Afficher le résumé Masquer le résumé
Il s’enfile comme un sous-vêtement classique. Il coûte moins cher qu’un dîner au restaurant. Et il pourrait bien transformer en profondeur la contraception masculine. Le boxer développé par la start-up lilloise 37 degrés repose sur une méthode connue mais jamais industrialisée : chauffer les testicules pour bloquer temporairement la production de spermatozoïdes. Le dispositif entre désormais dans sa phase de structuration clinique et financière, avec en ligne de mire une commercialisation d’ici 2028.
A LIRE AUSSI
Vers un contraceptif sans hormone pour remplacer la pilule
Une vieille idée, un nouveau produit
Ce n’est pas une découverte de laboratoire. La contraception thermique, documentée dès les années 1980 par le Dr Roger Mieusset au CHU de Toulouse, repose sur un principe simple : remonter les testicules à proximité du corps pour les maintenir à 37 °C, température suffisante pour interrompre la spermatogenèse. Le slip développé par 37 degrés fait exactement cela, à l’aide d’un textile technique emprunté aux vêtements de sport, respirant et confortable.
La contrainte est connue : il faut porter le boxer 15 heures par jour pendant trois mois pour obtenir un effet contraceptif vérifiable par spermogramme. Mais la méthode a ses avantages : réversible, non hormonale, non invasive. Trois arguments solides dans un contexte où la demande pour des contraceptifs masculins modernes ne cesse de croître.
Une course à la certification
Le projet entre dans une phase critique : l’obtention du marquage CE, nécessaire pour toute mise sur le marché en Europe. L’objectif est ambitieux : classer le produit en dispositif médical de classe IIb, la même catégorie que les stérilets. Pour cela, un essai clinique est prévu au CHU de Lille, sur 50 à 100 volontaires, avec une étude de terrain sur 18 à 24 mois. La start-up vise une publication des résultats avant la fin 2028.
Ce passage réglementaire est tout sauf une formalité. L’exemple de Thoreme, concepteur de l’anneau Andro-switch, montre la difficulté : le produit a été suspendu en 2021 pour absence de certification, malgré une large médiatisation. Lui aussi espère un retour sur le marché pour 2028.
37 degrés n’est pas seule sur ce créneau. Cobalt Contraception, autre start-up française, développe un produit similaire, couplé à une application mobile. Elle vise une levée de fonds de 1,5 million d’euros. À Lille, Entrelac.coop accompagne les projets de contraception masculine. Une filière française se dessine, structurée autour de l’innovation et de l’acceptabilité sociale.
La jeune entreprise fondée par Matthieu Gilquin et Gaëlle Burcklé, incubée par Eurasanté et soutenue par Bpifrance, a déjà levé 200 000 euros de financements non dilutifs. Une levée de fonds de 1,1 million est en cours, dont 300 000 en obligations convertibles. Les investisseurs privés sont ciblés de manière directe : l’entreprise a été sélectionnée dans le palmarès 2025 des « 100 start-up où investir » par Challenges.
Un marché colossal
Les chiffres sont là. Le marché mondial de la contraception masculine est estimé à 15 milliards d’euros. La France pèserait pour 150 millions, l’Europe pour 1 milliard. Les hommes seraient prêts à s’emparer de cette responsabilité : une étude du CHU de Lille révèle que 30 % se disent prêts à utiliser une méthode thermique. Et 73 % accepteraient une méthode contraceptive masculine innovante. Pourtant, aujourd’hui, les méthodes masculines représentent moins de 30 % du marché global.
Le potentiel est donc énorme. Mais tout repose sur l’acceptabilité. Un produit efficace, simple, accessible, avec un retour de fertilité en quelques semaines : c’est le pari que fait 37 degrés.
Une stratégie industrielle locale
La fabrication est pensée dans une logique de relocalisation partielle : tricotage et découpe en France, assemblage dans un atelier au Maghreb. Le produit sera proposé en un seul coloris, afin de simplifier la certification. Sa durée de vie : deux ans, sur la base d’un lavage par semaine. Prix de vente prévu : 25 euros, avec des formules d’abonnement ou de lots hebdomadaires.
La distribution se fera en ligne et via les pharmacies, grâce aux quatre grossistes répartiteurs couvrant plus de la moitié du marché français. Une double stratégie : autonomie des utilisateurs et ancrage dans le système de santé existant.


