Armani est à vendre, mais y aura-t-il un acheteur ?

À la suite de la disparition de Giorgio Armani, la maison italienne devra s’ouvrir à un acteur stratégique ou aux marchés financiers.

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Le décès de Giorgio Armani le 4 septembre 2025, à l’âge de 91 ans, marque un tournant décisif pour la maison italienne. Estimée à 5,2 milliards d’euros, l’entreprise doit désormais s’ouvrir à un partenaire stratégique ou aux marchés financiers, conformément aux volontés exprimées dans le testament du fondateur.

Le testament prévoit une première cession de 15% du capital dans les 18 mois à l’un des trois groupes identifiés : LVMH, L’Oréal ou EssilorLuxottica. Pantaleo Dell’Orco, bras droit historique de Giorgio Armani, dispose toutefois de la possibilité de proposer un autre acquéreur de taille comparable. Dans un délai de cinq ans, les héritiers devront céder entre 30 et 54,9% supplémentaires au même partenaire ou procéder à une introduction en Bourse. La Fondation Armani conservera un peu moins d’un tiers du capital.

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À la valorisation actuelle, le premier ticket de 15% représente environ 780 millions d’euros, et l’opération complète pourrait mobiliser entre 2 et 4 milliards d’euros.

Armani : une maison fragilisée par la conjoncture

Cette séquence s’ouvre dans un contexte délicat. En 2024, le chiffre d’affaires d’Armani a reculé de 5% à 2,3 milliards d’euros, tandis que le résultat net a chuté de 24% à 398 millions. Avec une marge nette de 17%, la maison demeure rentable, mais à un niveau inférieur aux standards des grands acteurs du secteur. Sa valorisation actuelle, qui reflète un ratio cours/bénéfice (PER) de 13, intègre déjà cette contre-performance. Il convient néanmoins de rappeler que les entreprises non cotées supportent généralement une décote de liquidité pouvant atteindre 30%.

Les prétendants peuvent-ils suivre ?

Les disponibilités de trésorerie donnent un premier aperçu des forces en présence : Hermès dispose de 10 milliards d’euros, LVMH de 8 milliards, L’Oréal de 4,8 milliards, Kering de 4,24 milliards et EssilorLuxottica de 2,79 milliards. Tous sont en mesure de financer la première cession de 15%. En revanche, la deuxième étape nécessiterait pour L’Oréal, Kering et EssilorLuxottica de recourir à la dette ou à une introduction en bourse partielle.

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LVMH apparaît comme le favori naturel. Le groupe de Bernard Arnault couvre déjà tous les segments dans lesquels Armani est présent : couture, accessoires, beauté, lunettes, hôtellerie et lifestyle. Le testament en fait d’ailleurs un candidat explicitement privilégié. L’intégration serait toutefois complexe, car il faudrait renégocier les contrats de licence en vigueur : L’Oréal détient l’exclusivité des cosmétiques jusqu’en 2050 et EssilorLuxottica celle des lunettes jusqu’en 2038. Ces contraintes, sans être insurmontables, pourraient ralentir l’opération et en réduire la rentabilité immédiate.

Parmi les autres candidats, aucun ne dispose d’un profil idéal. EssilorLuxottica bénéficie d’un partenariat historique sur les lunettes mais n’a pas l’expertise nécessaire en couture. L’Oréal génère déjà environ 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires avec Armani Beauté, mais son modèle ne lui permet pas de piloter une maison de mode intégrée. Hermès, malgré sa trésorerie abondante, devrait rester fidèle à sa stratégie d’indépendance et n’a pas été mentionné dans le testament. Enfin, Kering, fragilisé par le ralentissement de Gucci, n’apparaît pas en position de force.

Le scénario principal : l’introduction en bourse

Si la première cession de 15% à un acteur industriel semble acquise, probablement au profit de LVMH, l’hypothèse nous semblant la plus crédible pour la suite reste l’introduction en Bourse. Elle offrirait aux héritiers une diversification patrimoniale et une liquidité accrue, tout en évitant l’absorption complète de la maison par un concurrent. Elle permettrait également de supprimer la décote de liquidité appliquée aujourd’hui.

En appliquant un PER de 20, soit la moyenne basse du secteur du luxe, la valorisation d’Armani pourrait atteindre 8 milliards d’euros. L’introduction en Bourse d’une tranche de 30 à 54,9% représenterait alors entre 2,4 et 4,4 milliards d’euros levés, repositionnant Milan sur la carte boursière du luxe aux côtés de Paris.

Une transition sous haute surveillance

Le testament de Giorgio Armani ne fixe pas l’issue définitive, mais encadre fermement le processus de transmission. Entre ouverture à un groupe industriel, introduction en bourse potentielle et garanties de contrôle laissées à la Fondation, la maison s’engage dans une transition qui sera scrutée de près par les marchés. Dans un secteur du luxe moins euphorique qu’il y a quelques années, cette opération fera office de test grandeur nature pour évaluer la valeur d’une marque iconique orpheline de son fondateur.

Mateis Mouflet
Analyste de marché chez XTB France



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