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- Un drame en montagne aux circonstances floues
- Les incohérences dans les déclarations de Jonathan Andic
- Les tensions familiales refont surface
- Le téléphone de Jonathan, au cœur de l’enquête
- Une procédure judiciaire longue et incertaine
- La succession d’un empire en toile de fond
- Une enquête sans preuve directe à ce jour
Le 14 décembre 2024, Isak Andic, fondateur de l’empire textile Mango, est mort après une chute dans le massif de Montserrat, en Catalogne. Si les autorités catalanes avaient initialement conclu à un accident, l’enquête a connu un tournant majeur en septembre 2025. Le fils aîné d’Andic, Jonathan, présent au moment du drame, fait désormais l’objet d’investigations pour homicide. L’affaire soulève une question délicate : s’agit-il d’un accident tragique ou d’un meurtre maquillé ?
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Un drame en montagne aux circonstances floues
Isak Andic, 71 ans, président non exécutif de Mango, était parti randonner avec son fils Jonathan, 44 ans, dans le parc naturel de Montserrat, à une cinquantaine de kilomètres de Barcelone. D’après les premières déclarations, le fondateur de Mango aurait glissé dans un ravin d’une centaine de mètres. Il est mort sur le coup. Jonathan Andic était le seul témoin de la scène.
D’abord classée comme un accident, l’affaire a été discrètement rouverte en mars 2025 par le tribunal de Martorell. En septembre, le statut de Jonathan Andic a évolué : de simple témoin, il est devenu sujet d’une enquête pour homicide. L’information n’a été révélée que le 16 octobre par les quotidiens El País et La Vanguardia, suscitant une vive attention médiatique.
Les incohérences dans les déclarations de Jonathan Andic
Selon les sources judiciaires citées par El País, Jonathan Andic a été interrogé deux fois par les Mossos d’Esquadra, la police catalane. Le premier interrogatoire a eu lieu dans les heures suivant le drame. Le second, le 31 janvier 2025, a permis aux enquêteurs de pointer plusieurs contradictions.
Il aurait notamment affirmé avoir garé son véhicule à un endroit précis, mais la voiture a été retrouvée ailleurs. Il a également déclaré n’avoir pris aucune photo durant la promenade. Or, des clichés enregistrés sur son téléphone documentaient précisément la zone. Ces images ont été extraites par les enquêteurs lors d’un examen approfondi du téléphone.
Un autre point jugé troublant par la police : l’ordre des appels passés après la chute. Plutôt que de contacter les secours (le 112), Jonathan a d’abord appelé Estefanía Knuth, la compagne de son père. Ce n’est qu’ensuite qu’il a alerté les services d’urgence. Jonathan a expliqué avoir cru que son père était inconscient et que Knuth pouvait venir en aide plus rapidement. Les enquêteurs tentent désormais d’établir le temps exact entre la chute et l’appel aux secours, en croisant les données des antennes relais et les métadonnées du téléphone.
Les tensions familiales refont surface
La relation entre Isak et Jonathan Andic était complexe. Selon le témoignage d’Estefanía Knuth, rapporté par El País, les deux hommes entretenaient des rapports tendus depuis plusieurs années. En 2014, Isak avait confié les rênes de Mango à son fils, mais l’expérience s’était soldée par des résultats décevants. En 2016, l’entreprise avait enregistré sa première perte nette de 61 millions d’euros. Isak avait alors repris la direction du groupe.
Des messages retrouvés sur le téléphone d’Isak Andic ont également nourri les soupçons des enquêteurs. D’après le journal Ara, ces échanges faisaient état d’un processus thérapeutique entamé par Jonathan, dans lequel figuraient des propos critiques envers son père. Bien que le contenu exact de ces messages reste couvert par le secret de l’instruction, leur existence a été considérée comme un élément significatif par les enquêteurs.
