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Le marché de l’occasion a changé de visage. Longtemps perçue comme une pratique marginale ou une affaire de brocanteurs, la revente entre particuliers est désormais un pilier du commerce français. Près de trois Français sur quatre achètent d’occasion, selon OpinionWay. Moteurs de cette transformation : l’argument écologique et l’attractivité des prix. Mais derrière l’essor de ce marché, un autre phénomène explose : les escroqueries. Et les plateformes les plus utilisées — Vinted, Leboncoin, Facebook Marketplace — sont au cœur du problème.
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Dans le textile, la seconde main pèse 6 milliards d’euros en France, soit 12 % du marché total. Le segment progresse à toute allure, surtout chez les jeunes : les 18-34 ans réalisent 16 % de leurs achats vestimentaires en occasion. Mais cette croissance s’accompagne d’une baisse de confiance. Trois Français sur cinq estiment que le manque de transparence les freine. Les plateformes, elles, peinent à suivre. Les fraudes gagnent en sophistication.
Vinted, ou l’envers d’un succès vert
Vinted se présente comme une solution verte. Mais la réalité est moins reluisante. Le dropshipping mine la plateforme. Des vendeurs achètent du neuf sur Shein ou Temu et le revendent en le faisant passer pour de l’occasion. Des marges parfois triplées. Une enquête de TF1 Info a identifié des robes revendues 66 euros après avoir été achetées 22 euros.
Plus insidieux encore, l’usage d’images générées par IA. Des photos faussement réalistes, difficiles à détecter, avec des défauts : doigts déformés, décors flous, postures clonées. Une recherche Google Lens suffit parfois à retrouver l’origine du produit sur un site asiatique.
Autre point noir : la contrefaçon. Sacs, baskets, montres de luxe : les copies pullulent. Deux millions d’articles contrefaits ont été supprimés en 2023. Depuis octobre 2025, un service de vérification existe, mais il est payant (10 euros) et facultatif.
L’entrée en vigueur du règlement européen sur l’intelligence artificielle (AI Act) début 2026 pourrait changer la donne. Il impose aux plateformes de signaler les contenus générés par IA, d’activer des outils de détection, et d’informer les utilisateurs. Faute de quoi, elles s’exposeront à des sanctions lourdes — jusqu’à 35 millions d’euros.
Pour l’instant, la réponse reste timide. Les comptes sont supprimés, rarement signalés aux autorités. Les objets frauduleux retournent à l’envoyeur. Et un paradoxe écologique demeure : en laissant circuler du neuf déguisé en occasion, Vinted alimente la surconsommation.
Leboncoin, terrain de chasse des escrocs organisés
Avec 30 millions de visiteurs mensuels, Leboncoin reste incontournable. Mais son succès attire aussi les arnaques. Les plus fréquentes ? Les faux paiements. Des acheteurs prétendent avoir effectué un virement, envoient de faux messages ou mails imitant ceux de la plateforme, et le vendeur envoie l’objet sans vérifier. D’autres pièges passent par des copies du site officiel, conçues pour voler les coordonnées bancaires.
Encore plus redoutable : le chèque de banque falsifié. En mars 2025, un particulier a vendu sa voiture pour 25 500 euros. Quinze jours plus tard, le chèque s’est révélé faux, malgré une validation bancaire initiale. Le véhicule avait déjà changé de mains.
Un cas emblématique : « Mondial Auto 42 », un faux concessionnaire ayant piégé une cinquantaine de personnes pour 1,5 million d’euros. Société immatriculée, site professionnel, commerciaux convaincants. L’enquête est toujours en cours.
Autre faille : les litiges autour des colis. Certains vendeurs envoient sciemment des objets sans valeur. À l’inverse, des acheteurs déclarent ne rien avoir reçu pour se faire rembourser. Et sans preuve au moment de l’ouverture, difficile de trancher.
Facebook Marketplace : la loi de la jungle
Aucune vérification d’identité, aucun paiement sécurisé, aucun service client. Facebook Marketplace laisse faire. Résultat : les escrocs s’en donnent à cœur joie.
Les manipulations sont multiples : faux paiements PayPal ou Paylib, demandes de remboursement sur un montant prétendument trop élevé, pression pour conclure la vente rapidement (« Je pars demain », « Il y a plusieurs acheteurs intéressés »).
Les faux profils sont légion. Une photo volée, un nom bidon, un prix attractif. Dès que l’argent est envoyé, le compte disparaît. Facebook ne réagit pas ou peu aux signalements.
eBay, Back Market : problèmes de fond
Moins utilisé qu’avant, eBay reste actif. En 2025, les fraudes évoluent : faux vendeurs asiatiques, retours à de fausses adresses, évaluations achetées pour gonfler la crédibilité.
Back Market, lui, est rattrapé par ses promesses. Malgré une garantie, de nombreux clients se plaignent : produits défectueux, pièces de rechange de mauvaise qualité, SAV lent. Le développement rapide de l’entreprise — 500 boutiques ouvertes en 2025 — n’a pas tout réglé.
Comment éviter les pièges ?
Quelques règles de base permettent de limiter les risques :
- Sur Vinted : vérifier les images avec Google Lens, lire les profils vendeurs, utiliser le service d’authentification pour les articles de luxe.
- Sur Leboncoin : ne jamais accepter de chèque ou virement hors de la plateforme, ne pas envoyer d’objets sans confirmation réelle du paiement.
- Sur Facebook Marketplace : éviter les applis non sécurisées, rencontrer les interlocuteurs en personne, se méfier des urgences mises en scène.
Dans tous les cas : ne pas donner son adresse ou ses coordonnées avant la conclusion d’un achat, examiner l’ancienneté et l’historique des comptes, et signaler les comportements douteux, même sans garantie de suite.
Un cadre encore trop flou
Les fraudes évoluent plus vite que la régulation. En 2025, les escrocs utilisent IA, néobanques, messageries chiffrées et failles juridiques pour frapper large. Les plateformes réagissent peu ou mal. Les utilisateurs doivent donc rester vigilants. L’entrée en vigueur de l’AI Act début 2026 pourrait durcir le ton. Encore faut-il que les contrôles soient réels.
Des alternatives, mais peu visibles
Emmaüs, Recyclivre, Smala ou les circuits certifiés de reconditionnement proposent des modèles plus encadrés. Mais leur impact reste marginal face aux géants du secteur.
Tant que les plateformes privilégieront le volume à la vérification, les dérives continueront. Acheter d’occasion reste utile. Mais en 2025, cela exige une vigilance de chaque instant. Car la bonne affaire peut parfois coûter très cher.


