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Alors que l’huile d’olive incarne depuis des décennies la santé, la Méditerranée et la naturalité, les dernières enquêtes des associations de consommateurs révèlent une tout autre réalité. Fraudes massives, contaminations chimiques et étiquetages mensongers : une grande partie des huiles vendues en supermarché français ne mérite pas l’appellation « vierge extra » qu’elles affichent fièrement.
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Le mythe de l’huile d’olive de qualité face à la réalité
En France, plus de 110 000 tonnes d’huile d’olive sont consommées chaque année. Produit symbole d’un mode de vie sain, elle est devenue un pilier de l’alimentation quotidienne. Pourtant, selon les tests de l’UFC-Que Choisir publiés le 23 juin 2025, 75 % des huiles d’olive vendues comme « vierge extra » n’en ont pas les qualités requises. Sur vingt références analysées, seules cinq respectent les critères du Comité oléicole international. Deux ont même été classées dans la catégorie « lampante », impropre à la consommation directe.
Ces résultats confirment une dégradation spectaculaire de la qualité. La DGCCRF relevait déjà, dans ses contrôles de 2021, 40 % de non-conformité sur les huiles d’olive commercialisées en France. À l’échelle européenne, la situation n’est pas meilleure : en 2024, cinquante cas de fraude ont été identifiés aux frontières de l’Union, un chiffre en forte hausse.
Une filière gangrenée par la fraude
La fraude à l’huile d’olive prend des formes multiples : fausse origine, dilution avec d’autres huiles, étiquettes trompeuses. En juillet 2024, les autorités italiennes ont saisi plus de 40 tonnes d’huile faussement étiquetée « extra-vierge ». En France, la pratique de la « francisation » – le reconditionnement d’huiles étrangères sous des labels locaux – reste très répandue.
Les rapports de la DGCCRF soulignent que près d’un échantillon sur deux présente des anomalies d’origine, sans que les marques concernées ne soient nommées. Une opacité régulièrement dénoncée par les associations de consommateurs. Foodwatch a d’ailleurs lancé une pétition pour exiger la publication des marques non conformes, sans obtenir de réponse du gouvernement.
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Des contaminants chimiques omniprésents
Au-delà des fraudes, la principale alerte sanitaire concerne la présence massive de contaminants chimiques. Dans son enquête d’avril 2025, 60 Millions de consommateurs conclut sans détour : « Toutes les 22 huiles testées contiennent au moins un contaminant. »
Les plastifiants, notamment les phtalates (DEHP, DBP, DEHA), sont détectés dans presque tous les échantillons. Ces substances, classées perturbateurs endocriniens et reprotoxiques par l’Agence européenne des produits chimiques, sont issues de matériaux plastiques utilisés lors du stockage ou du transport. Leur ingestion régulière, même à faibles doses, est associée à des risques accrus de cancers, d’infertilité et de troubles métaboliques.
Les hydrocarbures aromatiques d’huiles minérales (MOAH) représentent une autre menace. Issus de dérivés pétroliers, ils peuvent contenir des composés cancérogènes capables d’endommager l’ADN. L’Autorité européenne de sécurité des aliments estime qu’aucun taux d’exposition ne peut être considéré comme sûr. Ces hydrocarbures ont été retrouvés en quantité alarmante dans certaines huiles vendues en France.
Les marques les plus inquiétantes
L’huile bio Terra Delyssa, fabriquée en Tunisie, a obtenu la note catastrophique de 5/20 dans le test de l’UFC-Que Choisir (juin 2025). Elle a été classée « lampante », donc impropre à la consommation. Des défauts sensoriels majeurs y ont été relevés, associés à une contamination par trois plastifiants interdits, dont le DEHP.
Autre cas emblématique : l’huile Eco+ de Leclerc. Conforme sur le plan organoleptique, elle détient pourtant le record de contamination en hydrocarbures MOAH, avec 10 mg/kg selon 60 Millions de consommateurs (avril 2025), soit cinq fois le seuil européen qui entrera en vigueur en 2027.
Les huiles bio Carapelli, Cauvin, Naturalia et La Vie Claire se distinguent elles aussi par des taux préoccupants de plastifiants et d’hydrocarbures. Même des marques reconnues comme Lesieur, Émile Noël ou Tramier ont été déclassées pour défauts de goût et oxydation excessive.
Une réglementation dépassée et un manque de transparence
Le label « vierge extra » repose sur des critères stricts de goût, d’acidité et d’oxydation, mais il ne tient pas compte des contaminants chimiques. Une huile peut donc être parfaitement conforme sur le plan organoleptique tout en étant chargée de substances toxiques.
Cette faille réglementaire entretient une illusion de sécurité. En France, les autorités publient peu de données précises sur les marques non conformes, contrairement à l’Italie ou à l’Espagne. En juillet 2025, la DGCCRF a reconnu que 80 % des huiles haut de gamme contrôlées entre 2022 et 2023 présentaient des non-conformités, souvent liées à l’étiquetage.
Face à cette situation, la Cour des comptes européenne a lancé un audit en février 2025 pour évaluer l’efficacité du système de contrôle des huiles d’olive dans l’Union européenne. Les conclusions sont attendues d’ici la fin de l’année.
Le poids du climat et des prix dans la dégradation de la qualité
La crise de qualité s’inscrit aussi dans un contexte climatique et économique défavorable. Les sécheresses de 2022 et 2023 ont réduit la production espagnole de moitié, faisant exploser les prix de gros. Entre 2022 et 2024, le prix moyen du litre d’huile d’olive a bondi de 77 % en France.
Certains fabricants ont admis avoir dû « arbitrer entre qualité et prix », utilisant des lots plus fragiles ou mal conservés. Les huiles produites dans ces conditions se sont rapidement oxydées, expliquant la hausse des défauts gustatifs constatés dans les tests récents.
La reprise partielle des récoltes en 2025 a entraîné une baisse des prix de plus de 50 % depuis le pic de janvier 2024. Cette accalmie pourrait favoriser un retour progressif à la qualité, à condition que les contrôles soient renforcés.
Vers une refondation nécessaire de la filière
Les résultats croisés de 60 Millions de consommateurs (avril 2025) et de l’UFC-Que Choisir (juin 2025) dressent le constat d’une filière en crise : produits déclassés, contaminations chimiques, labels trompeurs et contrôles insuffisants. Le cas Eco+ illustre parfaitement les limites du système : une huile peut être légalement « vierge extra » tout en présentant des niveaux préoccupants de substances toxiques.
Pour restaurer la confiance, plusieurs mesures apparaissent urgentes : rendre publics les résultats des contrôles, intégrer les tests de contaminants dans la certification officielle, renforcer la traçabilité des chaînes de production et sanctionner plus sévèrement les fraudes.
L’huile d’olive reste un produit emblématique du régime méditerranéen. Mais sans transparence ni exigence, elle risque de perdre ce qui faisait sa valeur : la confiance des consommateurs.


