Qui est vraiment Zohran Mamdani, le futur maire socialiste de New York ?

Trump le traite de danger, d'autres le voient comme l’avenir : qui est vraiment Zohran Mamdani, l’homme qui secoue l’Amérique ?

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Ce 4 novembre 2025, Zohran Mamdani pourrait devenir le premier maire musulman, sud-asiatique et socialiste de New York. Une victoire qui bouleverserait l’histoire politique de la plus grande ville des États-Unis, mais qui inquiète au-delà des frontières new-yorkaises. À 34 ans, cet élu du Queens incarne une rupture générationnelle, idéologique et identitaire qui secoue le paysage politique américain. Pour Donald Trump, il est un « danger pour l’Amérique ». Pour une partie du Parti démocrate, il est un problème embarrassant. Pour des millions d’électeurs, il est porteur d’un espoir rare.

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Une campagne éclair qui a bousculé tous les équilibres

Lorsque Mamdani a annoncé sa candidature à la mairie de New York en octobre 2024, peu d’observateurs prenaient sa démarche au sérieux. Face à l’ex-gouverneur Andrew Cuomo, soutenu par des figures comme Michael Bloomberg et Bill Ackman, sa victoire relevait de la fiction. Moins d’un an plus tard, il domine les sondages avec 43 % des intentions de vote, contre 33 % pour Cuomo, désormais indépendant, et 14 % pour le républicain Curtis Sliwa.

Sa victoire lors de la primaire démocrate, le 24 juin 2025, avec 56,4 % des voix, a surpris l’establishment local et national. Le vote anticipé bat des records : plus de 735 000 bulletins ont déjà été déposés, soit cinq fois plus qu’en 2021. Le camp Mamdani vise deux millions de votants, un seuil inégalé depuis 1965.

Un itinéraire entre trois continents

Né à Kampala, en Ouganda, en 1991, Zohran Mamdani est le fils de la réalisatrice indo-américaine Mira Nair et de l’universitaire ougandais Mahmood Mamdani. À cinq ans, il quitte l’Afrique pour Le Cap, puis s’installe à New York en 1998. Il grandit à Manhattan, fréquente le Bronx High School of Science, puis obtient un diplôme en Africana Studies au Bowdoin College dans le Maine.

Son parcours personnel, marqué par une éducation diasporique et intellectuelle, forge une vision politique traversée par les questions d’identité, de justice postcoloniale et de responsabilité sociale. En 2018, il obtient la nationalité américaine, sans renoncer à sa nationalité ougandaise. Il se dit autant New-Yorkais que « desi », terme utilisé pour désigner les Sud-Asiatiques de la diaspora.

Du rap militant à l’activisme local

Avant la politique, Mamdani se fait connaître dans la scène hip-hop new-yorkaise sous les noms de Young Cardamom et Mr. Cardamom. Il y mêle anglais, ourdou et luganda, explorant les thèmes de la migration et de l’identité diasporique. Il collabore notamment avec le chanteur pakistano-américain Ali Sethi.

En parallèle, il travaille comme conseiller en logement dans le Queens, assistant des locataires menacés d’expulsion. Ce contact direct avec les difficultés de terrain alimente sa volonté d’un changement structurel. En 2020, à 29 ans, il remporte sa première élection dans le 36e district de l’Assemblée de l’État de New York, en battant une démocrate sortante en poste depuis dix ans. Réélu sans opposition en 2022 et 2024, il fait adopter un projet pilote de bus gratuits dans cinq lignes du Queens.

Entre février et juin 2025, Mamdani orchestre une campagne d’une efficacité redoutable. Son équipe mobilise jusqu’à 100 000 bénévoles qui mènent plusieurs vagues de porte-à-porte dans toute la ville. Sa stratégie numérique repose sur une approche ultra-ciblée : utilisation intensive de TikTok, vidéos virales sur Instagram, chatbots automatisés via ManyChat.

Cette stratégie low cost génère plus de 77 000 messages et 3 000 adresses e-mail pour un coût inférieur à 320 dollars. Son succès repose sur une double dynamique : une campagne de terrain massive et un usage habile des plateformes numériques pour capter une jeunesse habituellement peu mobilisée.

Un programme économique en rupture

Le cœur du programme de Mamdani est centré sur l’accessibilité financière dans une ville devenue hors de portée pour la classe moyenne. Il propose un gel des loyers pour les un million d’appartements à loyer stabilisé, financé en partie par une refonte du Rent Guidelines Board.

Il promet des bus gratuits dans toute la ville (900 millions de dollars annuels), financés par une taxe sur les entreprises et les très hauts revenus. Il défend également une garde d’enfants gratuite pour tous les enfants de six semaines à cinq ans, pour un coût de 9,6 milliards de dollars par an.

