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Ce 30 octobre 2025, l’Assemblée nationale a voté, à une voix près, une résolution portée par le Rassemblement national contre l’accord franco-algérien de 1968. Une résolution sans portée juridique, mais politiquement lourde : pour la première fois, un texte du RN passe la rampe parlementaire. Pendant ce temps, l’hôpital public continue de fonctionner, en grande partie grâce à des médecins algériens devenus indispensables.
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La première communauté médicale étrangère en France
Au 1er janvier 2025, près de 6 891 médecins diplômés en Algérie exerçaient en France, selon les chiffres de l’Ordre. Ils représentent 38,8 % des praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue). Une part en constante hausse. En quinze ans, le nombre total de Padhue a plus que doublé : de 7 963 en 2010 à 19 154 en 2025.
Ils sont environ 15 000 à assurer, chaque jour, la continuité des soins dans les hôpitaux. Algériens de naissance ou formés à Alger, Oran ou Constantine, ils occupent des postes que les diplômés français désertent, faute d’attractivité ou d’effectifs suffisants.
Des spécialités clés sauvées par les médecins algériens
Gériatrie, onco-hématologie, chirurgie viscérale, psychiatrie, anesthésie… Ces médecins comblent les vides dans des disciplines en tension, selon la Fédération hospitalière de France. 33,6 % des gériatres en France sont d’anciens Padhue. Ils représentent aussi 19,3 % des onco-hématologues, 18,1 % des chirurgiens viscéraux, 14 % des neurochirurgiens et 13 % des oncologues médicaux. Près de la moitié des Padhue exercent dans dix spécialités critiques. Autrement dit, la dépendance n’est pas diffuse : elle est concentrée, ciblée, mesurable.
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Dans les zones rurales, leur rôle est encore plus flagrant. En 2025, 42 % des médecins étrangers primo-inscrits choisissent la campagne, là où les praticiens français ne vont plus. Résultat : dans des départements comme le Val-d’Oise (30,6 %), l’Aisne (29,6 %), l’Eure-et-Loir (29,1 %) ou l’Orne (27,3 %), près d’un médecin sur trois est étranger.
Et même en ville, la tendance est nette. En Île-de-France, 38,3 % des Padhue sont installés. La dépendance n’épargne ni les déserts médicaux ni les grandes métropoles.
Mais derrière cette présence massive, la précarité domine. Beaucoup de ces praticiens travaillent sous statut temporaire, parfois payés entre 1 400 et 2 000 euros. Deux à trois fois moins que leurs homologues français débutants.
Le cas du Grand Hôpital de l’Est Francilien a mis le feu aux poudres : en 2025, 50 médecins Padhue ont dû rembourser 2,7 millions d’euros de primes jugées “non réglementaires”. Certains se sont retrouvés avec 1 100 euros par mois pour 70 heures hebdomadaires. La gestion comptable a primé sur l’équité.
Pour exercer pleinement, ces médecins doivent réussir les épreuves de vérification des connaissances (EVC), un concours redouté. En 2023, 2 700 candidats sur 4 000 ont échoué, soit un taux d’échec de 67,5 %. Après deux tentatives, ils ne peuvent plus exercer, même si les hôpitaux ont besoin d’eux. Les promesses faites par Emmanuel Macron en 2024 sont restées lettre morte. Gabriel Attal s’était engagé à régulariser ces médecins « qui maintiennent nos hôpitaux à flot ». Aucun décret, aucune réforme concrète n’a suivi.
L’impact économique oublié par le débat politique
Le rapport parlementaire Rodwell-Lefèvre chiffre le coût de l’accord franco-algérien entre 1,5 et 2 milliards d’euros par an. Mais il oublie les cotisations sociales, les impôts, les taxes payés par ces médecins. Leur présence est aussi un apport économique. Le Cepii rappelait récemment que l’impact fiscal de l’immigration reste globalement positif. En oubliant ce paramètre, le rapport politique a fait l’impasse sur une réalité comptable.


