Afficher le résumé Masquer le résumé
Alors que les débats sur le budget 2026 piétinent à l’Assemblée, une mesure concentre les tensions : la « taxe Zucman ». Un impôt minimal de 2 % par an sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros. Derrière cette proposition portée par l’économiste Gabriel Zucman, un clivage net. À gauche, c’est l’union sacrée. À droite, le rejet est massif. Et au centre, la majorité présidentielle fait blocage. Rarement un projet fiscal aura autant polarisé.
| POUR LA TAXE ZUCMAN | CONTRE LA TAXE ZUCMAN |
|---|---|
| Gabriel Zucman – Économiste à Berkeley et à l’ENS | Emmanuel Macron – Président de la République |
| Eva Sas (Écologistes) – Députée, co-auteure de la proposition | François Bayrou – Premier ministre |
| Clémentine Autain (LFI) – Co-auteure de la proposition | Yaël Braun-Pivet (Renaissance) – Présidente de l’Assemblée nationale |
| Raphaël Glucksmann (Place Publique) – Signe un accord conditionné à la taxe | Laurent Saint-Martin – Ancien ministre du Budget |
| Olivier Faure – Premier secrétaire du Parti socialiste | Bruno Retailleau – Président des Républicains |
| Fabien Roussel – Parti communiste français | Éric Ciotti – Union des droites pour la République |
| Jean Pisani-Ferry – Économiste, ex-conseiller de Macron | Gérard Larcher – Président du Sénat |
| Olivier Blanchard – Ancien économiste en chef du FMI | Philippe Aghion – Collège de France, prix Nobel 2025 |
| Esther Duflo, Joseph Stiglitz, Paul Krugman – Prix Nobel d’économie | Xavier Jaravel – Président du Conseil d’analyse économique |
| Armand Thiberge (Brevo), Jean-Baptiste Rudelle (Criteo), Marc Batty (Dataiku) | Bernard Arnault – PDG de LVMH |
| Attac France, Oxfam, 350.org – Mobilisation active | Fondation iFRAP, Institut Thomas More – Think tanks libéraux |
| Michel Picon – Union des entreprises de proximité (U2P) | Nicolas Dufourcq – Directeur général de Bpifrance |
| 86 % des Français – Sondage IFOP (septembre 2025) | Marine Le Pen et Jordan Bardella (RN) – Réserves sur la méthode |
Une taxe pour corriger les privilèges fiscaux
Gabriel Zucman, spécialiste reconnu des paradis fiscaux et des inégalités, pointe une distorsion devenue difficile à ignorer : les milliardaires français sont largement moins taxés que la moyenne des citoyens. Ses chiffres sont frappants : 13 % de taux effectif pour les plus riches, contre 51 % pour la moyenne des Français. L’objectif de sa taxe : imposer un socle minimal, en cumulant tous les prélèvements. En dessous de 2 %, les contribuables devraient verser la différence.
A LIRE AUSSI
La vérité sur la taxe Zucman
Une gauche unanime, une droite catégoriquement contre
La taxe a été déposée en janvier 2025 par deux députées, l’une écologiste (Eva Sas), l’autre insoumise (Clémentine Autain). Adoptée en première lecture grâce à la gauche, elle a été bloquée au Sénat en juin. Tentative de retour dans le budget 2026 en octobre : rejet en commission. Le débat, prévu pour fin octobre, est repoussé.
Mais politiquement, les lignes sont claires. La gauche soutient massivement la mesure. Olivier Faure (PS) l’appelle « une réforme de justice ». Raphaël Glucksmann en fait un point de passage obligé pour tout futur accord de gouvernement. Les communistes et les écologistes sont également alignés.
À droite, c’est non. Bruno Retailleau parle de mesure « confiscatoire ». François Bayrou, Premier ministre, évoque une probable censure par le Conseil constitutionnel. Emmanuel Macron, lui, agite le spectre de l’exil fiscal.
Le Rassemblement national, comme souvent, joue une carte plus trouble. Abstention à l’Assemblée, critiques molles dans les médias. Marine Le Pen préfère un « ISF rénové ». Jordan Bardella met en doute les chiffres de rendement.
Des économistes et patrons tech favorables à la taxe
Rarement une mesure fiscale aura été autant soutenue par le monde académique. Treize économistes, dont plusieurs prix Nobel, ont signé une tribune en sa faveur. Parmi eux : Esther Duflo, Paul Krugman, Joseph Stiglitz, Jean Pisani-Ferry.
Même une partie des entrepreneurs de la French Tech sort du bois. Trois patrons de scale-ups — Armand Thiberge, Jean-Baptiste Rudelle, Marc Batty — soutiennent la taxe, à condition d’aménagements : exclusion des entreprises familiales et possibilité de payer en actions.
Mais du côté du CAC 40, c’est une autre histoire. Bernard Arnault accuse Zucman de « militantisme ». Nicolas Dufourcq (Bpifrance) prédit une perte d’attractivité. Et plusieurs économistes, dont Philippe Aghion et Antoine Levy, redoutent une baisse de l’investissement.
Les opposants dénoncent un frein à l’économie
Les adversaires de la taxe avancent quatre arguments. D’abord, le risque d’exil fiscal. Un rapport du Conseil d’analyse économique en juillet l’a pourtant relativisé. Ensuite, la possible inconstitutionnalité : la mesure ne prévoit ni plafonnement, ni exonération pour les biens professionnels.
Troisième critique : son impact sur l’innovation. Certains redoutent une taxe sur les plus-values latentes qui fragiliserait les entreprises non cotées. Enfin, le rendement estimé : Zucman annonce jusqu’à 25 milliards. D’autres économistes, comme Jaravel ou Aghion, tablent plutôt sur 5 milliards après ajustements.
Pour contourner les obstacles, plusieurs alternatives ont été déposées. Le PS propose une taxe plus progressive à partir de 10 millions, avec exclusion des biens professionnels. Une autre version introduit un barème par tranches : 1 % à partir de 5 millions, 3 % au-delà de 50 millions.
Zucman reste réservé. Pour lui, ces versions rouvrent la porte à l’optimisation. Il défend en revanche un mécanisme innovant : le paiement en actions non votantes, déjà expérimenté aux États-Unis. L’État devient temporairement actionnaire sans pouvoir décisionnel.
Une forte adhésion dans l’opinion publique
Un sondage Ifop en septembre 2025 donne un chiffre inattendu : 86 % des Français soutiennent la taxe. Le soutien traverse les partis. Même chez Les Républicains (89 %) ou le RN (78 %), les électeurs y sont favorables. Ce consensus populaire tranche avec le scepticisme des responsables politiques.
Dans son dernier essai, Gabriel Zucman pousse le débat plus loin. Pour lui, la question n’est pas seulement budgétaire, mais démocratique. Des fortunes massives donnent un pouvoir politique démesuré à une poignée d’individus. La taxe Zucman serait, selon lui, un garde-fou minimal pour préserver l’égalité républicaine.


