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Depuis trente ans, les cancers du sein explosent chez les femmes de moins de 50 ans. Une étude française, publiée en octobre 2025 par la Société française de médecine prédictive et personnalisée (SFMPP), met des chiffres clairs sur une réalité qui ne l’est plus du tout : cette maladie, longtemps associée à l’âge, frappe désormais bien plus tôt – et plus fort.
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Une hausse continue et massive depuis 1990
Le constat est sans appel. Entre 1990 et 2023, le nombre de cancers du sein chez les femmes de 30 ans a bondi de 63 % en France, passant de 16,1 à 26,3 cas pour 100 000. Chez les 40 ans, la hausse atteint 33 %. En tout, plus de 229 000 cas ont été enregistrés chez les femmes de moins de 50 ans sur cette période. Rien d’anecdotique : en 2023, on comptait 3000 diagnostics annuels chez les 20-39 ans, contre 2000 au début des années 1990.
Cette augmentation suit une pente régulière : +1,5 % par an à 30 ans, +0,9 % à 40 ans. Santé publique France confirme : +1,6 % par an chez les 15-39 ans entre 2000 et 2020.
Une tendance mondiale
Le phénomène dépasse les frontières françaises. Aux États-Unis, le taux de cancer du sein chez les femmes de 20 à 49 ans est passé de 64 à 74 cas pour 100 000 entre 2000 et 2019. Et surtout, l’augmentation a brutalement accéléré après 2016 : +3,76 % par an.
Le Royaume-Uni suit le même chemin, avec une hausse de 22 % entre 1993 et 2018 chez les 25-49 ans. Même constat dans les pays nordiques. La hausse est globale.
Chez les femmes jeunes, le cancer du sein est aussi plus violent. Les tumeurs sont souvent de haut grade, avec des caractéristiques biologiques défavorables. Les formes dites “triple négatives”, plus difficiles à traiter, sont surreprésentées. L’âge médian d’apparition est de 53 ans, mais 25 % des femmes concernées ont moins de 43 ans.
Résultat : un pronostic plus sombre. Les femmes de moins de 40 ans ont un risque de décès 39 % plus élevé. Elles rechutent aussi plus souvent : 75 % des récidives surviennent dans les cinq ans suivant le diagnostic.
Pourquoi cette épidémie ?
Pas de cause unique. Mais une accumulation de facteurs.
Hormonaux, d’abord. Puberté plus précoce, ménopause plus tardive, premières grossesses retardées, moins de grossesses, moins d’allaitement : tous ces paramètres augmentent l’exposition aux œstrogènes, hormones associées au risque.
Environnementaux, ensuite. Les perturbateurs endocriniens sont dans le collimateur. L’exposition précoce à des substances comme le DDT multiplie les risques. Une étude américaine montre que les filles exposées avant 14 ans avaient cinq fois plus de chances de développer un cancer du sein. La pollution atmosphérique, elle aussi, est pointée du doigt, notamment le benzo[a]pyrène.
Comportementaux, enfin. Alimentation déséquilibrée, sédentarité, tabac, alcool : la liste est connue. Un seul verre d’alcool par jour suffit à accroître le risque. Selon l’OMS, plus de la moitié des cas liés à l’alcool ne relèvent pas d’une consommation excessive.
Un dépistage dépassé
Le programme français cible les femmes de 50 à 74 ans, avec une mammographie tous les deux ans. Mais aujourd’hui, 10 % des cas concernent des femmes de moins de 40 ans. Et 16,5 % des cas recensés en 2005 touchaient les 40-50 ans.
Face à cette nouvelle donne, plusieurs pays ont déjà bougé : mammographie dès 40 ans aux États-Unis depuis 2024, dès 45 ans dans les recommandations européennes.
En France, le débat est ouvert. La HAS a été saisie en janvier 2025 pour envisager un abaissement à 45 ans. Le Pr Pascal Pujol, président de la SFMPP, milite pour une stratégie plus fine : “Je ne vois pas pourquoi on continue à dépister à partir de 50 ans quand les courbes montent dès 30 ans.”
Les bons outils pour les bonnes femmes
Chez les femmes jeunes, la mammographie est souvent peu efficace à cause de la densité mammaire. L’échographie est préférée. L’IRM, plus sensible, est conseillée en cas de doute ou de risque élevé. Pour les femmes porteuses d’une mutation BRCA, un suivi dès 30 ans est préconisé, avec IRM et mammographie combinées.
Baisser l’âge du dépistage n’est pas sans risque. Le surdiagnostic, c’est-à-dire la détection de cancers qui n’auraient jamais évolué, pourrait concerner jusqu’à 35 % des cas. Et les mammographies répétées ne sont pas anodines : elles augmentent légèrement le risque de cancer radio-induit.
Trois essais cliniques sur le dépistage avant 50 ans n’ont pas permis de conclure à une baisse significative de la mortalité.
La recherche avance, mais lentement
Pour les cancers triple négatifs, plusieurs pistes sont à l’étude : anticorps ciblant TROP-2, immunothérapies utilisant les lymphocytes TIL, inhibiteurs de bromodomaine. L’essai clinique TRIPLEX, lancé en 2023 à Caen, teste les traitements sur des organoïdes tumoraux. D’autres, comme Skyline, misent sur une combinaison de traitements immunitaires.
À Grenoble, des chercheurs de l’Inserm ont identifié un mécanisme clé de propagation des métastases. Une avancée potentielle contre les tumeurs secondaires.
L’Institut national du cancer estime que 20 000 cas pourraient être évités chaque année par de simples changements de mode de vie : arrêt du tabac, réduction de l’alcool, alimentation équilibrée, activité physique régulière. Ce n’est pas nouveau, mais ça reste efficace.
Pour les femmes à risque génétique élevé, des stratégies plus lourdes existent : mastectomie préventive, traitement hormonal préventif (comme le tamoxifène). L’étude européenne MyPeBS, qui suit 85 000 femmes, cherche à valider une approche de dépistage personnalisée, fondée sur le risque individuel.