Le Puy-en-Velay (Haute-Loire) : Le Chamarlenc
Il ne s’agit pas ici d’un restaurant récent, mais d’une institution qui a été récemment reprise l’an dernier par un jeune couple déjà bien installé dans le monde de la gastronomie, Yoan Delorme en cuisine et sa compagne Cellia Baudelier en salle. Yoan était sous-chef à la Mirande, étoilé en Avignon, et la taille humaine de la ville lui a plu, tout comme le bâtiment historique où se trouve le restaurant en plein coeur de ville. La cuisine est résolument contemporaine, le décor a été revisité, et la carte des vins reflète l’origine du chef avec de nombreux crus en provenance de la Loire.
Les plats sont un mélange d’influence provençale et auvergnate, le mot qui revient dans les critiques gastronomiques est « précision ». Une belle réussite pour un chef né en 1997. Nul doute que le couple a plus d’énergie qu’il n’en faut pour aller plus loin, car l’inventivité du chef est loin d’être épuisée. Il a su très tôt que là était sa voie, et l’étoile était quelque part dans sa tête de jeune chef qui déploie une cuisine personnelle et séduisante.
https://www.restaurantlechamarlenc.com/
Paris (3è) : Datil by Manon
À peine né, tout de suite récompensé. C’est dire la qualité et l’originalité de la cuisine développée par Manon Fleury et son équipe depuis l’ouverture du Datil en septembre dernier dans le Haut-Maraît à Paris. Manon ne manie pas le fleuret, mais le sabre. Au sens propre, puisqu’elle fut championne de France junior dans cette discipline. Cette Bourguignonne née à Dijon en 1991 fait un an d’hypokhâgne avant de s’orienter vers la cuisine. On la retrouve à l’école Ferrandi, en stage chez des grands de la gastronomie.
Un petit tour via New York et la Grèce, elle revient à Paris où elle prend la tête de la cuisine du Mermoz en 2018. Dès le début, Manon Fleury se signale par ses convictions écologiques qui se déclinent en cuisine par la lutte contre le gaspillage, le souci des circuits courts, et se fait remarquer par son approche culinaire. L’idée d’ouvrir son propre restaurant germe rapidement, mais le Covid est là. Ses convictions l’amènent à créer une association de cheffes qui agit sur le sujet des violences sexistes en cuisine. Quelques expériences plus tard, cette jeune cheffe qui n’a pas de mal à trouver de poste finit par ouvrir son restaurant.
Fidèle à ses convictions, elle choisit d’embaucher des femmes en priorité sur les postes à responsabilité. Mais, tous ces éléments ne devraient pas cacher l’essentiel en matière d’étoile, soit la cuisine. Le végétal est à l’honneur au Datil, fruits et légumes quasiment à égalité, ainsi que les céréales auxquelles la cheffe a consacré un livre. Les protéines sont présentes, mais de façon plus modeste. Manon Fleury choisit ses producteurs et maraîchers avec soin, le respect de la nature est le fil conducteur de sa cuisine, et son travail sur la céréale, souvent délaissée, est une des particularités de son offre gastronomique.
https://www.datil-restaurant.fr/
Paris (11è) : Géosmine
La terre mouillée ou fraîchement retournée émet une odeur particulière, la géosmine. Voici qui en dit long sur les envies du chef Maxime Bouttier. L’homme a eu un parcours bien à lui, car peu nombreux sont les chefs pâtissiers à devenir chefs tout court. Mais ses recettes de fin de repas sont en totale continuité avec ce qui précède et utilisent fréquemment le végétal.
Il s’est aussi fait remarquer par le fait qu’il a concocté un plat à base de… mamelle. Bizarre ? Pas vraiment si vous êtes originaire de la Sarthe comme lui, où la mamelle faisant partie des abats. Cela a excité son envie de parvenir à rendre gastronomique cet ingrédient peu affriolant. Et, il y est arrivé ! Avec une crème au foin, du caviar Sturia, un tartare d’algues, voici un plat étonnant devenu signature. Le reste de la carte est un peu moins hors norme, même si on peut voir l’appétence du chef pour les cuissons à la flamme comme pour son homard, pour les produits nature (la majorité des vins à la carte sont natures). Le respect du vivant est son mantra.
