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- Un cachet fixé à 500 euros par émission
- Une rémunération irrégulière et imprévisible
- Une émission conçue pour des profils extérieurs aux médias
- Un statut juridique précaire : le recours au CDDU
- Un écart de rémunération entre chroniqueurs et animateurs
- Des retombées économiques indirectes non négligeables
- Le modèle économique de l’émission : forte audience, faible coût
Les Grandes Gueules, émission de débat phare de RMC et RMC Story, réunit chaque jour plus de 1,2 million d’auditeurs entre 9h et 12h. Diffusée depuis plus de vingt ans, elle repose sur un format unique en France : des intervenants issus de la société civile, non professionnels des médias, qui confrontent leurs opinions sur l’actualité. Mais derrière le succès, une question reste rarement posée : combien sont-ils payés ? Une enquête approfondie révèle que ce cachet modeste dissimule un modèle économique bien plus complexe.
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Un cachet fixé à 500 euros par émission
En septembre 2024, La Tribune Dimanche révèle pour la première fois un chiffre longtemps resté confidentiel : les chroniqueurs des Grandes Gueules perçoivent 500 euros bruts par émission. Ce montant correspond à une prestation de trois heures, souvent préparée en amont sans encadrement contractuel stable.
En comparaison, ce cachet place l’émission dans une fourchette moyenne du marché. En 2017, les chroniqueurs de C à Vous sur France 5 touchaient entre 300 et 500 euros par émission. En 2019, Jean-Michel Maire affirmait percevoir 700 euros par passage dans Touche pas à mon poste. À l’autre extrémité, les figures d’On n’est pas couché touchaient jusqu’à 1 500 euros.
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Une rémunération irrégulière et imprévisible
Le chiffre de 500 euros ne dit rien de la fréquence des interventions. Contrairement aux animateurs, les chroniqueurs ne sont pas employés à temps plein : leur participation varie selon leur disponibilité, les sujets traités et les décisions éditoriales. Un chroniqueur intervenant deux fois par semaine pourrait théoriquement percevoir jusqu’à 4 000 euros mensuels. En pratique, cette régularité est rare. La plupart n’interviennent qu’une à deux fois par mois, voire moins.
Le revenu devient donc instable, impossible à anticiper et inadapté pour en vivre. Plusieurs chroniqueurs le disent : cette activité ne constitue qu’un complément, jamais une source principale.
Une émission conçue pour des profils extérieurs aux médias
L’un des fondements éditoriaux des Grandes Gueules est de faire appel à des personnes issues de la société civile. « L’idée, c’est de trouver des gens avec un vrai métier, pas des professionnels du débat », résume Olivier Truchot, l’un des deux animateurs historiques.
Cette ligne éditoriale explique le profil hétérogène des intervenants : avocat, médecin, agriculteur, professeur, consultant, entrepreneuse, coach de vie ou encore cheminot. Tous exercent une activité principale en dehors des studios. Pour certains, l’émission est une vitrine professionnelle ; pour d’autres, une simple parenthèse hebdomadaire.
Didier Giraud, éleveur en Saône-et-Loire et chroniqueur régulier depuis 2008, le résume ainsi : « Pour moi, ça reste une parenthèse de trois heures dans ma semaine. »
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Un statut juridique précaire : le recours au CDDU
Derrière le cachet se cache une autre réalité : celle du statut juridique. Contrairement aux animateurs salariés du groupe Altice, les chroniqueurs sont rémunérés via un Contrat à Durée Déterminée d’Usage (CDDU), spécifique au secteur de l’audiovisuel.
Ce type de contrat, bien qu’autorisé, est régulièrement critiqué par les syndicats. Il ne prévoit ni prime de précarité, ni progression salariale, ni stabilité. Un chroniqueur ne cumule aucun droit à l’ancienneté et ne bénéficie pas de protection en cas de rupture du contrat.
Le SNJ-CGT dénonce depuis plusieurs années l’utilisation massive du CDDU, qu’il considère comme une manière de contourner les protections sociales. L’organisation fustige aussi le recours à des statuts d’auto-entrepreneurs pour des activités journalistiques, jugé incompatible avec les droits des salariés de l’audiovisuel.
Un écart de rémunération entre chroniqueurs et animateurs
Le modèle salarial de l’émission repose sur une hiérarchie marquée. Tandis qu’un chroniqueur peut espérer entre 1 000 et 2 000 euros mensuels selon sa fréquence de passage, les animateurs principaux — Olivier Truchot et Alain Marschall — bénéficient d’une rémunération bien plus confortable.
En 2021, Vincent Moscato révélait percevoir plus de 6 000 euros par mois pour son émission quotidienne sur RMC. Marschall et Truchot, animateurs historiques à la radio et à la télévision, seraient payés entre 7 000 et 10 000 euros mensuels. Ce différentiel souligne une réalité : les chroniqueurs assurent l’essentiel du contenu éditorial… sans en retirer les bénéfices économiques.
Des retombées économiques indirectes non négligeables
Pour de nombreux chroniqueurs, la participation à l’émission vaut surtout pour sa visibilité. RMC et RMC Story offrent une exposition nationale, avec des pics d’audience allant jusqu’à 323 000 téléspectateurs en mai 2025 et plus de 4 millions de téléchargements de podcasts chaque mois.
Cette visibilité génère des opportunités concrètes : ventes de livres, invitations à des conférences, développement de clientèle. Plusieurs chroniqueurs témoignent avoir accru leur activité professionnelle grâce à leur notoriété médiatique. Maxime Lledo ou Charles Consigny, par exemple, ont bénéficié des Grandes Gueules comme tremplin vers d’autres médias plus rémunérateurs.
Le modèle économique de l’émission : forte audience, faible coût
Du point de vue de RMC, la formule est rentable. Une émission quotidienne mobilise en moyenne trois chroniqueurs, soit un coût de 1 500 euros pour trois heures de direct. En retour, elle génère une audience quotidienne supérieure à 1,2 million de personnes à la radio, et plusieurs centaines de milliers à la télévision.
L’émission recrute régulièrement de nouveaux visages, souvent repérés dans les forums ou réseaux sociaux du groupe. Depuis 2025, elle accueille de nouveaux profils comme Yves Camdeborde, Laura Warton Martinez ou Abel Boyi. Chaque année, un casting ouvert au public permet à de nouveaux intervenants d’accéder à l’antenne.


