Études de médecine : PASS-LAS, une réforme ratée et des étudiants sacrifiés

En 2027, une voie unique devrait remplacer PASS-LAS. En attendant, les étudiants sont livrés à un système confus et inéquitable.

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Annoncée comme une révolution pédagogique, la réforme de l’accès aux études de santé de 2020 devait rendre le système plus équitable et plus lisible. Cinq ans plus tard, le constat est sévère : complexité, inégalités accrues et échec de la voie LAS. À l’approche d’une nouvelle réforme en 2027, les étudiants des promotions 2025 et 2026 se retrouvent piégés entre deux modèles, sans visibilité ni garanties sur leur avenir.

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Yasmine a 18 ans. Elle vient d’entrer en première année de Licence Accès Santé (LAS) dans une université de province sans UFR de médecine. Depuis quelques semaines, elle multiplie les heures de révision, jongle entre ses cours de lettres modernes et les enseignements de sa mineure santé, tout en tentant de comprendre un système que peu maîtrisent réellement. À peine engagée dans ses études, elle sait déjà qu’elle évolue dans un modèle condamné à disparaître. La réforme qui l’a fait entrer en LAS vit ses dernières années. Une nouvelle architecture est annoncée pour 2027. Mais d’ici là, les étudiants comme Camille devront naviguer dans une transition confuse, sans garanties sur la reconnaissance de leurs efforts.

L’échec de la réforme de 2020

Adoptée en 2020 pour remplacer la PACES, la réforme PASS-LAS visait trois objectifs : augmenter les chances de réussite, diversifier les profils accédant aux études de santé, et réduire les inégalités sociales. Cinq ans plus tard, la Cour des comptes dresse un constat sévère : la réforme n’a pas tenu ses promesses. Le dispositif, censé être plus lisible et plus juste, a au contraire complexifié les parcours et renforcé les écarts sociaux.

Le système repose aujourd’hui sur deux voies principales d’accès aux filières MMOP (médecine, maïeutique, odontologie, pharmacie) : le Parcours d’Accès Spécifique Santé (PASS) et la Licence Accès Santé (LAS). Or, les chiffres montrent une forte disparité de réussite entre les deux : 29 % des étudiants en PASS accèdent à une filière MMOP dès la première année, contre seulement 17 % pour les LAS. Ce différentiel, loin de se résorber, s’amplifie au fil du temps.

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La LAS, voie alternative devenue parcours à risques

Initialement pensée comme une réponse à la rigidité de la PACES, la LAS devait permettre à des étudiants issus d’autres disciplines de tenter leur chance en santé tout en suivant une licence classique. Mais dans la réalité, cette flexibilité s’est transformée en parcours à obstacles.

Un étudiant sur deux s’inscrit en LAS non par choix, mais par stratégie ou défaut. Dans de nombreux cas, notamment en licences de droit ou de psychologie, les chances d’intégrer une filière de santé sont extrêmement faibles. Les taux de réussite sont particulièrement bas dans les universités sans UFR de santé, où la préparation aux épreuves est souvent jugée insuffisante. À mention égale au baccalauréat, un étudiant en LAS dans une université périphérique a deux fois moins de chances d’entrer en médecine qu’un étudiant en PASS dans une université bien dotée.

Les chiffres sont sans appel : le taux de redoublement en deuxième année de médecine atteint 18 % pour les étudiants issus de LAS, contre seulement 3 % pour ceux venant du PASS. La LAS, censée diversifier les profils, est désormais perçue comme un parcours moins bien préparé et moins efficace.

Une transition floue vers la voie unique prévue en 2027

Face à ce constat, le gouvernement a engagé il y a déjà plusieurs mois une concertation nationale visant à créer une « voie unique » d’accès aux études de santé à partir de la rentrée 2027. Mais cette annonce place les cohortes actuelles dans une situation de grande incertitude. Les étudiants qui entrent en LAS en 2025 et 2026 commenceront leur cursus dans un système voué à disparaître, sans savoir s’ils pourront le terminer selon les règles actuelles.

Le Sénat a adopté une proposition de loi fixant l’entrée en vigueur de la réforme au plus tard en septembre 2027. En attendant, aucune modification n’est prévue pour la rentrée 2026. Cette période de statu quo signifie que les universités devront gérer en parallèle deux dispositifs différents pendant plusieurs années.

