Afficher le résumé Masquer le résumé
- Une épidémie hors norme qui a saturé les urgences
- Des taux de vaccination trop bas, notamment chez les soignants
- Un retour à l’obligation vaccinale inscrit dans la loi depuis 2006
- Le calendrier législatif déjà engagé
- Un vaccin modérément efficace mais déterminant pour prévenir les formes graves
- Une logistique déjà en place pour une application rapide
- Un large consensus politique et syndical
Alors que l’épidémie de grippe 2024-2025 a fait 17 600 morts en douze semaines, le Parlement s’apprête à voter une obligation vaccinale ciblée pour les soignants et les résidents en Ehpad. Une mesure attendue depuis vingt ans, au cœur d’un basculement sanitaire majeur.
A LIRE AUSSI
Grippe 2025 : à qui s’adresse le vaccin gratuit ?
Une épidémie hors norme qui a saturé les urgences
La grippe saisonnière a frappé la France avec une intensité inédite entre début décembre 2024 et fin février 2025. Sur ces douze semaines d’épidémie, Santé publique France a recensé 29 581 hospitalisations après passage aux urgences, dont près des deux tiers concernaient des personnes âgées de 65 ans ou plus.
Au pic épidémique — la semaine 2 de janvier 2025 — la grippe était mentionnée dans 7,3 % des certificats de décès électroniques, un record depuis la crise sanitaire de 2020. SOS Médecins a vu la part de consultations pour grippe grimper à 27,8 %, tandis que près de 3 millions de consultations ont été enregistrées en ville pour syndrome grippal. Les capacités hospitalières ont été mises à rude épreuve, avec des transferts de patients et une mobilisation de renforts en médecine générale.
Des taux de vaccination trop bas, notamment chez les soignants
Malgré des campagnes de sensibilisation répétées, la couverture vaccinale reste bien en deçà des objectifs de santé publique. Pour la saison 2024-2025, seuls 53,7 % des personnes de 65 ans et plus ont été vaccinées, et à peine 25,3 % des personnes à risque de moins de 65 ans.
Dans les Ehpad, les chiffres soulignent un écart préoccupant : si 82,7 % des résidents ont été vaccinés, seuls 21 % des professionnels de santé exerçant dans ces établissements ont reçu le vaccin. Cette asymétrie soulève une question éthique : comment protéger des personnes très vulnérables si leurs soignants ne sont pas immunisés ?
Depuis deux décennies, les pouvoirs publics misent sur la responsabilité individuelle pour améliorer la couverture vaccinale. Les résultats sont insuffisants. L’OMS fixe un objectif de 75 % pour les groupes à risque. La France en est loin.
Un retour à l’obligation vaccinale inscrit dans la loi depuis 2006
Contrairement à une idée répandue, l’obligation vaccinale contre la grippe pour les professionnels de santé n’est pas une innovation. Elle a été inscrite dans le Code de la santé publique par une loi de 2006, mais immédiatement suspendue par décret sous le gouvernement de Dominique de Villepin.
Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, adopté en commission des affaires sociales le 29 octobre 2025, propose de réactiver cette obligation. Le texte ne crée pas une nouvelle contrainte, il rétablit une base légale existante, cette fois appuyée sur des données épidémiologiques récentes.
Une obligation ciblée et encadrée pour les professionnels de santé
L’article 20 du PLFSS prévoit que la vaccination contre la grippe devienne obligatoire pour deux catégories de population :
- Les résidents en Ehpad, uniquement pendant la période épidémique, et à condition que la Haute Autorité de santé (HAS) émette une recommandation favorable.
- Certains professionnels de santé exerçant à titre libéral (médecins, infirmiers, etc.), lorsque leur activité les expose à un risque de transmission à des personnes fragiles. Un décret en Conseil d’État précisera les professions et situations concernées.
Un amendement, introduit par le député RN Guillaume Florquin, garantit une dérogation en cas de contre-indication médicale reconnue, comme c’est déjà le cas pour les résidents. Cette clause permet de préserver un équilibre entre obligation sanitaire et libertés individuelles, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
Le calendrier législatif déjà engagé
Le processus parlementaire est en cours. Le vote en hémicycle est attendu début novembre 2025 dans le cadre de l’examen du PLFSS. L’avis de la HAS, sollicité à nouveau en raison de l’évolution des données depuis la dernière évaluation de 2023, est attendu entre avril et juin 2026.
La mise en œuvre de l’obligation ne pourra intervenir qu’après la publication de cette recommandation favorable. D’ici là, les débats devraient se poursuivre au sein des professions concernées.
Un vaccin modérément efficace mais déterminant pour prévenir les formes graves
L’efficacité du vaccin contre la grippe est variable selon les saisons. Pour l’hiver 2024-2025, elle a été estimée à 42 % en moyenne : 26 % contre la souche A, 75 % contre la souche B. Chez les plus de 65 ans, l’efficacité n’a pas dépassé 25 %.
Ces chiffres sont souvent utilisés pour critiquer l’obligation. Mais les autorités de santé rappellent que la vaccination, même partielle, réduit significativement les formes graves et les décès. En 2025, 80 % des patients admis en réanimation pour grippe n’étaient pas vaccinés. Le vaccin diminue la virémie, raccourcit la durée de contagiosité et réduit les risques de transmission dans les établissements de soins.
De nouveaux vaccins, dits « haute dose » ou adjuvantés, offrent une protection renforcée : un gain d’efficacité de 11 à 24 % par rapport aux formules standard, selon les données de l’Institut Pasteur.
Une logistique déjà en place pour une application rapide
La campagne de vaccination 2025-2026 a débuté le 14 octobre et se poursuivra jusqu’au 31 janvier. La co-vaccination grippe et Covid-19 est recommandée, et peut être réalisée le même jour.
Le système est déjà opérationnel : les pharmaciens, infirmiers libéraux et médecins peuvent vacciner sans prescription tous les adultes, ainsi que les mineurs de plus de 11 ans. Aucun changement structurel n’est nécessaire pour déployer l’obligation, une fois le feu vert donné par la HAS.
Un large consensus politique et syndical
Le débat parlementaire sur le PLFSS 2026 a révélé un consensus politique rare. Le député socialiste Jérôme Guedj a salué une mesure marquant « la banalisation de l’obligation vaccinale pour les soignants », après « un long chemin politique et sanitaire ». La Fédération Nationale des Infirmiers (FNI) soutient la mesure depuis janvier 2025, estimant que les appels à la responsabilité ne suffisent plus.
Le soutien dépasse les clivages partisans : les amendements ont été portés par la droite (LR), la gauche (PS), le centre et l’extrême droite (RN), ce qui laisse présager une adoption sans heurts majeurs lors du vote final.