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Alors que le marché du luxe en Chine a connu une baisse estimée entre 18 % et 20 % en 2024, Dior va à contre-courant. L’ouverture à Pékin de son plus grand « flagship » mondial – cinq étages et plusieurs milliers de mètres carrés – s’inscrit dans une logique de relance offensive. Implantée au cœur de Sanlitun Nord, quartier en pleine reconfiguration, cette nouvelle adresse souligne une certitude : pour Dior, la boutique physique reste centrale, même à l’ère du commerce digital.
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LVMH, maison mère de Dior, enregistre une croissance modérée (+1 % organique en 2024) mais note une accélération en Asie au quatrième trimestre. Dans ce contexte, l’implantation à Pékin est moins un pari risqué qu’un mouvement tactique. Elle anticipe la reprise et place Dior au cœur d’un nouvel épicentre stratégique.
Une architecture-signature pour incarner Dior
Le bâtiment a été confié à l’architecte Christian de Portzamparc, premier Français à avoir reçu le prix Pritzker. Il signe ici son troisième flagship pour Dior, après Séoul (2015) et Genève (2024). À Pékin, il conçoit une façade composée de tuiles de verre dorées, déployées en volumes fluides qui évoquent à la fois les pétales d’une fleur et les coupes de tissus haute couture. L’architecture dialogue avec le patrimoine local : la teinte dorée renvoie aux toits de la Cité interdite, créant une résonance culturelle sans pastiche.
À l’intérieur, l’espace est structuré par un escalier monumental en colimaçon, conçu pour une découverte progressive. Chaque étage propose une séquence scénographiée, renforçant la notion de parcours immersif au cœur de l’univers Dior.
Un étage dédié à l’art contemporain chinois
La boutique se distingue par son inscription dans un dialogue culturel. Un étage complet est consacré à l’art contemporain, avec une sélection d’œuvres de Wang Xiyao, Xu Zhen ou encore Hong Hao. Ces pièces entrent en conversation avec des œuvres de Claude Lalanne, Franck Evennou ou Gio Ponti. L’objectif : inscrire la marque dans un dialogue entre création occidentale et scène artistique chinoise émergente.
Une installation florale conçue par l’artiste japonais Azuma Makoto met en scène les toiles blanches Dior – symboles du processus créatif – autour d’une robe rouge profond. Une mise en scène qui prolonge l’une des phrases fondatrices de Christian Dior : « Le rouge est la couleur de la vie. »
Gastronomie de prestige et expérience sensorielle
Au dernier étage, Dior ouvre une terrasse panoramique sur la ville et plusieurs salons VIP. L’espace accueillera également un restaurant Monsieur Dior, dirigé par Anne-Sophie Pic, actuellement cheffe la plus étoilée au monde. C’est une première pour la capitale chinoise, et une nouvelle étape dans la stratégie de diversification gastronomique des maisons de luxe.
L’expérience client dépasse le cadre commercial. Elle devient multisensorielle, à la croisée du design, de la haute cuisine et du récit de marque. Ce flagship s’inscrit dans une tendance plus large du secteur : en 2025, le luxe expérientiel (hôtellerie, restauration, voyages) est le segment à la croissance la plus rapide, avec +8 %, selon Euromonitor.
Sanlitun Nord, nouveau pôle du luxe asiatique
L’ouverture du flagship Dior s’inscrit dans une transformation plus large de Sanlitun Nord. Après le départ du Dover Street Market en 2022, le quartier a vu l’arrivée de plusieurs grandes maisons : Louis Vuitton y a ouvert sa septième boutique pékinoise en septembre 2024, et Hermès a rénové son magasin phare au SKP Beijing en mai. Swire Properties, développeur du site, orchestre une montée en gamme stratégique.
La concentration des marques les plus puissantes dans ce périmètre redéfinit la cartographie du luxe en Chine. Pékin, longtemps en retrait face à Shanghai, se repositionne comme pôle de référence pour le haut de gamme, notamment auprès d’une clientèle chinoise de plus en plus attachée aux expériences locales et exclusives.
Retail physique : la boutique reste un levier central
Malgré la montée du e-commerce, la boutique physique demeure au cœur du modèle économique du luxe. En 2025, 81 % des ventes de produits de luxe personnels s’effectuent toujours en magasin, selon Euromonitor. Les consommateurs à hauts revenus privilégient l’achat en boutique pour des raisons d’expérience, de service, et de relation à la marque.
Dior l’a compris : en renforçant l’attractivité de ses flagships à travers l’architecture, la culture et la gastronomie, la maison transforme le point de vente en destination. Le flagship de Pékin incarne cette stratégie de relocalisation expérientielle du luxe vers l’Asie, en particulier dans un contexte où les clientèles locales remplacent progressivement les flux touristiques internationaux.


