L’idée est séduisante sur le papier : faire payer chaque petit colis importé depuis la Chine ou d’autres pays extra-européens pour protéger les commerces locaux, ralentir la fast fashion, Shein et Temu en tête, et remplir les caisses de l’Etat. Pourtant, derrière l’argument de justice commerciale et fiscale, la multiplication des « frais de traitement » nationaux sur les colis de moins de 150 euros traduit une dérive préoccupante pour le marché intérieur européen, pour le droit international… et pour les consommateurs.
Plusieurs États membres ont récemment pris l’initiative d’instaurer un prélèvement sur les « petits colis », d’une valeur de moins de 150 euros, qui échappaient jusqu’à présent à toute taxe. La Roumanie a ainsi ouvert la voie avec une taxe fixe de 25 RON par colis, soit environ 5 euros, appliquée à partir du 1er novembre de cette année. L’objectif annoncé est double : freiner, d’une part, l’avancée des plateformes non européennes, capter d’autre part des recettes estimées à 260 millions d’euros par an. En France, un dispositif similaire devrait figurer dans le budget 2026, intégrant une redevance de 2 euros par article importé depuis l’extérieur des frontières européennes. La Belgique, les Pays-Bas ou la Pologne étudient également ce modèle, tandis qu’au Parlement européen certains élus plaident pour un prélèvement ciblé sur la fast fashion.
Ces initiatives ont pour but de montrer que l’Europe ne reste pas passive face à l’invasion des colis chinois. Mais cette démonstration de force repose sur une mécanique peu compatible avec les principes fondamentaux du marché intérieur, et ne va pas sans effets pervers. Ainsi, en multipliant des taxes nationales, chaque État crée sa propre règle douanière, rompant avec l’uniformité du Code des douanes de l’Union. De quoi, au nom du protectionnisme, transformer le marché unique en un patchwork peu lisible de barrières administratives. Avec pour conséquence un risque de fragmentation réglementaire qui compliquera le travail des transporteurs, créera des distorsions de concurrence entre États membres et introduira une forme d’« insécurité juridique » pour tous les opérateurs transfrontaliers, des grandes marketplaces aux petites entreprises locales.
Pour Bruxelles, le problème est avant tout d’ordre juridique. Les règles du GATT et du droit européen sont claires : une redevance à la frontière n’est légitime que si elle rémunère un service réel et est appliquée de manière non discriminatoire entre produits locaux et importés. Or ces taxes sont fixées forfaitairement, sans lien avéré avec un service douanier effectif, sans proportionnalité, et poursuivent un objectif explicitement budgétaire ou protectionniste. De quoi les assimiler à des droits de douane, interdites par les traités européens comme par les règles de l’OMC. Aussi, en adoptant ces mécanismes, les États membres prennent le risque de voir leurs dispositifs contestés devant la justice européenne ou internationale, tout en fragilisant la crédibilité de l’Union.
Le consommateur final, premier lésé ?
En France, la taxe sur les petits colis est portée par Serge Papin, nouveau ministre des PME et du Commerce, au nom de la lutte contre la désertification des centres-villes – une croisade dont ses détracteurs ne manquent pas de relever le sel, de la part de celui qui fût de 2005 à 2018 PDG de Système U, soit l’un des acteurs de la grande distribution responsables du taux élevé de vacance commerciale dans les centres-villes français. Papin et les autres défenseurs de cette taxe affirment qu’elle vise avant tout les géants du e-commerce étrangers. Pourtant, en bout de chaine, ce sont bien les consommateurs qui en paieront le prix.
Chaque prélèvement de 2 euros sera ainsi directement répercuté sur le prix final des produits, touchant prioritairement les ménages modestes, les jeunes ou les habitants de zones rurales pour qui le e-commerce représente un levier d’accès au marché, en particulier les enseignes de fast fashion tant décriées. Notons que les petites entreprises européennes qui importent pour revendre seront elles aussi pénalisées : leurs coûts logistiques augmenteront et leur compétitivité diminuera mécaniquement face aux grandes plateformes mieux armées pour absorber ou contourner ces frais. Serge Papin en a-t-il bien conscience ?
Taxer les petits colis n’est pas en soi une hérésie. Encore faudrait-il que les Etats membres agissent de manière concertée, coordonnée, et en accord avec le droit européen et le principe de libre circulation des biens. L’Europe se trouve à la croisée des chemins : soit elle organise une réponse systémique, transparente et commune face aux nouveaux flux du commerce numérique ; soit elle autorise une fragmentation progressive de son marché intérieur sous couvert de protection, au prix d’une nouvelle entorse à sa cohérence. Peut-elle vraiment s’en offrir le luxe ?
consommer français c’est bien, mais à quel prix? Dans le monde d’aujourd’hui on est oubligé d’acheter beaucoup par ex . vêtements. La robe pour une soirée sur temu coût en moyenne 10 euros. Made in France c’est vers 50 euros voir plus. il faut être réaliste, mettre les mêmes vêtement est mal vu.