë, un épisode psychotique ou des troubles non diagnostiqués. Le suspect devra faire l’objet d’expertises médicales.

Terrorisme, crise psychique ou acte isolé : les trois scénarios envisagés

L’enquête devra départager trois hypothèses. La première est celle d’un attentat inspiré par une idéologie jihadiste. Dans ce cas, l’homme aurait pu être radicalisé sans laisser de traces dans les fichiers, en s’inspirant des modèles de Nice ou Berlin. Son acte serait alors une réplique d’un schéma idéologique.

La seconde piste est celle d’une crise psychiatrique ou d’un épisode psychotique. Le cri religieux pourrait alors relever d’un délire ou d’une confusion mentale. Le passage à l’acte serait le fruit d’un effondrement psychologique plutôt que d’un engagement idéologique.

La troisième hypothèse envisage un mobile personnel ou mixte, sans lien avec une idéologie radicale. Le cri religieux pourrait n’être qu’une reprise de codes médiatisés, sans conviction réelle, dans le but de donner une dimension spectaculaire à un acte violent d’origine personnelle.

Une qualification juridique encore incertaine

Le parquet national antiterroriste (PNAT) n’a pas été saisi. Cette décision s’explique par la rigueur exigée en droit français : pour qualifier une infraction de terroriste, il faut établir une motivation idéologique claire, un objectif politique, religieux ou social, et une volonté de semer la terreur au nom d’une cause.

Or, si le mode opératoire évoque des attaques islamistes, aucun élément matériel ne permet, pour l’instant, d’attester de cette intention. Le cri « Allah Akbar » ne constitue pas une preuve en soi : il a déjà été entendu dans des contextes sans lien avec le terrorisme, y compris chez des individus atteints de troubles psychiatriques.

Les enquêteurs devront vérifier si le suspect a consulté des contenus radicaux, échangé des messages à caractère idéologique, ou exprimé une adhésion à une idéologie jihadiste. Seuls ces éléments pourraient justifier une requalification de l’enquête en acte terroriste.

Une réaction rapide des autorités locales et nationales

Le ministre de l’Intérieur Laurent Nuñez s’est rendu sur place dès le mercredi, à la demande du Premier ministre. Les établissements scolaires de Saint-Pierre-d’Oléron ont été temporairement confinés, une cellule de crise et une cellule psychologique ont été mises en place.

Les maires de Saint-Pierre et de Dolus-d’Oléron ont tous deux insisté sur le caractère délibéré de l’acte. Les autorités locales ont activé les dispositifs de gestion de crise, comme en cas d’attaque majeure.

Une île peu habituée à ce type d’événements

Avec environ 22 000 à 23 000 habitants permanents, l’île d’Oléron connaît une forte affluence touristique, notamment en été. Saint-Pierre-d’Oléron en est la principale ville, avec plus de 6 600 habitants. En période estivale, la sécurité est renforcée par l’arrivée de gendarmes supplémentaires. En dehors de cette période, la présence policière y est plus réduite.

Cet acte violent, survenu en dehors de la haute saison, intervient dans un territoire peu exposé jusqu’ici aux problématiques de violence idéologique ou extrémiste. Il a donc eu un effet de sidération local, renforcé par le flou entourant ses motivations.

La section de recherche de Poitiers, ainsi que les brigades de Rochefort et La Rochelle, sont chargées de l’enquête pour tentative d’assassinat. Les investigations devront répondre à plusieurs questions précises : le suspect a-t-il consulté ou partagé des contenus jihadistes ? A-t-il préparé son acte ? A-t-il laissé des traces numériques ou écrites de motivation idéologique ? Son état psychologique a-t-il joué un rôle déterminant ?

Tant que ces éléments ne sont pas établis, la prudence judiciaire s’impose. C’est pourquoi le parquet ne retient pas, pour l’instant, la qualification terroriste. Cette approche permet de ne pas confondre des indices suggestifs avec des preuves établies.



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