Les Enfants du Rock : quand la télé publique osait tout

France 4 rediffuse La Génération des Enfants du Rock, un documentaire qui retrace l’impact culturel d’une émission phare des années 80 sur la jeunesse française.

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Lundi 3 novembre à 21h05, France 4 rediffuse La Génération des Enfants du Rock, un documentaire réalisé par Stéphane Bergouhnioux. Diffusé une première fois début 2024, il revient sur une émission emblématique des années 80. Un objet télévisuel singulier, à la fois produit d’une époque et déclencheur de mutations durables.

L’angle : comprendre comment Les Enfants du Rock, émission diffusée sur Antenne 2 entre 1982 et 1988, a capté les transformations sociales, musicales et médiatiques à l’œuvre dans la jeunesse française. L’approche est documentaire, mais le propos va au-delà du simple récit : il interroge un moment de basculement.

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Une télévision publique qui prend le risque de parler autrement

Créée par Pierre Lescure en janvier 1982, l’émission tranche d’entrée avec les formats existants. Programmée en deuxième partie de soirée, elle vise un public que la télévision ignore largement : les jeunes. La forme est neuve, rapide, visuelle. L’identité graphique conçue par Étienne Robial s’impose immédiatement. Le choix des génériques, de Herbie Hancock à The Cure, affirme une orientation musicale tranchée. Mais c’est surtout la structure éditoriale qui fait rupture : une succession de séquences autonomes – Houba Houba, Haute Tension, Sex Machine, Rockline – portées par des journalistes jeunes et impliqués. La télévision ne commente plus la culture : elle en devient actrice.

Rien de cela ne serait possible sans l’élection de François Mitterrand en 1981 et la libéralisation rapide de l’espace audiovisuel. Jack Lang à la Culture, le développement des radios libres, la hausse des budgets, la fin du monopole d’État sur la radiodiffusion : les conditions sont réunies. Les Enfants du Rock naît dans ce climat d’ouverture. Elle en profite, mais participe aussi à l’élargissement du champ culturel.

Une génération qui ne veut plus choisir

L’émission accompagne une jeunesse qui refuse les étiquettes. Rock, punk, funk, variété, new wave : les genres coexistent, se croisent, se contaminent. Les Enfants du Rock ne hiérarchise pas. Elle capte une hybridation en cours, et l’amplifie. La scène française explose : Téléphone, Indochine, Trust, Rita Mitsouko, Bijou, Négresses Vertes. Le rock n’est plus un simple courant musical. Il devient une manière d’être. Et l’émission, un espace où cette posture trouve à s’exprimer.

Entre 1982 et 1985, l’émission s’installe comme un rendez-vous incontournable. Elle accueille les grandes figures de la scène internationale – Bowie, Madonna, Prince, U2, Depeche Mode. Près de 280 numéros sont produits. Mais à partir de 1986, le contexte évolue. L’arrivée de chaînes musicales privées, TV6 puis M6, change la donne. Les maisons de disques imposent des droits pour la diffusion des clips. La production devient plus lourde, l’innovation plus risquée. L’émission cherche de nouveaux formats – Rock Report, Rock N’Roll Graffiti – sans retrouver sa dynamique initiale. Elle s’arrête en 1988, avec une dernière spéciale diffusée en 1989.

Une matrice pour la télévision des années 90

L’influence ne s’arrête pas avec la dernière émission. En 1984, Pierre Lescure prend la tête de Canal+. Il embarque avec lui plusieurs talents passés par Les Enfants du Rock : Antoine de Caunes, Alain Chabat, Philippe Gildas. Ce noyau donnera naissance à une autre forme de télévision – plus libre, plus inventive, plus transversale. En 1987, Nulle Part Ailleurs pousse plus loin les principes expérimentés sur Antenne 2. Dans la presse musicale, Philippe Manœuvre prolonge le travail éditorial dans Rock & Folk. Le lien est direct.

Le documentaire de Stéphane Bergouhnioux revient sur cette trajectoire sans fétichisme. Il situe l’émission dans un contexte large : apparition du walkman, premiers jeux vidéo, CD audio, transformation de la presse culturelle. Il montre comment une émission musicale a pu devenir un espace de représentation sociale, un laboratoire visuel, un lieu d’expérimentation journalistique. Et surtout, il rappelle que la télévision publique a été, un temps, capable de porter ce type de projet.



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