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Le développement des véhicules autonomes n’est plus une promesse futuriste : aux États-Unis, ils circulent déjà dans plusieurs grandes villes. Une étude publiée ce mois-ci par le cabinet Asterès, fondée sur les données de la société Waymo et relayée dans la revue Traffic Injury Prevention, estime qu’un déploiement à grande échelle en France pourrait éviter plus de 30 000 accidents de la route par an et sauver 2 000 vies. Une projection ambitieuse, mais qui repose sur des données tangibles.
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Waymo, pionnier d’une mobilité sans conducteur
Waymo, filiale d’Alphabet (maison mère de Google), exploite depuis 2019 des véhicules autonomes dans des environnements urbains complexes. Son service de robotaxis, lancé à Phoenix, s’est progressivement étendu à San Francisco, Los Angeles, Austin, Mountain View et Atlanta. Ces véhicules dits de « niveau 4 », capables de circuler sans conducteur dans des zones cartographiées, ont déjà parcouru plus de 90 millions de kilomètres.
À San Francisco, Waymo représente aujourd’hui 25 % des courses de type VTC, dépassant Lyft et talonnant Uber. Ce développement rapide permet désormais de disposer d’un volume de données suffisant pour évaluer leur performance en conditions réelles.
Des chiffres solides sur la sécurité
Une étude parue dans la revue Traffic Injury Prevention en mai 2025, conduite par des chercheurs de l’université de Virginie, compare les taux d’accidents des véhicules Waymo à ceux de voitures conduites par des humains. Résultat : les robotaxis réduisent de 79 % le risque d’accident avec blessure, et de 85 % celui impliquant des blessures graves ou mortelles.
Ces résultats, bien que contextualisés à des zones urbaines spécifiques, constituent la première évaluation statistiquement significative à grande échelle de l’impact sécuritaire des véhicules autonomes.
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Un scénario français à fort impact potentiel
À partir de ces données américaines, le cabinet Asterès a réalisé une extrapolation aux conditions françaises. En prenant pour base les chiffres de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR), les économistes estiment qu’un déploiement massif de véhicules autonomes équivalents à ceux de Waymo permettrait de prévenir plus de 30 000 accidents de la route chaque année, dont une majorité avec blessés légers, et d’épargner la vie de 2 000 personnes.
En 2023, la France a recensé 41 000 accidents impliquant des voitures particulières, causant plus de 2 300 décès et près de 200 000 blessés. Le coût total de ces accidents est estimé à 730 millions d’euros. En intégrant la réduction du risque observée chez Waymo, Asterès estime que 580 millions d’euros pourraient être économisés chaque année : 357 millions pour les blessés légers, 132 millions pour les blessés graves, 5 millions pour les hospitalisations liées aux décès, et 87 millions d’euros de pertes de richesse évitées.
Une méthode prudente mais controversée
Asterès reconnaît plusieurs limites à son exercice d’extrapolation. D’abord, la réduction du risque constatée aux États-Unis concerne uniquement les zones urbaines bien cartographiées, alors que l’étude suppose un déploiement en autonomie de niveau 5, c’est-à-dire sans restriction géographique. Ensuite, la classification de la gravité des accidents diffère entre les deux pays. Par précaution, Asterès applique la baisse de l’accidentalité « toutes gravités confondues », en adoptant une approche conservatrice.
Autre point de vigilance : les données françaises utilisées s’appuient en partie sur des estimations, notamment pour les blessés légers, en raison d’une sous-déclaration fréquente. Cela peut affecter l’ampleur réelle des gains potentiels.
Un levier économique et sociétal sous conditions
Au-delà de la sécurité, les véhicules autonomes pourraient jouer un rôle dans la réallocation des ressources publiques liées à la santé et aux secours d’urgence. La baisse du nombre de blessés et de morts aurait un effet direct sur les dépenses hospitalières, la productivité nationale et le financement des assurances. Pour autant, ces gains économiques supposent un déploiement large, une interopérabilité des systèmes, et une adoption sociale rapide.
D’autres enjeux freinent encore cette transition : la responsabilité juridique en cas d’accident, la protection des données personnelles, les impacts sur l’emploi dans les métiers de la conduite, et l’acceptabilité sociale d’une mobilité sans humain à bord.