Officiellement, le principe de continuité pédagogique garantit que les étudiants engagés dans une LAS avant la réforme pourront aller au bout de leur parcours. Mais en pratique, la gestion de cette coexistence pose d’importants défis administratifs et financiers. De nombreuses universités, déjà en tension, peinent à organiser les deux systèmes en parallèle.

Prépas privées et sélection sociale

Un autre effet pervers de la réforme concerne le poids croissant des préparations privées. Pour maximiser leurs chances d’entrer en MMOP, une majorité d’étudiants ont recours à des prépas payantes, dont le coût dépasse parfois 9 000 euros pour une année en PASS. En LAS, ce montant atteint 7 440 euros en moyenne. Selon les données recueillies par les fédérations étudiantes, 15 % des familles contractent un prêt pour financer ces préparations, et 5 % des étudiants travaillent à côté de leurs études pour y parvenir.

Cette situation crée une sélection par les moyens financiers, dénoncée par tous les acteurs du secteur, y compris les doyens de médecine. Le système favorise clairement ceux qui ont les ressources pour s’offrir un accompagnement intensif. Pour les étudiants brillants issus de milieux modestes, le désavantage est net.

Orientation confuse et lisibilité faible : un parcours semé d’embûches

La complexité du système est un facteur supplémentaire d’inégalité. Chaque université applique la réforme selon ses propres modalités, générant plus de 500 variantes de parcours PASS-LAS à l’échelle nationale. À l’approche de l’ouverture de Parcoursup 2026, les lycéens et leurs familles doivent faire des choix dans une offre hétérogène, difficilement compréhensible sans accompagnement spécifique.

Cette architecture illisible profite aux familles les mieux informées, capables de décrypter les subtilités du système. Elle handicape en revanche les candidats moins entourés, qui risquent de se retrouver engagés dans des LAS peu sélectives et peu préparatoires, avec des taux d’accès à MMOP très faibles.

Des départs vers l’étranger en forte hausse

Face à l’incertitude et à la complexité croissante, un nombre grandissant d’étudiants choisit de poursuivre ses études de santé à l’étranger. Espagne, Roumanie, Portugal ou Belgique deviennent des destinations privilégiées. Selon les chiffres du ministère, entre 5 000 et 10 000 étudiants français en santé sont aujourd’hui formés à l’étranger.

Ce phénomène révèle un double échec : celui du système éducatif, incapable de garder ses étudiants motivés, et celui du système de santé, qui voit une partie de sa relève se former hors de ses frontières. À titre d’exemple, plus de la moitié des nouveaux dentistes exerçant en France en 2025 ont été diplômés à l’étranger.

La réforme à venir : promesse d’un modèle plus cohérent, mais à quel prix ?

La future voie unique, annoncée pour 2027, prévoit une architecture recentrée sur les enseignements de santé (45 à 50 crédits ECTS), avec une mineure disciplinaire complémentaire. Cette structuration vise à corriger les déséquilibres actuels entre PASS et LAS. Les responsables de la réforme promettent une simplification, une meilleure lisibilité et une orientation plus claire dès le lycée.

Mais pour les étudiants des promotions 2025 et 2026, ces avancées risquent d’arriver trop tard. Sans garanties formelles sur la reconnaissance de leur parcours, ces cohortes doivent continuer dans un système désavoué par les institutions elles-mêmes. Et les universités, déjà sous tension, disposent de peu de marges de manœuvre pour mettre en place des dispositifs d’accompagnement spécifiques.

Une réforme qui pourrait répéter les erreurs de la précédente

Les conditions de mise en œuvre de la réforme de 2020 — précipitation, impréparation, hétérogénéité — sont aujourd’hui citées comme autant de causes de son échec. Si la voie unique de 2027 reproduit ces erreurs, le risque de déstabiliser à nouveau des milliers d’étudiants est réel. Le manque de clarté sur le calendrier, les critères d’accès, les équivalences possibles ou la reconnaissance des acquis contribue à maintenir un climat de flou institutionnel. Pour les étudiants actuellement en LAS, cette opacité renforce le sentiment d’abandon.

Les étudiants en LAS des années 2025 à 2027 sont les premières victimes de cette transition mal préparée. Ils ont intégré une filière que les institutions reconnaissent comme défaillante, sans pouvoir encore bénéficier des promesses du nouveau modèle. Pour ces cohortes, la double peine est réelle : celle de devoir réussir dans un système instable, et celle de ne pas savoir si cette réussite aura encore de la valeur demain.



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