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La Bretagne veut peser dans la transition énergétique. Et elle a choisi l’hydrogène renouvelable comme levier. Objectif affiché : devenir l’un des territoires pionniers en France, avec une stratégie régionale claire, des projets concrets et un écosystème qui se structure rapidement. À l’horizon 2050, la région vise une intégration de l’hydrogène dans les mobilités, les ports, l’industrie et les réseaux énergétiques.
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La chute d’un mythe breton
Le plan breton se décline en trois temps : une phase d’amorçage d’ici 2025, une phase de consolidation jusqu’en 2030, puis une généralisation à long terme. L’enjeu est triple : réduire les émissions, sortir des carburants fossiles et mieux valoriser les énergies renouvelables locales. La région parie sur un modèle décentralisé, calé sur ses villes moyennes.
Concrètement, six boucles locales de production sont déjà en place. Chacune génère au moins 200 kg d’hydrogène par jour, de quoi alimenter environ 400 véhicules en 2025, pour une économie annuelle estimée à 8 000 tonnes de CO₂. Une approche pragmatique, mais encore modeste au regard des ambitions affichées.
Lhyfe : de la startup au moteur industriel
Le site de Lhyfe à Buléon (Morbihan), mis en service fin 2023, incarne l’industrialisation du secteur. Capacité : deux tonnes par jour. Il alimente déjà Lorient Agglomération et s’inscrit dans une montée en puissance plus large.
Lhyfe, née à Nantes, affiche une croissance rapide. Son chiffre d’affaires a quadruplé entre 2023 et 2024, à 5,1 millions d’euros, dont 4,6 millions au premier semestre 2025. L’entreprise vise 10 millions cette année. Elle a obtenu la certification européenne RFNBO pour quatre sites, dont celui de Buléon, et vient d’inaugurer sa première implantation allemande. Ambition à 2030 : 3 GW de capacité installée, et 100 millions d’euros de revenus. Une trajectoire à suivre, mais encore dépendante des aides publiques.
Un écosystème en expansion rapide
Derrière Lhyfe, l’écosystème breton grossit. À l’initiative de Bretagne Développement Innovation (BDI), 180 acteurs sont aujourd’hui mobilisés : 120 entreprises, 12 collectivités, 20 laboratoires, 28 structures d’accompagnement. Douze détiennent déjà des brevets.
Côté financements, 23 millions d’euros ont été engagés pour les premières boucles locales. Dix millions supplémentaires, via les fonds européens Feder, soutiennent l’innovation. Les usages se diversifient : transports, logistique agroalimentaire, stockage, hydrogène offshore. Une dynamique intéressante, mais encore à l’équilibre fragile.
VHyGO : la logique du collectif
La Bretagne avance aussi en coopération avec la Normandie et les Pays de la Loire via le projet VHyGO (Vallée Hydrogène Grand Ouest). Sélectionné par l’ADEME en octobre 2025, ce programme réunit 10 partenaires pour une première phase dotée de 38 millions d’euros, dont 14 millions d’argent public. L’ambition : un maillage territorial où chaque collectivité ou entreprise se situerait à moins de 100 km d’un site de production, avec un prix cible de 8 €/kg à la pompe. Mutualisation des infrastructures, développement de stations, commandes groupées : la méthode est claire, reste à voir si elle tiendra la distance.
H2X-Ecosystems : l’usine Bigard en démonstrateur
À Quimperlé, la PME H2X-Ecosystems joue le rôle d’intégrateur industriel. Elle a conçu avec le groupe Bigard un démonstrateur complet : électrolyse, stockage sécurisé, pile à combustible de 500 kW. L’usine peut ainsi réduire ses pics de consommation et gagner en autonomie énergétique. Un modèle reproductible, selon ses promoteurs.
H2X forme aussi les professionnels du secteur, pour le compte d’AFNOR Compétences. Trois modules certifiés sont proposés, sur les aspects techniques, économiques et réglementaires. Un effort de formation encore trop rare dans le paysage français.
Hydrogène maritime : la Bretagne en éclaireur
La Bretagne entend jouer un rôle de premier plan sur l’hydrogène maritime. Dix navires pilotes devraient être mis à l’eau d’ici 2030, sur des usages allant de la desserte inter-îles à la pêche côtière.
Le projet Hylias, pour la liaison Vannes–Île d’Arz, est l’un des plus avancés. D’autres initiatives ciblent le rétrofit de chalutiers (PilotHy) ou l’électrification de barges mytilicoles (ESTEBAM), avec un potentiel de 60 engins.
Objectif final : une tonne d’hydrogène consommée par jour, et 15 000 tonnes de CO₂ évitées par an. Aucun autre territoire français ne présente à ce jour un éventail aussi large de cas d’usage maritime.
Lorient en pointe sur la mobilité terrestre
Côté transports terrestres, Lorient a mis en service sa station hydrogène en juillet 2025. Elle alimente une flotte de 19 bus Iveco, livrés progressivement jusqu’en 2027. Ces bus affichent 450 km d’autonomie, avec une consommation inférieure de 15 à 20 % à la moyenne actuelle.
La station mise sur la simplicité : recharge nocturne sans compresseur, sans refroidissement actif, et un plein en moins de 4 heures. Ce choix réduit les coûts, tout en répondant aux besoins événementiels.
À Brest, la startup EHM développe un moteur hydrogène 5 temps pour autocars rétrofités. Les premiers véhicules doivent entrer en service dès 2025. Veolia travaille avec EHM sur l’adaptation de cette technologie à ses camions de collecte de déchets. Un marché estimé à 15 000 à 20 000 véhicules d’ici 2035.
Former les compétences, structurer la recherche
L’Université Bretagne-Sud (UBS) se positionne comme un acteur de formation et de recherche. Elle propose déjà une licence pro en maîtrise de l’énergie, des masters intégrant l’hydrogène, et des formations continues.
Côté recherche, elle coordonne les travaux sur l’hydrogène marin avec l’Institut IRDL. Objectif : répondre à la montée en puissance des besoins métiers, des techniciens aux ingénieurs de maintenance.