Jonathan Andic a quitté ses fonctions exécutives chez Mango en juin 2025. Il continue toutefois à diriger les holdings familiales et siège au conseil d’administration de l’entreprise.
Le téléphone de Jonathan, au cœur de l’enquête
Autre fait marquant : Jonathan Andic a changé de téléphone portable peu après le décès de son père. Ce geste, courant en soi, a retenu l’attention des enquêteurs dans le contexte d’une enquête pour homicide. Le 9 septembre 2025, la police a obtenu une ordonnance judiciaire pour saisir son appareil. Depuis, les techniciens des Mossos analysent l’intégralité des données : messages, appels, photos, géolocalisation.
Les métadonnées extraites des photos prises par Jonathan pourraient jouer un rôle central. Elles permettent de vérifier la position GPS exacte de chaque cliché, et donc de les comparer avec ses déclarations sur l’itinéraire suivi ou l’heure de la chute. Les enquêteurs ont également demandé à l’opérateur Vodafone les relevés de géolocalisation de son téléphone et de celui de son père. Même endommagé, le téléphone d’Isak pourrait avoir enregistré des données utiles.
Une procédure judiciaire longue et incertaine
L’enquête sur la mort d’Isak Andic a été rouverte une première fois en mars 2025 par le juge d’instruction numéro 5 de Martorell, qui avait estimé que les déclarations de Jonathan présentaient des contradictions. En mai, la police avait pourtant indiqué qu’aucun élément ne remettait en cause le caractère accidentel de la chute. Ce n’est qu’en septembre que le juge a ordonné la saisie du téléphone, relançant les investigations.
Le 16 octobre, la requalification de l’enquête a été confirmée par voie de presse. Le Tribunal supérieur de justice de Catalogne a indiqué que la procédure restait couverte par le secret de l’instruction et n’était officiellement dirigée contre « aucune personne concrète ». Cependant, la saisie du téléphone de Jonathan suppose l’activation d’un statut permettant des mesures coercitives, ce qui suggère qu’il est bien visé par la procédure.
Son avocat, Cristóbal Martell, conteste ce point et affirme que son client n’a reçu aucune notification formelle de mise en examen.
La succession d’un empire en toile de fond
Le décès d’Isak Andic a laissé derrière lui un groupe florissant. En 2024, Mango a réalisé un chiffre d’affaires record de 3,3 milliards d’euros, avec un bénéfice net de 219 millions d’euros. Le fondateur, né à Istanbul et installé à Barcelone depuis l’âge de 14 ans, avait bâti son empire à partir d’une seule boutique ouverte en 1984 avec son frère Nahman.
Sa fortune personnelle était estimée à 4,5 milliards de dollars, faisant de lui le cinquième homme le plus riche d’Espagne selon Forbes. Son testament, rédigé en juillet 2023, répartissait équitablement son patrimoine entre ses trois enfants : Jonathan, Judith et Sarah. Il prévoyait également un legs de 5 millions d’euros à sa compagne, Estefanía Knuth.
Cette dernière conteste la somme et réclame 70 millions d’euros aux héritiers, invoquant une relation équivalente à un mariage de fait. Les discussions sur ce volet civil sont en cours, sans qu’aucun accord n’ait été trouvé.
Les exécuteurs testamentaires, parmi lesquels figurent Toni Ruiz (PDG de Mango) et José Crehueras (président d’Atresmedia), ont affirmé dans un communiqué que « la volonté d’Isak Andic, reflétée dans son testament, a été respectée scrupuleusement ».
Une enquête sans preuve directe à ce jour
Malgré les éléments troublants révélés ces derniers mois, les enquêteurs reconnaissent qu’aucune preuve directe ne permet aujourd’hui de conclure à un homicide volontaire. Selon El País, « les Mossos n’ont trouvé aucun élément matériel permettant d’affirmer que Jonathan Andic a poussé son père ». La famille, de son côté, exprime sa pleine confiance dans l’innocence de Jonathan et dans l’issue de la procédure.


