Le Rassemblement national remporte sa première grande victoire à l’Assemblée nationale

Pour la première fois, un texte du RN a été adopté à l’Assemblée. Il remet en cause l’accord migratoire franco-algérien de 1968, malgré une majorité divisée.

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Pour la première fois, un texte du Rassemblement national a été adopté à l’Assemblée nationale. Par une voix d’écart, les députés ont voté, ce jeudi 30 octobre, en faveur d’une résolution demandant la dénonciation de l’accord migratoire franco-algérien de 1968. Une victoire symbolique mais politiquement majeure pour le parti de Marine Le Pen, dans un contexte de crise diplomatique entre Paris et Alger et de divisions au sein de la majorité présidentielle.

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Un vote historique pour le RN, obtenu à une voix près

Jeudi soir, l’Assemblée nationale a adopté à 185 voix contre 184 une proposition de résolution déposée par le Rassemblement national. Le texte, purement symbolique, demande à la France de « dénoncer » l’accord migratoire signé avec l’Algérie en 1968. Ce vote, soutenu par Les Républicains et le groupe Horizons, marque un tournant politique : pour la première fois, un texte RN franchit le seuil du vote favorable de la représentation nationale.

Marine Le Pen a aussitôt salué « un jour historique » pour son parti, évoquant « la reconnaissance d’une légitimité politique que le RN attendait depuis des décennies ». Si la résolution n’a pas de valeur contraignante, elle illustre l’enracinement institutionnel du RN et sa capacité à rallier une partie de la droite classique autour de ses thèmes migratoires.

Cette adoption survient dans un climat diplomatique tendu entre Paris et Alger, alimenté par la reconnaissance en 2024 par la France de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, décision à laquelle l’Algérie s’oppose fermement.

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Un accord vieux de plus d’un demi-siècle remis en cause

Signé le 27 décembre 1968, six ans après la fin de la guerre d’Algérie, l’accord franco-algérien établit un régime migratoire dérogatoire pour les ressortissants algériens. Il leur accorde notamment un titre de séjour de dix ans et simplifie le regroupement familial. Ce cadre particulier a longtemps été considéré comme un pilier des relations bilatérales entre les deux pays.

Aujourd’hui, il concerne un grand nombre de ressortissants : selon le ministère de l’Intérieur, 40,2 % des titres de séjour délivrés à des Algériens en 2024 l’ont été pour des motifs familiaux, contre 32,1 % pour les autres nationalités. L’Algérie demeure ainsi le premier pays d’origine des étrangers bénéficiant d’un statut migratoire spécifique en France.

Mais ce régime est aussi au cœur de tensions récurrentes liées à l’exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF). En 2024, seules 2 999 OQTF concernant des ressortissants algériens ont été exécutées, sur plus de 33 000 personnes interpellées en situation irrégulière. Alger refuse la plupart du temps de délivrer les laissez-passer consulaires nécessaires aux expulsions, ce qui paralyse les procédures françaises.

Le rapport Rodwell-Lefèvre, déclencheur d’un basculement politique

Deux semaines avant le vote, le 15 octobre, un rapport parlementaire co-signé par les députés Renaissance Charles Rodwell et Mathieu Lefèvre a ravivé le débat. Les deux parlementaires y dénonçaient les « effets inéquitables » et le coût budgétaire de l’accord de 1968, évalué à environ deux milliards d’euros par an.

Selon ce rapport, 1,55 milliard d’euros seraient consacrés au logement social des ménages concernés, et 200 à 300 millions d’euros à la gestion administrative d’un statut spécifique. Les auteurs estimaient que l’accord « fragilise notre ordre juridique » en instaurant une rupture d’égalité entre étrangers sur le sol français.

Cette analyse, issue du camp présidentiel, a ouvert une brèche politique dans laquelle le RN s’est engouffré. En reprenant les arguments de la majorité, le parti d’extrême droite a su fédérer une partie de la droite parlementaire autour d’un texte aux accents souverainistes.

Une majorité présidentielle fragmentée et absente

Le résultat du vote tient aussi à l’effritement de la majorité. Sur les 92 députés du groupe Renaissance, seuls 30 ont voté contre la proposition du RN. Trois se sont abstenus et sept, dont le Premier ministre Gabriel Attal, étaient absents. D’autres, membres du gouvernement, étaient soumis à la réserve ministérielle.

Ces absences ont suscité la colère de la gauche. Olivier Faure (PS) a fustigé sur X « l’irresponsabilité » des macronistes : « À une voix près, l’extrême droite, Horizons et LR votent ensemble la fin de l’accord franco-algérien. » Mathilde Panot (LFI) a dénoncé « un texte raciste voté grâce à l’absence des macronistes », tandis que Cyrielle Chatelain (Écologistes) a pointé la « faute politique » du gouvernement.

Cette défaillance révèle une fracture interne : une partie de la majorité estime qu’il faut renégocier l’accord, quand d’autres plaident pour le statu quo diplomatique afin d’éviter une crise ouverte avec Alger.

Le dilemme juridique et diplomatique d’une dénonciation unilatérale

L’accord de 1968 ne contient aucune clause de dénonciation. Une rupture unilatérale poserait donc un problème juridique majeur. Plusieurs députés, dont Charles Rodwell, ont mis en garde contre un effet de boomerang : en cas de dénonciation, les dispositions des accords d’Évian de 1962 pourraient être réactivées, rétablissant une libre circulation totale entre les deux pays — exactement l’inverse de ce que recherche le RN.

Le ministre de l’Intérieur Laurent Nuñez a, pour sa part, confirmé que la dénonciation de l’accord « n’était plus à l’ordre du jour », privilégiant un « réengagement du dialogue » avec Alger. L’Algérie, de son côté, a prévenu qu’elle pourrait suspendre d’autres accords migratoires bilatéraux si la France agissait seule.



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