Il ajoute des propositions comme la construction de 200 000 logements sociaux en dix ans, la création d’épiceries municipales, ou l’augmentation du salaire minimum à 30 dollars de l’heure d’ici 2030. Ses détracteurs jugent ce programme irréaliste, mais son financement repose sur une base populaire large : 90 % de ses 16,8 millions de dollars de dons proviennent de contributions inférieures à 250 dollars.

Un défi pour les démocrates centristes

La victoire de Mamdani fragilise les équilibres internes du Parti démocrate. Le chef de la minorité démocrate à la Chambre, Hakeem Jeffries, a mis des mois à apporter son soutien, tout en précisant qu’il ne voyait pas Mamdani comme « l’avenir du parti ». Des élus démocrates modérés, comme Laura Gillen ou Tom Suozzi, dénoncent une dérive idéologique, accusant Mamdani d’affaiblir les chances démocrates au Congrès en 2026.

L’inquiétude gagne aussi les sphères économiques. D’anciens responsables municipaux alertent sur les contraintes budgétaires du programme. Kathy Hochul, gouverneure de l’État, s’oppose à de nouvelles hausses d’impôts. La possibilité d’un blocage entre la mairie et Albany est réelle.

Pour Donald Trump, Mamdani est une cible privilégiée. Le président multiplie les attaques personnelles, le qualifiant de « fou communiste à 100 % » et suggérant qu’il pourrait être « illégalement » présent sur le sol américain. Marjorie Taylor Greene publie une image de la Statue de la Liberté voilée, tandis que Curtis Sliwa l’accuse de soutenir le « jihad islamique ».

Ces attaques ont culminé lorsqu’un animateur conservateur a insinué que Mamdani « célébrerait » un nouvel attentat du 11 septembre, sans être contredit par Andrew Cuomo. Face à cette dérive, Mamdani décide de répondre publiquement.

Assumer une identité musulmane

Le 24 octobre, Mamdani prononce un discours devant une mosquée du Bronx. Il évoque les humiliations quotidiennes subies par les musulmans new-yorkais depuis le 11-Septembre : interrogatoires arbitraires, stigmatisation, agressions.

« Être musulman à New York, c’est connaître l’indignité », déclare-t-il, avant d’ajouter : « Ce qui nous distingue, ce n’est pas l’humiliation, c’est la façon dont nous la transformons en engagement ». Ce discours marque un tournant dans sa campagne. Il renforce sa base tout en élargissant son soutien dans les quartiers musulmans de Brooklyn et du Queens.

Une position clivante sur Israël et la Palestine

Mamdani est membre des Democratic Socialists of America et soutien actif du mouvement BDS. Il accuse Israël de mener un « génocide » à Gaza depuis octobre 2023. Sa promesse de faire arrêter Benjamin Netanyahu s’il venait à New York, en s’appuyant sur un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale, a suscité une vive polémique.

Dans une ville abritant la plus grande population juive au monde après Tel-Aviv, cette position pourrait lui être fatale. Pourtant, il conserve un soutien solide dans les milieux juifs progressistes. Il multiplie les visites dans des synagogues libérales et dialogue avec des leaders communautaires. Il partage, avec son père universitaire, une vision inspirée de l’Afrique du Sud post-apartheid : un État binational laïc et démocratique.

Un enjeu national pour les progressistes américains

Bernie Sanders, Alexandria Ocasio-Cortez et d’autres figures de la gauche soutiennent activement Mamdani. Le 1er novembre, Barack Obama lui téléphone pour lui offrir son appui personnel, signe d’une normalisation en cours au sein du Parti démocrate.

Le scrutin est devenu un test national. Trip Yang, stratège politique, parle du « plus grand bouleversement électoral depuis une génération ». Bhaskar Sunkara, fondateur du magazine Jacobin, voit en Mamdani « la preuve qu’un socialisme pragmatique peut devenir majoritaire, même dans le cœur du capitalisme ».

La ville laboratoire d’une autre Amérique

La question centrale dépasse désormais les intentions de vote : Zohran Mamdani peut-il gouverner New York avec un programme de rupture ? La ville gère un budget annuel de 115 milliards de dollars, emploie plus de 300 000 personnes, et abrite la plus grande force de police du pays. La gouvernance d’un maire socialiste, sans majorité garantie au conseil municipal, reste une inconnue.

Plus largement, Mamdani incarne une génération qui rejette à la fois le populisme réactionnaire et le centrisme technocratique. Son slogan, New York is not for sale, cristallise cette confrontation entre deux visions de la démocratie : l’une basée sur le compromis et la modération, l’autre sur l’engagement idéologique et la mobilisation populaire.



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