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À l’approche du dixième anniversaire des attentats du 13 novembre 2015, Des vivants, série de Jean-Xavier de Lestrade, braque le projecteur sur un pan encore peu raconté du drame : celui des otages du Bataclan. Mise en ligne sur France.tv ce 27 octobre, elle sera diffusée dès le 3 novembre sur France 2. Une œuvre exigeante, sans détour.
Ni France 2 ni Jean-Xavier de Lestrade ne voulaient, au départ, s’engager dans cette fiction. Trop tôt, trop lourd. Le basculement vient d’un long travail en amont, mené par les producteurs Nicolas Mauvernay et Jérôme Corcos. Pendant un an et demi, ils rencontrent les survivants. La confiance s’installe. Le réalisateur, épaulé au scénario par Antoine Lacomblez, y voit alors autre chose : une matière humaine, brute, universelle. Une énergie de vie inattendue.
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Sept otages, une histoire longtemps tue
Le fil conducteur de la série : le parcours de sept personnes prises en otage plus de deux heures dans un couloir au premier étage du Bataclan. Des vivants démarre juste après leur libération. Des corps tremblants, tâchés de sang, titubent sur le trottoir. Puis viennent les mois d’angoisse, d’errance, de solitude. Le trauma s’infiltre partout : dans le couple, dans les gestes, dans les silences. Autour, l’incompréhension. Un père reproche à son fils de « ressasser », un ami tranche : « La compassion, c’est de la merde ». Une mère s’effondre, incapable d’admettre ce qui s’est passé.
Les sept survivants ont un surnom : « les potages », contraction de « potes » et « otages ». Ce groupe informel devient un refuge. Ils se retrouvent dans un café à la Porte des Lilas. Ils parlent, rient, pleurent parfois. Un lien vital, loin des clichés. « Chacun a un bout de l’histoire à partager », dit le réalisateur. Le casting – Alix Poisson, Benjamin Lavernhe, Anne Steffens, Félix Moati, Antoine Reinartz, Cédric Eeckhout, Thomas Goldberg – donne corps à cette dynamique. Ce n’est pas l’héroïsme qu’on filme ici, mais l’endurance.
Une mise en scène maîtrisée
Jean-Xavier de Lestrade connaît bien les récits réels. Laëtitia, Un faux coupable, Sambre : sa méthode reste la même. Précision documentaire, pas de fioritures. Pas question ici de trahir les témoins ou d’émouvoir à bon compte. On ne tire pas les larmes, on tient la ligne. Une des scènes les plus fortes ? Celle de Marie, jouée par Alix Poisson, qui retourne au travail le lundi suivant l’attentat. Une absurdité réelle, montrée sans emphase.
La question centrale traverse tous les épisodes. Survivre, mais à quel prix ? Que faire de cette vie qui reste quand d’autres ne l’ont plus ? La série explore cette tension, notamment à travers le lien qui se tisse avec les policiers de la BRI, intervenus le soir du drame. Un lien rare, en rupture avec l’anonymat habituel de cette unité. Sauveurs et sauvés s’observent, se parlent. Tentent de comprendre ce qu’il s’est passé ensemble.
Tourner au Bataclan : une décision à vif
Certaines scènes ont été tournées dans la salle même du Bataclan. Une décision validée par les sept otages, qui ont eux-mêmes sollicité l’autorisation de la mairie de Paris. Le couloir, trop exigu, a été reconstitué. Ce choix a suscité une vive controverse. Plusieurs membres de l’association Life For Paris s’y sont opposés.
Arthur Dénouveaux, son président, avance trois critiques : la scène n’était pas nécessaire, d’autres lieux auraient pu faire l’affaire ; elle brouille les repères entre fiction et réalité ; elle peut heurter ceux pour qui le Bataclan reste un cimetière. L’association envisage une charte pour encadrer les usages futurs du lieu, sur le modèle d’Auschwitz.
La série ne s’arrête pas aux survivants. Elle inclut la reconstitution d’un hommage rendu un an après les faits. Les noms des 90 morts sont énoncés, un à un. Moment de bascule où fiction et mémoire se rejoignent. Jean-Xavier de Lestrade assume : « Filmer les vrais sièges, c’est une marque d’attention envers les victimes et envers les spectateurs. »
Une œuvre de transmission
Pas de reconstitution de l’attaque. Pas de mélodrame. Des vivants s’attache à l’après. Les années de silence, de chute, de lente reconstruction. Elle montre une forme de dignité dans la façon de tenir debout, malgré tout. Dans la force du groupe, aussi. Jean-Xavier de Lestrade ne cherche pas à imposer un regard. Il propose un récit. Libre à chacun de s’en saisir.