Rien n’a été laissé au hasard lors du lancement. L’homme a choisi les matériaux de sa salle de restaurant, des tables à la vaisselle dans sa maison de ville, ancien atelier textile non loin de la place de la République. L’enfant de la campagne a choisi la cuisine dès l’adolescence, un choix aujourd’hui adoubé par la plus belle des récompenses à l’âge de 31 ans seulement. De quoi illuminer le visage de cet éternel insatisfait, toujours à la recherche du mieux dans la voie qu’il s’est tracée.
Béziers (Hérault) : Le Calice
Fabien Lefebvre, chef et MOF (2004), est comme un poisson dans l’eau à Béziers, sa ville natale où il a déjà exercé avec succès à l’Octopus, restaurant qui avait été étoilé, puis le très fréquenté Pica-Pica. Le « Calice » n’est pas l’objet religieux, mais celui des fleurs. Son ouverture était prévue bien avant mais a subi le retard du Covid. Cette nouvelle aventure se concrétise dans une maison Art Déco, agrandie suite à deux ans de travaux avant d’accueillir sa clientèle. La cuisine est marquée par la Méditerranée et l’amour du poisson. À noter une carte de vins qui peut convenir à tous avec plus de 700 références.
L’atmosphère zen de l’endroit est reposante pour des assiettes, elles aussi, épurées et goûteuses qui voient le jour en fonction des livraisons de produits et dans un souci de « zéro déchet ». L’ouverture du Calice n’est qu’une étape pour ce chef toujours en mouvement, qui a de nombreux projets en collaboration avec LJ Hôtels & CO.
Saint-Omer (Pas-de-Calais) : Bacôve
Une barque à fond plat. Voici la signification du Bacôve. Quel rapport avec la cuisine ? Elle était utilisée par les maraîchers de la zone pour transporter leur production. Les racines sont là et bien là dans la cuisine de Camille Delcroix. Plus jeune, il avait candidaté chez Top Chef en 2012, sans être retenu, mais l’homme, bien qu’affecté, a continué sur sa voie et est revenu dans l’émission pour la remporter en 2018. De l’ambition, de la passion et de la persévérance, voici des qualités nécessaires pour un futur chef étoilé.
Camille Delcroix aime associer terre et mer avec talent et prête un soin tout particulier au dressage ainsi qu’à sa vaisselle. Le chef est natif du Nord, la cuisine, les aliments ont toujours été une passion dans sa famille. En ouvrant son restaurant en décembre 2021 et en décrochant son étoile en mars dernier à 34 ans, il prouve que « La popote du Nord », le livre qu’il a écrit, a toujours son mot à dire dans la gastronomie française. Même s’il est difficile de qualifier ce que l’on voit dans ses assiettes de simple « popote ».
Sa cuisine est très ancrée dans la région, le chef s’est passionné pour le dernier marais maraîcher de France où il aime à expliquer qu’une trentaine de producteurs travaillent « comme autrefois, sur 400 hectares », un milieu fragile et encore préservé.
https://restaurant-bacove.com/fr
Saint-Léon-sur-Vésert (Dordogne) : Le Petit Léon
Un Sud-Africain élevé en Océanie doit avoir un certain courage pour s’installer en France, en Dordogne pour y installer sa vision de la gastronomie. Si les ingrédients sont locaux, l’influence internationale se retrouve dans la cuisine moderne du Petit Léon situé au centre de son village historique. Nick Honeyman n’est cependant pas un novice, il a commencé sous de lointains horizons, mais est passé par l’Astrance et l’Arpège, ce qui en dit long sur sa formation.
Il ouvre son affaire dès 2018, du moins son affaire française, car il en a une autre déjà très renommée à Auckland, le « Paris Butter ». L’athlétique chef globe-trotter participe par ailleurs à de nombreuses émissions très populaires en Nouvelle-Zélande comme « Masterchef » et dispose de la sienne « The Best of New Zealand with Nick Honeyman ». Ces activités expliquent que le Petit Léon ne soit ouvert qu’en saison, d’avril à fin octobre. La sommelière n’est autre que son épouse, Sina. Allemande, elle propose une carte française et internationale ainsi que ses propres créations sans alcool. « Pour moi, c’est un rêve », aujourd’hui réalisé, celui de décrocher une étoile en France, dans une Dordogne où le chef se dit être particulièrement inspiré par l’histoire et les producteurs locaux.
https://restaurantlepetitleon.fr/francais
Virginie de Guermantes