Un maire socialiste et musulman : New York humilie Trump

Trump le traite de danger, d'autres le voient comme l’avenir : qui est vraiment Zohran Mamdani, l’homme qui secoue l’Amérique ?

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Le 4 novembre 2025, les électeurs de New York ont choisi un maire qui ne ressemble à aucun de ses prédécesseurs. À 34 ans, Zohran Mamdani devient le premier maire musulman, sud-asiatique et socialiste de la ville. Une élection qui fait date, dans une Amérique déchirée entre conservatisme agressif et réinvention progressiste.

Lorsqu’il se lance en octobre 2024, personne ne parie sur lui. Face à Andrew Cuomo, poids lourd démocrate soutenu par Michael Bloomberg et Bill Ackman, sa candidature paraît symbolique. Elle devient centrale en moins d’un an. En juin 2025, il terrasse Cuomo à la primaire avec 56,4 % des voix. En novembre, il l’emporte avec 50,4 % des suffrages, loin devant le républicain Curtis Sliwa. Une mobilisation record, deux millions de votants, du jamais-vu depuis 1969.

Une campagne chirurgicale

Mamdani a mené une campagne à bas coût mais d’une redoutable efficacité. Une armée de 100 000 bénévoles sillonne la ville. Sur les réseaux, la stratégie est maîtrisée : TikTok, vidéos virales, chatbots, ciblage démographique précis. Moins de 320 dollars pour générer 77 000 messages et 3 000 adresses mails. Résultat : un ancrage dans les quartiers populaires, une percée dans les bastions centristes.

Son parcours personnel a contribué à l’effet de levier. Né en 1991 à Kampala, fils de la cinéaste Mira Nair et de l’intellectuel Mahmood Mamdani, il arrive à New York à 7 ans. Bronx Science High School, Bowdoin College, engagement dans le hip-hop militant, puis dans le logement social dans le Queens : une trajectoire diasporique et politique. En 2020, il entre à l’Assemblée de l’État de New York en battant une sortante démocrate, puis se fait réélire sans opposition. Il y lance un projet pilote de bus gratuits, préfiguration de son programme municipal.

Un programme de rupture assumé

Mamdani ne promet pas des ajustements : il propose un renversement de logique. Gel des loyers sur un million d’appartements. Bus gratuits, financés par une taxe sur les très hauts revenus. Garde d’enfants universelle, 200 000 logements sociaux, épiceries municipales, salaire minimum à 30 dollars de l’heure d’ici 2030. Un programme radical, financé en partie par une base populaire : 90 % de ses 16,8 millions de dollars de dons proviennent de contributions inférieures à 250 dollars.

Mais ce programme inquiète. L’aile centriste du Parti démocrate reste méfiante. Hakeem Jeffries a mis des mois à se positionner. Des élus comme Laura Gillen ou Tom Suozzi dénoncent une dérive idéologique. À Albany, Kathy Hochul s’oppose à toute hausse d’impôt. Or, la fiscalité new-yorkaise dépend largement de l’État. La confrontation semble inévitable.

Cible politique et religieuse

L’ascension de Mamdani a déclenché une vague d’attaques violentes. Trump l’a traité de « fou communiste », l’a présenté comme un danger pour l’Amérique et a menacé de couper les fonds fédéraux à New York. Marjorie Taylor Greene a diffusé une image de la Statue de la Liberté voilée. Curtis Sliwa l’a accusé de soutenir le « jihad islamique ». Cuomo a laissé diffuser une vidéo générée par IA montrant un homme noir en tenue islamique commettant des crimes.

Face à cette campagne ciblée, Mamdani a choisi de répondre. Le 24 octobre, dans une mosquée du Bronx, il évoque les humiliations vécues par les musulmans new-yorkais depuis 2001. « Ce qui nous distingue, ce n’est pas l’humiliation, c’est la façon dont nous la transformons en engagement », affirme-t-il. Ce discours devient un point d’inflexion : il solidifie sa base et élargit son soutien dans les quartiers musulmans du Queens et de Brooklyn.

Son positionnement sur Israël et la Palestine est aussi un facteur de tension. Membre des Democratic Socialists of America, soutien du mouvement BDS, il accuse Israël de mener un « génocide à Gaza » depuis octobre 2023. Il promet même l’arrestation de Netanyahu s’il vient à New York. Malgré cela, il conserve un soutien dans certains cercles juifs progressistes, notamment via un dialogue régulier avec des synagogues libérales.

Un laboratoire politique à grande échelle

Pour la gauche américaine, Mamdani est devenu un symbole. Alexandria Ocasio-Cortez, Bernie Sanders, Bhaskar Sunkara ont fait campagne à ses côtés. Même Barack Obama l’a appelé personnellement quelques jours avant le scrutin. Le politologue Trip Yang parle du « plus grand bouleversement électoral depuis une génération ».

Le soir de sa victoire, au Paramount Theater de Brooklyn, Mamdani affirme : « Mes amis, nous avons renversé une dynastie politique. » Il s’adresse ensuite à Trump : « New York restera une ville d’immigrants. Pour atteindre l’un d’entre nous, vous devrez passer à travers nous tous. » Il promet de lutter contre l’antisémitisme comme contre l’exclusion, et de construire une ville plus juste, pour tous.

Mais la question reste entière : peut-il gouverner avec un tel programme, dans une ville aussi complexe ? New York, c’est 115 milliards de budget, 300 000 employés municipaux, la plus grande force de police du pays. Mamdani n’a pas de majorité garantie au conseil municipal. L’euphorie électorale va vite laisser place aux équilibres de pouvoir.



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