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Mais une question plane : comment un ancien PDG de la grande distribution — symbole même du consumérisme de masse — peut-il aujourd’hui s’ériger en défenseur des commerces de proximité ?
Une posture verte sur fond de paradoxe
Système U, sous la direction de Serge Papin, a largement participé à la transformation du paysage commercial français : multiplication des hypermarchés, pression sur les prix, marges étouffant les petits producteurs. Aujourd’hui, c’est le même groupe qui co-pilote, avec la Banque des Territoires, la mission de revitalisation des centres-villes. Ironie du sort : les acteurs qui ont accéléré la désertification urbaine prétendent désormais en organiser la renaissance.
Cette récupération du discours écologique interroge. Les appels à la “sobriété” et à la “relocalisation” sonnent creux quand ils viennent de ceux qui ont bâti un modèle fondé sur la consommation de masse.
La Banque des Territoires, un rôle ambivalent
Instrument financier de la Caisse des Dépôts, la Banque des Territoires se veut moteur de la transition écologique et sociale. Mais son alliance avec Système U illustre la difficulté de l’État à s’affranchir des grands groupes privés.
Plutôt que de soutenir les circuits courts ou les initiatives citoyennes, la politique publique choisit de s’appuyer sur les anciens géants du modèle qu’elle prétend corriger. Ce “capitalisme vert” version française apparaît plus comme un recyclage de réseaux qu’une refonte du système.
Une écologie d’affichage
Derrière la dénonciation du partenariat entre La Poste et Temu, l’affaire cache une compétition d’intérêts. La Poste cherche à moderniser son modèle économique en profitant du e-commerce. Système U, de son côté, défend son monopole sur la distribution locale. Et Serge Papin, aujourd’hui ministre, se retrouve à arbitrer… un conflit dans lequel son ancien monde reste juge et partie.
L’écologie, dans ce contexte, devient un argument moral, mais rarement un levier d’action structurel.
Le retour de la vieille France du réseau
La proximité entre la Banque des Territoires, Système U et le ministère des PME illustre une recomposition silencieuse du pouvoir économique français. Sous couvert de transition écologique, les grands acteurs historiques se repositionnent en partenaires de l’État, préservant ainsi leurs intérêts tout en se refaisant une virginité sociale.
“C’est un peu le retour du colbertisme vert”, ironise un économiste. “On ne change pas les acteurs, on repeint les vitrines.”
Une question de fond : qui parle au nom des territoires ?
Les commerces indépendants, souvent oubliés des plans d’action, n’ont guère voix au chapitre. Et pendant qu’on dénonce les excès de Temu ou de Shein, les hypermarchés français continuent de déployer des zones logistiques énergivores et de vendre à prix cassés.
Si Serge Papin veut incarner la transition, il devra répondre à une question simple : comment rompre avec le système qu’il a contribué à bâtir ?


