Joybuy, mieux que Temu ?

Le géant chinois du commerce en ligne débarque en Europe avec Joybuy, sa nouvelle vitrine e-commerce. La France est dans le viseur. Derrière l’opération, une stratégie d’implantation bien plus vaste, qui interpelle jusqu’au sommet de l’État.

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C’est un nom que peu de Français connaissent. Pourtant, Joybuy pourrait bien s’imposer dans leur quotidien. Cette plateforme, lancée en catimini par JD.com, géant chinois de l’e-commerce, promet des prix cassés sur l’électronique, l’électroménager, et bien d’autres produits. Mais ce n’est que la partie visible d’une offensive bien plus large, qui met le commerce français sous tension.

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Le lancement de Joybuy dans plusieurs pays européens — France, Allemagne, Belgique, Luxembourg, Pays-Bas — s’inscrit dans une phase test. Mais JD.com ne se contente pas d’ouvrir un site. En juillet, le groupe a lancé une OPA de 2,2 milliards d’euros sur Ceconomy, maison mère de MediaMarkt et Saturn. Objectif : acquérir 21,9 % de Fnac Darty. Une opération qui propulserait JD.com au centre de la distribution en France comme en Allemagne. De quoi justifier l’intervention de Bercy, qui a réclamé des garanties au groupe chinois avant toute validation réglementaire.

JD.com, l’autre géant chinois

JD.com n’a pas la notoriété d’Alibaba ou de Temu, mais ses chiffres sont impressionnants : 900 000 salariés, 600 millions de clients actifs, 161 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2024. À la différence de ses concurrents, la société vend en propre, contrôle sa chaîne logistique et met en avant la qualité. Un modèle proche d’Amazon, loin des marketplaces à la Temu.
À sa tête depuis mai 2023, Sandy Ran Xu, ex-directrice financière, est la première femme à diriger le groupe. Le fondateur, Richard Liu, reste président. Il a dû quitter le quotidien opérationnel après une affaire de viol aux États-Unis, réglée à l’amiable en 2022.

JD.com n’arrive pas les mains vides. Joybuy s’appuie déjà sur une trentaine d’entrepôts en Europe, dont un dans le Val-d’Oise, et un autre, automatisé, ouvert fin 2024 en Pologne. L’objectif est clair : livrer en 24h dans les grandes villes européennes. Une promesse que ni Temu ni AliExpress ne peuvent tenir, avec leurs colis envoyés depuis la Chine.

Des prix cassés, une interface occidentalisée

Le site et l’application Joybuy misent sur une navigation épurée, entre Amazon et Temu. Pas de pubs agressives, des promotions à durée limitée, et une offre mêlant produits chinois bon marché et grandes marques européennes. Les prix sont frappants : brosse à dents électrique à 14 euros, téléviseur à 100 euros. Le service client se veut réactif, et la promesse de livraison rapide en Île-de-France est tenue.

Ce n’est pas la première tentative de JD.com en Europe. En 2022, Ochama avait tenté l’omnicanal, avec des points de retrait physiques aux Pays-Bas. Échec cuisant. Joybuy est le fruit de cette expérience : pas de magasin, une logistique rationalisée, et une approche e-commerce pure mais localisée. Le pivot stratégique est net : apprendre vite, corriger, repartir.

Concurrence chinoise tous azimuts

L’arrivée de Joybuy se produit alors que le commerce français est sous pression. En octobre :

  • Shein a ouvert un magasin au BHV Marais à Paris, malgré la polémique ;
  • Temu a signé un accord logistique avec La Poste, déclenchant la colère du ministre du Commerce ;
  • Amazon a lancé Haul, une réponse directe aux plateformes chinoises.

Le commerce français, lui, tire la sonnette d’alarme. Les fédérations dénoncent une concurrence déloyale, alimentée par des colis massifs arrivant de Chine : 800 millions pour la seule France en 2024.

Sécurité et normes : les trous béants du système

Une enquête de l’UFC-Que Choisir révèle que 94 % des produits testés provenant de Temu, Shein ou AliExpress sont non conformes, 66 % jugés dangereux. Joybuy veut faire mieux, promet des standards plus élevés et une politique de retour calquée sur Amazon. Mais les premiers retours sont contrastés : si le rapport qualité-prix est salué, des problèmes de livraison subsistent.
L’exécutif veut instaurer une taxe de 2 euros par article venu d’un pays hors UE. Problème : JD.com, grâce à son réseau logistique européen, pourrait y échapper. Le groupe a déjà basculé une partie de ses flux sur ses entrepôts continentaux. Le gouvernement cherche donc à combler les failles réglementaires, mais le chantier est vaste.



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